Intervention de Jean-Pierre Plancade

Réunion du 16 mai 2013 à 15h00
Devenir de la politique familiale en france — Discussion d'une question orale avec débat

Photo de Jean-Pierre PlancadeJean-Pierre Plancade :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’incertitude suscitée par la crise économique et la montée du chômage a fait chuter la fécondité dans la plupart des pays développés et principalement en Europe où la moyenne ne dépasse pas 1, 6 enfant par femme. Dans cette Europe vieillissante, la démographie française fait figure d’exception, puisque son taux de fécondité est parmi les plus élevés, même s’il se situe très légèrement en dessous du seuil de renouvellement des générations. Selon un rapport publié fin mars par l’Institut national d’études démographiques, si la France a plutôt mieux résisté que ses voisins, c’est parce que « les politiques sociales et familiales ont amorti le choc de la récession ».

À l’origine, la politique familiale en France visait un objectif nataliste. Elle a été progressivement mise en place, d’abord pendant l’entre-deux-guerres pour encourager la natalité dans un pays inquiet de la démographie d’un grand État voisin, puis confirmée et encouragée davantage par le Conseil national de la Résistance. Par la suite, elle s’est attachée à lutter contre la pauvreté, à promouvoir le développement de l’enfant et à permettre aux parents de concilier vie familiale et vie professionnelle.

La famille est un pilier fondamental de notre société. C’est dans cet esprit que la politique familiale doit créer un environnement favorable permettant à chaque famille d’accueillir et de former les citoyens de demain. En ce sens, elle est un acteur essentiel de la richesse de notre pays. Mais, aujourd’hui, alors que la France y consacre des sommes importantes, il est évident que notre politique familiale n’atteint plus ses objectifs et qu’il est nécessaire de rendre le système plus juste.

En janvier dernier, le Premier ministre confiait à Bertrand Fragonard, président du Haut Conseil de la famille, la lourde tâche de proposer des pistes de réflexion pour que la redistribution se fasse de manière plus équitable. Il lui demandait également de trouver plusieurs scénarios pour rééquilibrer, à l’horizon de 2016, les comptes de la branche famille, déficitaires de plus de 2 milliards d’euros. Sur ce point, on peut toutefois s’interroger sur l’opportunité de vouloir combler un déficit purement artificiel qui résulte en effet de la prise en charge des dépenses du Fonds de solidarité vieillesse relatives aux majorations de retraites pour les assurés ayant élevé trois enfants ou plus. Dans la mesure où la branche famille doit naturellement retrouver son équilibre en 2019, la plupart des membres du Haut Conseil de la famille contestent d’ailleurs la nécessité d’un tel rééquilibrage.

En revanche, il est certain qu’une réforme de notre politique familiale doit être engagée vers un régime plus équitable. À ce titre, dans le rapport Fragonard, plusieurs pistes ont été explorées pour réformer les allocations familiales.

Repoussant l’idée d’une suppression de ces allocations pour les familles les plus aisées, contraire au principe d’universalité, Bertrand Fragonard a étudié la possibilité de les soumettre à l’impôt sur le revenu, à l’instar de ce que propose Didier Migaud, ou de les moduler en fonction des revenus. Cependant, aucune de ces pistes ne fait consensus au sein du Haut Conseil de la famille.

Il semblerait toutefois que le Gouvernement s’oriente vers un système de modulation des allocations qui permettrait de réduire leur montant lorsque le revenu des familles dépasse un certain plafond. Il n’est certes pas nécessaire que les familles les plus aisées perçoivent les mêmes allocations que les familles les plus modestes, d’autant qu’elles bénéficient déjà des avantages du quotient familial, dont près de la moitié est captée par seulement 10 % des ménages les plus riches, selon un rapport du Conseil des prélèvements obligatoires. Pour autant, n’est-il pas à craindre que les classes moyennes soient également concernées ?

Selon le scénario élaboré par le rapport Fragonard, les allocations familiales commenceraient à diminuer à partir de 5 072 euros de revenus pour un couple avec deux enfants. Une telle réforme soulève par ailleurs la question de la charge de travail supplémentaire pour les CAF, qui sont déjà en situation d’asphyxie.

Certains membres du Haut Conseil de la famille évoquent la possibilité de réformer le quotient familial et le quotient conjugal, qui tendent effectivement à favoriser les familles aisées. D’autres suggèrent une révision de l’architecture des prestations familiales portant notamment sur leur progressivité en fonction de la taille de la famille et la possibilité d’instaurer des allocations dès le premier enfant. Il est en effet difficilement compréhensible qu’une famille monoparentale modeste avec un enfant ne puisse percevoir d’allocation, contrairement à un couple aisé avec deux enfants. Pouvez-vous nous indiquer, madame la ministre, les intentions du Gouvernement en la matière ?

Dans un contexte de rigueur budgétaire, il est normal de faire des économies. Pour autant, une réforme ambitieuse de la politique familiale doit aussi passer par des mesures ciblées sur les familles qui en ont le plus besoin : les familles nombreuses modestes et les familles monoparentales. Cela doit également passer par un redéploiement des moyens pour développer les crèches et le nombre d’assistantes maternelles permettant de concilier vie familiale et vie professionnelle.

Force est de constater que bien des parents éprouvent des difficultés à trouver un mode de garde pour leurs jeunes enfants : obtenir une place relève parfois du parcours du combattant, et l’un des deux parents, très souvent la mère, est alors contraint de sacrifier son emploi. Donner la priorité au développement de ces structures d’accueil, c’est également le moyen de permettre aux femmes de se maintenir sur le marché du travail et de diminuer la précarité de ces familles.

Une réforme ambitieuse de notre politique familiale est devenue une nécessité. Les membres du RDSE l’appellent de tous leurs vœux, car elle constitue un enjeu majeur pour le développement démographique, social et économique de notre pays.

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