Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la qualité de l’alimentation devrait être un droit imprescriptible pour chaque citoyenne et citoyen. La semaine dernière, la Haute Assemblée a adopté une proposition de résolution européenne déposée par nos collègues du groupe UDI-UC, et tendant à la création d’un droit européen pour le consommateur à la maîtrise et à la parfaite connaissance de son alimentation, qui touche aussi à cette problématique, ô combien essentielle.
De ce point de vue, l’injustice dont souffrent les populations ultramarines – du fait d’industriels peu scrupuleux, elles consomment des produits souvent beaucoup plus sucrés que ceux qui sont vendus en métropole, de surcroît avec une date de consommation qui est repoussée jusqu’à parfois vingt-cinq jours – est incompréhensible et intolérable !
La présente proposition de loi est donc un texte de « bon sens ». Il n’y a aucune raison pour qu’un même produit ait un taux de sucres ajoutés plus élevé, jusqu’à parfois plus de 50 %, quand il est destiné aux consommateurs ultramarins.
L’obésité et le surpoids, qui peuvent avoir les conséquences dramatiques que nous connaissons sur la santé, touchent très durement les populations ultramarines. En mettant fin à la pratique commerciale injustifiable consistant à sucrer davantage, car le sucre est moins cher, les produits vendus en outre-mer, la présente proposition de loi contribuera à la réduction d’un tel fléau.
Certes, la réduction du taux de sucre dans les yaourts ou les sodas ne résoudra pas à elle seule l’obésité et les risques pour la santé qui en découlent : diabète, hyper-tension, accidents cardio-vasculaires… Il faudra également renforcer la prévention et l’éducation alimentaire. Le ministre délégué chargé de l’agroalimentaire a annoncé qu’il avait engagé une concertation avec les industriels pour pouvoir améliorer la composition de certains ingrédients alimentaires et revoir leurs teneurs en sucre, sel et graisse. J’espère vivement qu’une telle démarche aboutira rapidement et contribuera à renforcer la prise en compte de la santé des consommateurs.
De plus, s’il me paraît utile de recourir au véhicule législatif pour encadrer la qualité de l’alimentation, il est également indispensable de nous assurer que les règles seront respectées et que les contrôles et sanctions seront adaptés. L’expérience a montré que nous ne pouvions pas nous reposer sur des chartes de « bonne conduite » de la part des industries agroalimentaires. Il y en a déjà eu plus d’une trentaine, et le moins qu’on puisse dire est que leur efficacité en matière de protection des consommateurs et de santé s’est révélée très limitée.
La présente proposition de loi prévoit que les manquements aux nouvelles obligations concernant les différences de taux de sucre dans les produits vendus en France métropolitaine et en outre-mer sont constatés par les agents de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF. Mais encore faut-il, et la question se pose sur l’ensemble du territoire français, que cette dernière ait les moyens humains et financiers d’effectuer tous les contrôles qui sont de son ressort.
En effet, ses missions sont de plus en plus vastes, les types de fraudes sont de plus en plus variés et ils évoluent de plus en plus vite. Mais, pendant ce temps, les moyens de la DGCCRF sont en chute libre. Notre collègue Robert Tropeano a déjà dénoncé le phénomène dans une question d’actualité voilà quelques semaines. C’est un enjeu majeur. Nous ne pourrons pas garantir la qualité de notre alimentation si l’effectivité des contrôles et des sanctions contre les abus n’est pas assurée.
Le projet de loi relatif à la consommation que nous examinerons dans les prochains mois aborde les mêmes problématiques. Il renforce les sanctions contre les différents types de fraudes à l’encontre des droits des consommateurs et élargit les pouvoirs de la DGCCRF, mais la question des moyens de cette administration demeure en suspens... Or nous devons à nos concitoyens de donner à cette direction les moyens nécessaires pour lui permettre de protéger efficacement les consommateurs et leur santé.
Je referme cette parenthèse pour revenir à la proposition de loi visant à garantir la qualité de l’offre alimentaire en outre-mer. Le texte, qui concernait seulement à l’origine l’interdiction de la différence de taux de sucre entre la composition des produits manufacturés et vendus dans les régions d’outre-mer et celle des mêmes produits vendus dans l’Hexagone, a été utilement précisé et complété à l’Assemblée nationale.
Les articles 1er et 2 concernent le sucre, et l’article 3 porte sur les dates limites de consommation. La pratique de certains industriels consistant à apposer une date limite de consommation différente pour des produits fabriqués en France hexagonale selon que ceux-ci sont destinés au marché hexagonal ou au marché ultramarin n’est pas plus acceptable que le fait d’ajouter davantage de sucres.
Cela montre combien la notion d’information et de protection du consommateur peut être manipulée. Ainsi, les consommateurs métropolitains jettent des produits dits « périmés » qui sont considérés comme encore consommables en outre-mer. Or, selon la directive européenne concernant l’étiquetage et la présentation des denrées alimentaires, pour les denrées microbiologiquement très périssables, comme les yaourts, « au-delà de la date limite de consommation, une denrée alimentaire est dite dangereuse ».
Par conséquent, comment nous assurer qu’un tel allongement de la date limite de consommation par rapport au produit vendu en métropole ne présente aucun risque en matière de santé pour les consommateurs ultramarins ?
Il faudrait, me semble-t-il, mettre la question des dates de péremption des denrées alimentaires sur la table, si j’ose dire, au niveau européen. En effet, les fabricants sont libres de fixer ces dates, dans la mesure où ils respectent un certain nombre de garanties sanitaires. Mais force est de constater que les dates ne permettent pas d’assurer une bonne information du consommateur à l’heure actuelle.
D’une manière générale, la transparence de l’étiquetage et la traçabilité des denrées alimentaires doit être renforcée ; la législation européenne actuelle comporte trop de failles sur ces points. Je vous renvoie à la discussion que nous avons eue mercredi dernier lors de l’examen de la proposition de résolution de nos collègues du groupe UDI-UC dont j’ai parlé voilà quelques instants. J’espère que cette résolution portera rapidement ses fruits et que des avancées significatives seront prochainement actées au niveau communautaire.
La rapporteur de la proposition de loi à l’Assemblée nationale a également fait adopter un quatrième article, visant à promouvoir l’approvisionnement des sites de restauration collective – cantines scolaires, hôpitaux... – par des circuits courts de distribution. Il rend obligatoire, pour l’attribution de marchés publics de restauration collective, la prise en compte du critère de performance en matière de développement des approvisionnements directs en produits de l’agriculture.
C’est un apport majeur. En effet, les outre-mer ont souvent des productions locales de fruits et légumes importantes et diversifiées, mais dont une part très faible seulement est consommée dans les lieux de restauration collective. Ainsi, seuls 8 % des 90 000 tonnes de fruits et légumes produits chaque année à la Réunion sont consommés dans les écoles ou les hôpitaux de l’île. Ce dispositif est donc essentiel et mériterait probablement d’être étendu à la pêche et à l’aquaculture.
Le quatrième article de la proposition de loi contribuera donc à garantir une offre alimentaire de qualité dans les lieux de restauration collective, et en particulier à l’école, pour les enfants, tout en favorisant les producteurs locaux. Je rappelle cependant que seuls un tiers des établissements scolaires en Guyane disposent d’une cantine. Or la nécessité de disposer de telles infrastructures est une priorité avant de pouvoir garantir l’accueil et l’alimentation saine des enfants.
Quoi qu’il en soit, l’article 4 de la proposition de loi, en favorisant les circuits courts, permet à la fois de protéger la santé de nos concitoyens, de dynamiser le tissu économique local et de réduire l’impact environnemental lié au transport de marchandises. C’est donc une mesure de bon sens, aussi bien pour les territoires ultramarins que pour tous les territoires de l’Hexagone. J’espère vivement que d’autres textes s’en inspireront.
Pour conclure, la proposition de loi, qui répond à des exigences de justice, d’équité et de santé publique, mérite un soutien unanime de tous les parlementaires, qu’ils soient d’outre-mer ou de métropole. Tous nos concitoyens en saisissent l’importance et les enjeux. C’est pourquoi l’ensemble des membres du RDSE voteront pour ce texte.