Intervention de Dominique Voynet

Réunion du 22 décembre 2004 à 21h00
Ouverture du capital de dcn — Adoption d'un projet de loi

Photo de Dominique VoynetDominique Voynet :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, à la veille des fêtes et presque en catimini, nous sommes amenés à discuter d'un sujet qui concerne l'avenir professionnel de 13 000 personnes dont dépend le futur économique d'au moins trois grandes régions françaises et qui, jusqu'à un certain point, met en jeu les conditions de construction de la sécurité européenne.

Comme les collègues qui m'ont précédée, je contesterai donc la méthode du fait accompli et dénoncerai le caractère précipité d'un débat qui aurait mérité qu'on lui consacrât un peu de temps.

En effet, la façon dont le Gouvernement traite la représentation parlementaire sur cette affaire, et singulièrement le Sénat, dont la commission ad hoc n'a même pas été consultée, a de quoi faire frémir.

Madame la ministre, je comprends parfaitement vos contraintes. Sans doute le récent changement de locataire à Bercy vous permet-il d'accélérer les choses. D'ailleurs, vous avez réglé dans la foulée une autre affaire de personne qui vous embarrassait, non pas dans le secteur naval, mais dans l'aéronautique.

L'impression que tout cela donne n'est tout de même pas excellente dans une démocratie moderne.

Dans cette précipitation, dans cette frénésie, il y a bien des aspects du dossier qui continuent à poser problème.

Le premier aspect, mais vous n'êtes pas la seule en cause, c'est la façon dont s'organise la continuité des politiques d'Etat en matière de défense.

La réforme du statut de DCN en décembre 2001, que vos amis avaient d'ailleurs critiquée, était censée suffire pour réaliser les alliances et les montages industriels adaptés à la période : on a créé des filiales, à l'instar d'Armaris ; on a pris, sans problème insurmontable, des arrangements pour le second porte-avions.

Que je sache, l'absence de liens capitalistiques n'a pas empêché les coopérations franco-italiennes en matière de frégates, ou les réalisations franco-espagnoles ou germano-italiennes en matière de sous-marins.

On nous dit désormais que cela ne serait pas suffisant et qu'il faudrait ouvrir le capital...

On nous parle de joint ventures, de filiales communes et d'apports partiels d'actifs, dans un cadre européen. Mais pourquoi, avec qui, et pour quoi faire ?

Sans nul doute, on nous expliquera demain, sur le même ton de l'évidence, que la participation majoritaire de l'Etat pose un problème et que seule une participation majoritaire du privé serait adaptée à la nouvelle donne des marchés ou aux exigences de nos partenaires.

Ne nous étonnons donc pas de la perte de crédit de la parole de l'Etat, car chacun saura désormais que le changement de statut d'une entreprise d'Etat, quelle qu'elle soit, signifie, à terme, sa privatisation complète.

D'une façon plus générale, on s'obstine à ne pas dire la vérité aux salariés. On continue, par exemple, à faire l'impasse sur l'intérêt manifeste qu'il y aurait, du point de vue des coûts et des plans de charge, à mieux articuler chantiers militaires et constructions civiles. On s'obstine à éluder toute discussion sur l'hypothèse, que je considère comme un risque majeur, selon laquelle la dimension nucléaire de la construction navale serait purement et simplement transférée entre les mains d'intérêts privés.

Madame la ministre, quand je vois que vous vous livrez, sur un registre voisin, à des manipulations du capital d'Areva, je me dis que l'opinion publique devrait, sur ces sujets, commencer à se poser des questions.

Le second aspect inquiétant, c'est qu'est engagée une modification de la structure du capital des arsenaux sans que l'on connaisse la politique industrielle ni même la politique tout court qui seront ensuite conduites.

Les informations sont distillées au compte-gouttes, quand elles le sont. Il en est ainsi du contrat d'entreprise, qui est resté confidentiel. Au demeurant, c'est en général par la presse que l'on obtient des informations !

Je voudrais évoquer ici le méli-mélo du meccano franco-français de défense, avec, notamment, le rapprochement avec Thales, qui s'apparente à une véritable Arlésienne. Dans ce feuilleton qui n'en finit pas, le rôle de certains actionnaires, Dassault et Alcatel puisqu'il faut les nommer, ...

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