Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, comme cela a déjà été souligné, la surconsommation de sucre est un grave sujet de santé publique. Le groupe écologiste du Sénat se réjouit que l’on ait pris l’initiative, via la présente proposition de loi, d’inscrire cette question à l’agenda.
Chaque fois que l’occasion nous en est donnée, et notamment lors de l’examen de chaque projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous rappelons que la santé publique ne doit pas être abordée simplement sous l’angle curatif ; elle doit aussi s’inscrire dans une démarche constante de prévention et de promotion de la santé publique.
C’est l’option qui est retenue ici, et nous nous en félicitons.
Le texte s’inscrit également dans une autre logique : la lutte contre les inégalités qui frappent les consommateurs ultramarins par rapport aux consommateurs de la France hexagonale.
En effet, comment concevoir que les produits de consommation courante en outre-mer aient une concentration en sucre supérieure à celle des mêmes produits de mêmes marques en France hexagonale ?
Par exemple, un Fanta Orange comporte 9, 446 grammes de sucre pour 100 grammes à Paris, mais 44 % de sucre en plus en Guadeloupe, 48 % de sucre en plus en Guyane, 45 % de sucre en plus en Martinique et 42 % de sucre en plus à Mayotte…
Cette pratique inadmissible, qu’aucun argument objectif ne justifie, a des effets directs sur la santé des populations. En effet, et cela a déjà été dit, les sucres sont l’une des causes principales – nul ne le conteste – de l’épidémie d’obésité, qui n’a jusqu’ici pas été suffisamment traitée en outre-mer. Ainsi, 25 % des enfants et adolescents et plus d’un adulte sur deux sont touchés par des problèmes de surcharge pondérale en outre-mer. Or l’obésité favorise la survenue de diabète, d’hypertension, de maladies cardiovasculaires et respiratoires et d’atteintes articulaires sources de handicaps.
L’enjeu est donc extrêmement important sur le plan sanitaire.
D’ailleurs, lors de l’examen du projet de loi relatif à la vie chère en outre-mer, à l’automne dernier, notre groupe avait déjà déposé un amendement correspondant au contenu de l’article 1er de la proposition de loi, que nous soutiendrons bien entendu de nouveau aujourd’hui.
Un seul élément nous préoccupe sur l’article 1er : c’est un arrêté ministériel qui doit déterminer « la liste des denrées alimentaires » concernées.
Car si l’article 2 précise bien que l’article 1er « entre en vigueur dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi », le risque est que la publication de cet arrêté provoque une certaine inertie.
D’ailleurs, un arrêté était-il bien nécessaire, puisque tous les produits contenant du sucre sont concernés ?
De plus, le fait que cet arrêté relève de quatre ministères, trois ministères en plus du celui de l’outre-mer, n’est pas rassurant quant à l’objectif de l’effectivité rapide de cette mesure.
Monsieur le ministre, nous comptons sur vous pour que la concertation et la prise de décision entre les quatre ministères se fassent aussi vite que possible. Nous ferons preuve d’une grande vigilance à cet égard !
Il n’y a pas que les dispositions relatives au taux de sucre. Le groupe écologiste se félicite également des deux articles additionnels dont nos collègues députés ont enrichi le texte.
J’évoquerai d’abord les dates de consommation recommandée. De deux choses l’une : soit les dates pratiquées en France hexagonale sont justes, et il n’y a alors aucune raison que les consommateurs ultramarins se voient pratiquer des délais de consommation recommandée supérieurs ; soit les dates pratiquées en France sont largement sous-estimées, et on pourrait voir une volonté inadmissible de pousser les ménages à la consommation en leur faisant jeter, gaspiller des aliments encore propres à la consommation pour en acheter de nouveaux. Dans les deux cas, il faut éclaircir la situation, qui n’est pas acceptable.
J’en viens au développement des approvisionnements directs de produits de l’agriculture locale, notamment par le biais des marchés publics de restauration collective. Nous nous félicitons de cette juste mesure. En encourageant les circuits courts, cette disposition sera source de création d’emplois locaux non délocalisables, renforcera l’indépendance économique et l’autosuffisance alimentaire des territoires ultramarins et constituera même un outil de lutte contre la vie chère.
Le double enjeu de santé publique et d’égalité des territoires – vous avez employé à juste titre l’expression « lutte contre les discriminations », monsieur le ministre – dont nous débattons aujourd’hui est tel que la seule action réglementaire n’aurait pas suffi.
Compte tenu des résistances et de la longueur des délais – nous débattons de ce sujet depuis des années –, c’est bel et bien d’un débat public et d’un vote du Parlement dont nous avons besoin pour manifester la volonté d’une prise de décision énergique.
Certes, nous sommes nous aussi, écologistes, pour une grande loi de santé publique régulant notamment la sécurité alimentaire. Mais ce ne serait pas une bonne idée de renoncer aujourd'hui à la présente proposition de loi au nom de la grande loi à venir ; ce serait même un acte de mauvaise foi. Il ne nous semble pas possible de différer une nouvelle fois et de renvoyer la décision à plus tard.
Le groupe écologiste du Sénat votera donc pour cette proposition de loi, en espérant qu’elle pourra rapidement entrer en vigueur.