… auquel il peut être difficile de remédier, certains d’entre nous en ont fait l’expérience. Pour favoriser l’équilibre territorial, la proximité entre élus et électeurs, il faut essayer de réduire cette distance. Il a donc été convenu que, au sein de chaque liste, dans le respect du nombre de sièges qui lui échoit après la décision des électeurs, les postes de conseillers régionaux seraient répartis entre les sections départementales.
À ce point de mon raisonnement, permettez-moi une observation. En première année de droit constitutionnel, on apprend que, lorsqu’il doit y avoir une distribution géographique de sièges dans un scrutin, ces sièges sont répartis au prorata de la population puisque l’élu représente l’ensemble de la population et pas seulement ses électeurs : c’est le principe de la souveraineté populaire. Or, dans le cas présent, et la Constitution ne s’y oppose pas, la répartition finale des sièges entre entités géographiques se fait au prorata non pas de la population mais des suffrages exprimés, en tenant compte de l’altération possible du fait de la répartition politique des suffrages. C’est ce constat qui a mû l’initiative de nos collègues du RDSE.
Aujourd’hui, des départements peu peuplés au sein d’une région très peuplée peuvent être représentés de façon minuscule, voire microscopique. Le cas le plus emblématique est celui de la Lozère, qui n’a obtenu qu’un seul siège de conseiller régional au terme du dernier renouvellement. Si les différences de dynamique démographique entre les grands départements de la région proches du littoral, essentiellement l’Hérault, mais aussi le Gard et à certains égards les Pyrénées Orientales, devaient se poursuivre, la Lozère pourrait se retrouver sans aucun représentant.
Aujourd’hui, il n’y a pas de situation similaire. Toutefois, dans la région PACA, les Hautes-Alpes, voire les Alpes-de-Haute-Provence, compte tenu du nombre d’électeurs dans ces départements et de l’accroissement de la population dans les Bouches-du-Rhône et surtout dans les deux départements de la Côte d’Azur, pourraient à leur tour compter moins de trois représentants au sein d’un conseil régional de 123 membres.
Voilà pourquoi il semble logique de chercher une solution. Comme l’a indiqué Alain Bertrand à juste titre, l’idée de partir de sections régionales qui auraient eu de façon garantie leurs propres sièges présentait beaucoup inconvénients, même si – cette observation ne manque pas d’intérêt pour les connaisseurs de la chose électorale – c’est suivant ce système que sont élus les conseils municipaux, donc les maires, des trois plus grandes villes de France. Ils sont élus sur la base d’un fractionnement géographique, sans aucune détermination de majorité à l’échelle de l’ensemble de la ville, et sans même l’obligation pour les formations politiques de présenter des listes identiques dans tous les arrondissements. Et nous nous accommodons très bien de ce mode d’élection, ce qui prouve le caractère assez diversifié, pour ne pas dire chatoyant, de notre droit électoral et de nos habitudes politiques.
Confrontés au déficit de représentation – Alain Bertrand a fort bien expliqué les difficultés concrètes d’un seul représentant pour un département –, il nous fallait bien trouver une solution, d’où l’idée de fixer un seuil de trois conseillers.
Lors des débats en commission et au cours des échanges que j’ai pu avoir avec tous les groupes, je n’ai pas entendu de véritable contre-proposition. Aurait-il mieux valu opter pour le seuil de deux représentants ? Eu égard aux charges minimales de représentation d’un territoire, en particulier au sein des organismes relevant de la région, le chiffre de trois semble à même de faire l’unanimité, d’autant – j’y reviendrai en conclusion – qu’il n’a pas pour effet de déséquilibrer la composition des conseils régionaux.
La commission des lois, à l’unanimité, a estimé qu’il fallait un minimum de trois représentants par territoire. Si l’on retient cette idée, reste à trouver les moyens de parvenir à ce résultat sans distordre l’application du système électoral pour les élections régionales auquel nous sommes, je le crois, collectivement attachés.
Prenons l’exemple de la région Languedoc-Roussillon. Après les élections de 2010, les 67 sièges à pourvoir ont été répartis entre une majorité et des minorités selon le principe de la proportionnelle avec prime majoritaire : la Lozère n’a recueilli qu’un conseiller. Si l’on veut que ce département dispose de trois conseillers, il est proposé d’ajouter deux sièges au conseil régional. La répartition des sièges avec le scrutin à la proportionnelle et prime majoritaire serait alors calculée sur la base de 69 élus, ce qui ne créerait aucun déséquilibre entre les listes. Il en résulterait que deux sièges supplémentaires seraient attribués en application du système de majorité pondérée à l’échelle régionale. Les listes bénéficiaires de ces deux sièges supplémentaires – ou la liste bénéficiaire puisque cela peut être la même, en l’occurrence d’ailleurs, en 2010, cela aurait été la même – devront les attribuer aux candidats figurant sur la section départementale du département déficitaire. La prime majoritaire représente le quart du nombre de conseillers, soit 17 conseillers pour 67 membres. Si l’on refait le calcul sur la base de 69 membres, la prime majoritaire passerait à 18.
Il m’a donc fallu réécrire l’article afin que tout soit suffisamment clair. Dans ces conditions, ce dispositif me semble de nature à concilier le besoin de représentation d’un département à faible population et le principe d’égalité du suffrage.
J’observe que, grâce à l’initiative, par ailleurs controversée, du conseiller territorial, le Conseil constitutionnel a eu l’occasion de préciser le droit en la matière. En effet, le même déséquilibre se présentait à l’intérieur des régions. Dans la mesure où la taille des cantons devait être homogène au sein de la région, la base de représentation de chaque élu devait être la même, que ce soit au sein d’un tout petit département ou du plus grand département de la région. En Languedoc-Roussillon, on se trouvait donc confronté au problème d’effectifs – c’était le plus massif – entre les conseillers territoriaux représentant l’Hérault et ceux qui représentaient la Lozère.
Comme ce système aboutissait à créer des conseils généraux soit absolument pléthoriques – dans les départements les plus importants –, soit microscopiques – dans les plus petits d’entre eux –, le Gouvernement et la majorité de l’époque ont décidé de fixer le nombre minimal de conseillers territoriaux à quinze, soit une surreprésentation substantielle en faveur des petits départements.