Intervention de Serge Larcher

Réunion du 21 mai 2013 à 14h30
Qualité de l'offre alimentaire en outre-mer — Adoption définitive d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Serge LarcherSerge Larcher :

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, c’est la première fois que nous évoquons les questions relatives à la qualité de l’offre alimentaire en outre-mer dans cet hémicycle.

En tant que président de la délégation sénatoriale à l’outre-mer, je m’en félicite, car il s’agit d’un problème ô combien important pour le devenir de nos territoires et de nos populations !

En plus de limiter la teneur en sucre des produits consommés en outre-mer, nos collègues députés ont, à raison, élargi le champ de cette proposition de loi à la question de la date limite de consommation des denrées périssables, ce qui constitue un pas de plus vers l’égalité de traitement avec les consommateurs hexagonaux.

Notre débat d’aujourd’hui sur cette proposition de loi visant à garantir la qualité de l’offre alimentaire en outre-mer arrive à point nommé. En effet, année après année, scandale après scandale, l’actualité est venue tristement nous démontrer à quel point nous vivons dans une contradiction à cet égard. Plus les normes sont rigoureuses en vue de protéger le consommateur, plus on découvre à quel point certains exploitants ne se soucient de rien d’autre que de leurs marges bénéficiaires.

Ainsi, aux Antilles, nous vivons sous la menace d’un puissant poison, la chlordécone, dont la rémanence va altérer la santé des dix prochaines générations. Non seulement nous mourons à cause des pesticides avec lesquels nos terres et nos eaux ont été polluées, mais nous mourons également des choix qui sont faits délibérément quant à la composition de nos produits alimentaires industriels.

De quoi s’agit-il ? À produit comparable, les denrées alimentaires fabriquées en outre-mer contiennent généralement plus de sucres que celles produites en Europe. Cela est particulièrement vrai s’agissant des produits laitiers, des sodas et des jus de fruits. Question de goût, répondent les industriels ! Les produits sont plus sucrés parce que cela correspondrait à une attente du consommateur ultramarin.

Il ne faut pas confondre attente et besoin : l’attente, c’est le besoin réinterprété par celui qui l’exprime. Il ne faut pas non plus confondre attente et habitude. Que les consommateurs ultramarins aient l’habitude de consommer plus sucré, c’est un fait. Que cette habitude soit assimilée à une attente, c’est tout autre chose.

D’où nous vient cette habitude ? D’abord de l’histoire même de nos contrées : la Martinique, la Guyane, la Guadeloupe, la Réunion ont souvent été appelées des « îles à sucre ». Jusqu’à l’avènement de la betterave, ces colonies fournissaient à la métropole l’ensemble du sucre dont elle avait besoin. De fait, la monoculture du sucre, jusque dans les années cinquante et soixante, a dessiné le paysage et formé les goûts. Il est normal que l’on mange beaucoup de sucre là où son accès est abondant et aisé.

L’autre caractéristique de nos pays tropicaux, et donc chauds et humides, c’est qu’avant l’électricité et les moyens de réfrigération modernes, il n’existait que trois façons d’assurer la conservation des aliments : les épices, le sel et le sucre. Cette contrainte a forgé nos goûts et notre relation particulière avec le très épicé, le très salé et le très sucré.

Tout cela ne serait qu’anecdotique si c’était sans conséquence. Mais tel n’est pas le cas. Vous aurez tous noté, dans les rapports qui vous ont été adressés, les conséquences de cette alimentation : la propension à l’obésité, la prévalence du diabète et la fréquence des maladies cardiovasculaires et des accidents vasculaires cérébraux.

Il est donc vital de changer ces habitudes alimentaires.

À cet égard, l’argument des industriels selon lequel les consommateurs n’achèteront plus leurs produits si le taux de sucre est diminué n’est pas recevable.

Il n’est pas recevable car nous savons tous que, passé les premières semaines un peu frustrantes, nous sommes capables d’ajuster nos habitudes alimentaires.

Il n’est pas recevable car le texte prévoit non pas que les produits destinés à l’outre-mer soient sous-dosés en sucre, mais tout simplement qu’ils comportent la même dose de sucre que les produits commercialisés dans les régions de France hexagonale.

Enfin, il n’est pas recevable, tout simplement parce qu’aucun argument économique ou commercial ne peut primer sur une question de santé publique.

Par conséquent, mes chers collègues, je voterai ce texte sans hésiter ! §

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