Intervention de Yves Krattinger

Mission commune d'information Avenir de l'organisation décentralisée de la République — Réunion du 14 mai 2013 : 1ère réunion
Constitution

Photo de Yves KrattingerYves Krattinger, rapporteur :

En premier lieu, je souhaite remercier le Président ainsi que mes collègues pour m'avoir désigné rapporteur de cette mission.

J'entends bien les lignes tracées par le Premier ministre, M. Raffarin.

Je n'émets pas de réserve a priori mais il me semble que le calendrier proposé comporte un certain nombre de dangers.

Étudier concomitamment des textes et réfléchir à l'avenir ne relève pas, comme il a été dit, du même exercice. Pourtant, cela sera réalisé dans un même temps et dans un espace commun ici au Sénat. Il est peu probable que les deux démarches puissent rester totalement étanches l'une par rapport à l'autre.

J'entends le souci du Président d'aller vite mais il faut aussi que le véhicule aille au bout de sa course. Il faudrait donc tout de même prendre le temps nécessaire. Je ne sais pas si le début d'octobre 2013 est la bonne échéance, nous en reparlerons.

Pour ce qui me concerne, j'apprécie que l'on se situe dans une vision à long terme. Vous évoquiez 2020, cela me semble presque trop court.

La mise en oeuvre des textes demande toujours du temps. Lorsqu'on vote quelque chose à l'année N, ce n'est jamais ou très rarement mis en application la même année. Il faut toujours beaucoup de temps. La loi de 1982 à mis longtemps à révéler toutes ses potentialités.

Je pense que nous devrons prendre le temps et faire les choix les plus stratégiques, ceux qui sont le plus tournés vers le long terme.

Par ailleurs, j'aimerais que le Président s'exprime sur quelques points.

J'ai déjà eu l'occasion de débattre avec lui et je l'ai entendu. Je pense donc être rassuré mais sommes-nous d`accord pour dire que nous allons imaginer ensemble une France décentralisée, peut-être de manière un peu idéale ? Imaginer ce que nous souhaiterions pour un futur qui serait un peu loin devant nous.

Voulons-nous aller vraiment très loin sur la décentralisation ? Nous situons-nous de nouveau dans la perspective de l'amélioration des dispositifs existants que nous connaissons tous avec tous les écueils que cela comporte ? Allons-nous, au contraire, écrire une copie à caractère plus universitaire, qui viserait très loin.

J'aimerais pour ma part que vous puissiez me répondre sur ces points.

Deuxième élément, découlant du premier :, la question ne doit-elle pas être posée sous l'angle d'une efficacité réelle de l'action publique et de la mise en oeuvre de la décision publique, ainsi que sur le rôle réciproque, d'une part, de l'organisation centralisée de l'État telle qu'elle est aujourd'hui et, d'autre part, de celui des territoires et des collectivités ?

Seriez-vous d'accord pour que nous regardions bien cet aspect des choses ? Que nous observions le rôle de la partie centrale dans le dispositif français au regard de celui des territoires ?

J'ai en effet toujours le sentiment que la confusion n'est pas levée dans l'esprit de nos concitoyens et des différents partenaires que nous rencontrons au fil de nos journées d'élus.

Pour moi, c'est la question essentielle.

Redéfinir le rôle de l'État, qui a tout de même du mal à s'émanciper de son histoire et de ses pesanteurs, et celui des territoires.

Vous avez employé tout à l'heure, Monsieur le Président, l'expression de « république décentralisée ». Je sais qu'elle vous est chère mais allons-nous essayer ensemble de la définir, d'écrire cette partition d'une République décentralisée ?

Je crois aujourd'hui que malgré votre volonté exprimée lors d'un projet de loi antérieur, que je salue, celle-ci ne s'incarne pas encore dans les faits. Nous en sommes même assez loin.

J'ai aussi cru comprendre, et je trouve cela dangereux, que nous ne ferions que faire semblant d'écouter les associations d'élus. Ce serait un exercice périlleux. Pouvons-nous vraiment procéder de cette façon ? Il faut faire attention, car ce discours pourrait ne pas être compris.

Vous nous avez dit que nous allions essayer d'écouter des personnalités ayant un regard différent. Cela s'est déjà fait. Le comité Balladur avait déjà procédé de cette façon, et cela n'a pas accouché de propositions pouvant être mises en oeuvre. Ne faudrait-il pas plutôt écouter les gens, plutôt qu'écouter des gens différents ?

Quand nous sommes sur le terrain, les gens font toujours difficilement la différence entre une direction régionale de l'État et une direction de la région sur le même thème. Ils font difficilement la différence entre une direction départementale de la jeunesse et des sports et la direction des sports chez notre collègue Yves Rome.

Je pense qu'il faut que nous y soyons très attentifs.

Saurons-nous, enfin, Monsieur le Président, nous sortir de l'exercice sans que celui-ci reste politicien ? Je veux être très sincère avec vous, tout cela m'interroge. C'est vous et votre groupe, en toute légitimité, qui avez engagé cette mission. Nous y participons avec la foi qui nous habite habituellement sur les questions de décentralisation et du fonctionnement de notre pays.

Je le dis bien sûr sans agressivité aucune : il ne faudrait pas que cela devienne un exercice de communication qui soit simplement le contre-jour des débats, pouvant être fastidieux, sur les textes en cours. Nous détiendrions la lumière et la vérité et nos collègues seraient enferrés dans le quotidien. Peut-être le prendraient-ils mal ?

Monsieur le président, je ne fais que dire les risques.

Nous nous connaissons, je vous apprécie et j'espère que cela est réciproque mais je me dois de poser tout de même cette question en préambule à nos échanges, qui seront sûrement fructueux et passionnés, mais aussi tournés vers la recherche de la vérité.

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