Intervention de Victorin Lurel

Réunion du 21 mai 2013 à 14h30
Qualité de l'offre alimentaire en outre-mer — Adoption définitive d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Victorin Lurel :

Vous avez pu constater que la plupart des produits, notamment les plus périssables, microbiologiquement fragiles, doivent être consommés dans les vingt-cinq à trente jours, ce qui reste tout à fait compatible avec un transport par voie maritime.

L’argument consistant à dire qu’il faut nécessairement prévoir leur transport par avion, ce qui multiplierait les prix par 2, 5, comme l’a évoqué M. Antiste, émane des industriels ou des commerçants et ne concernera que quelques produits comme les crèmes et autres desserts chocolatés, sur les trois cents dont l’industrie s’est autorisée à vous envoyer la liste, de façon à mon sens très contreproductive. En tout cas, cette méthode n’est absolument pas probante.

Nos points de vue sont philosophiquement opposés. J’estime que l’obésité n’est pas simplement le résultat d’un comportement individuel et qu’elle résulte aussi des choix opérés par les uns et imposés à d’autres, à savoir les consommateurs en situation de faiblesse.

J’en viens aux interventions des sénateurs Michel Vergoz et Jean-Claude Requier sur les moyens de la DGCCRF.

Oui, messieurs, j’ai plaidé la semaine dernière encore – je participe assez activement, je le crois, au projet de loi porté par mon collègue Benoît Hamon – pour un renforcement des pouvoirs des agents de la DGCCRF. Je souhaite avant tout que ces lois ne soient pas vidées de leur substance et que leur application ne soit pas soustraite à tout contrôle. Nous sommes conscients de ce risque.

Monsieur Guerriau, vous préféreriez attendre la grande loi de santé publique qui est annoncée. M. le rapporteur a déjà répondu sur ce point : cette loi sera adoptée au plus tôt au cours du premier semestre 2014.

Lorsque nous avons pris connaissance des chiffres de la prévalence de certaines pathologies, et pas simplement l’obésité – les caries dentaires, les maladies cardiovasculaires, le diabète, l’hypertension artérielle et j’en passe –, à travers les résultats de l’enquête épidémiologique PODIUM menée par des médecins ici et dans les outre-mer, nous avons tout de suite déposé une proposition de loi. C’était en 2011 ; or, nous sommes en 2013, et rien n’a été fait !

On m’a demandé de fournir des informations concernant les progrès réalisés par la signature des chartes nutritionnelles et la mise en œuvre des PNNS successifs, autant de développements que j’ai suivis avec attention. Nous en sommes à la troisième édition du PNNS, et je me permets de vous le dire un peu brutalement, mesdames, messieurs les sénateurs, que rien n’a changé !

Nous avons, certes, constaté une petite accélération, car la présente proposition de loi sera probablement adoptée par la majorité, avec une abstention, je le crois, constructive de la part de l’opposition. Toutefois, je le répète, rien n’a été mis en œuvre à ce jour. On nous a dit qu’il faudrait quatre ou cinq ans pour commencer à diminuer les taux de sucres dans les produits alimentaires.

Au demeurant, la fixation de seuils maximaux dans cette loi n’est pas incompatible avec la rédaction de chartes contenant des dispositions plus restrictives.

Enfin, pourquoi vouloir différer ce que nous pouvons faire aujourd’hui ?

Il est un autre argument que j’ai souvent entendu marteler au cours de la présente discussion : cette question serait de nature réglementaire et ne pourrait en aucun cas être réglée par la loi. Permettez-moi de contester cette position.

Mesdames, messieurs les sénateurs, même si le code des marchés publics est plutôt de nature réglementaire lorsqu’il est question de rapports entre opérateurs privés, en revanche, dès qu’il s’agit de marchés passés avec les collectivités, la libre administration territoriale, liberté fondamentale des collectivités, est en jeu. Or l’article 4 du présent texte concerne précisément les marchés passés avec les collectivités.

Par ailleurs, les libertés d’entreprendre, d’échanger et d’exercer un commerce sont des principes à valeur constitutionnelle qui ne peuvent être modifiés par un décret. Il serait par exemple impossible de sommer, par voie réglementaire, une collectivité d’intégrer dans ses marchés publics des critères de performance. Une telle mesure pourrait être contestée à tout moment et annulée.

À l’occasion de l’examen de la proposition de loi que j’avais déposée à l’Assemblée nationale en 2011, la commission s’était d’ailleurs ralliée à cette position, selon laquelle de telles dispositions relèvent de la loi. Cet argument avait été longuement développé, comme tous les autres points de droit constitutionnel, dans mon rapport du 28 septembre 2011.

Madame Archimbaud, vous nous avez fait part à juste titre de vos craintes au sujet de l’arrêté ministériel visé par l’article 1er. J’avoue que j’ai eu le même doute que vous, mais, dans la mesure où plusieurs ministres sont intéressés par cette question, cette solution s’imposait. Je prends ici l’engagement que les décrets nécessaires seront pris, comme je l’ai fait lors de l’examen du projet de loi relatif à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives à l'outre-mer.

Deux décrets ont déjà été pris, même si celui portant sur l’Observatoire des prix, des marges et des revenus n’a peut-être pas encore été publié, et que la tarification bancaire reste en cours de discussion. Par conséquent, les quatre décrets d’application de la précédente loi devraient rapidement être publiés. D’ici là, le texte s’applique et fait déjà l’objet de contrôles et d’un bilan à mi-étape.

En l’espèce, un arrêté devra être pris dans les plus brefs délais. D’ailleurs, la loi a été réécrite pour éviter trop de lenteurs. À l’époque, on avait prévu que les taux maximaux soient fixés par le Haut Conseil de la santé publique. Le présent texte prévoit une moyenne, et j’espère que l’arrêté pourra être rapidement publié.

L’argument du risque de concurrence déloyale entre entreprises françaises et étrangères a souvent été avancé. J’y répondrai par plusieurs remarques.

Je tiens tout d’abord à préciser que les produits concernés sont peu nombreux, même si cela ne peut, je le sais, constituer un argument juridique. En fait, il s’agit de niches, principalement constituées des desserts industriels contenant de la crème ou des œufs et de la charcuterie fraîche. Les dispositions que j’ai évoquées voilà quelques instants s’appliqueraient à ces produits, mais cela ne remettrait pas fondamentalement en cause la situation concurrentielle de l’industrie hexagonale.

Ensuite, les circuits rapides vers les outre-mer se font à partir des ports français. Les produits étrangers partent donc avec un fort handicap concurrentiel en termes de délais.

Enfin, plutôt que de tenir à bout de bras un système qui, selon nous, incite au gaspillage, mieux vaut – et ce n’est pas du protectionnisme – favoriser la production locale, privilégier les circuits courts et les produits frais, pour lesquels il n’y a pas de problème de livraison.

L’Association nationale des industries alimentaires, l’ANIA, nous a récemment fait parvenir ce dossier

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