Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la situation de la zone des cinquante pas géométriques en outre-mer est étroitement liée à l’histoire et à l’évolution de la conception du droit de la propriété.
À cet égard, l’occupation sans titre de cette zone est un phénomène ancien, qui a engendré le développement d’un habitat spontané, renforcé plus tard par la pénurie de logements sociaux.
Mais cette situation correspond aussi à la réalité physique de l’outre-mer, caractérisée par la rareté du foncier du fait de l’insularité, accentuée sous le double effet de la pression démographique et du développement de l’urbanisation.
En 1986, après plusieurs modifications de régime juridique pour tenter d’apporter une solution durable à l’occupation sans titre, la loi Littoral a réincorporé la zone des cinquante pas géométriques dans le domaine public de l’État.
Les occupations sans titre, la résorption de l’habitat spontané sont ainsi au cœur de la mission des agences des cinquante pas géométriques, objet de la présente proposition de loi, nées pour harmoniser leur régularisation.
À cette mission principale se mêlent d’autres enjeux, tels que l’aménagement du territoire, la préservation du littoral et du patrimoine écologique, ou encore le développement économique.
Créées en 1996, ces agences sont en effet devenues l’outil au service de la recherche du nécessaire équilibre à trouver entre ces multiples problématiques et les moyens d’y répondre. Il s’agit de l’équilibre entre préservation du littoral et réponse sociale à la situation des occupants, entre préservation de la ressource et développement économique.
Le problème de la zone des cinquante pas géométriques renvoie donc à une question multiforme, qui dépasse la seule propriété et qui a fait l’objet d’un certain nombre de rapports, parmi lesquels celui qu’ont remis en 2004 Catherine Bersani et Gérard Bougrier.
Au sein de ce document, dans le volet relatif à l’occupation, les auteurs évaluaient entre 15 000 et 18 000 le nombre de familles concernées par l’occupation sans titre et soulignaient, par ailleurs, l’imbrication des enjeux autour de la zone des cinquante par géométriques.
Toutefois, parler des agences des cinquante pas géométriques, c’est en premier lieu aborder indirectement le sujet du logement, par le biais de la régularité de l’occupation. Dans le contexte que l’on connaît en outre-mer, ce sujet mérite toujours la plus grande attention.
L’intervention des agences a mis fin à de nombreuses situations d’occupation irrégulières au regard du droit et à la précarité qui en découle. Elle a en outre contribué à la sécurité des personnes, particulièrement exposées aux dangers liés aux phénomènes climatiques en bordure de mer et résidant dans un habitat souvent insalubre.
Quant aux programmes d’équipement, ils ont participé à la dynamisation économique des littoraux.
Enfin, en matière de préservation, il convient de relever le travail mené de concert avec le Conservatoire du littoral qui gère, respectivement en Guadeloupe et en Martinique, plus de 1 200 hectares et plus de 71 hectares situés dans la zone des cinquante pas géométriques.
Autant dire que la mission des agences est à la confluence du social, de l’économique et de l’écologique. Cela fait de ces structures l’acteur charnière du mouvement de régularisation et de préservation de cette zone.
En dépit du travail accompli, le maintien du nombre de dossiers de demande de cession déposés, voire son augmentation, montre que les différentes campagnes de sensibilisation de la population ont été fructueuses.
Si la conduite de la politique de régularisation a nécessité des ajustements au fil du temps, c’est sans doute en raison de la subtilité et d’une forme de complexité qui la caractérise, justifiant l’ajustement symétrique de son instrument fondamental. Tel est donc l’objet de la présente proposition de loi.
Ainsi au cours des dix dernières années, la programmation de la disparition des agences des cinquante pas géométriques a été revue pas moins de trois fois, comme vous le rappeliez, monsieur le rapporteur.
Elle l’a été tout d’abord en 2003, au travers de la loi de programme pour l’outre-mer, pour tirer les conséquences du retard pris dans la mise en place des agences. Puis, en 2009, la loi pour le développement économique des outre-mer leur a attribué une durée de vie potentielle jusqu’en 2027, avant que la loi Grenelle 2 ne revienne sur cette disposition et ramène l’échéance à 2014.
Bien qu’ayant raccourci leur espérance de vie, ce texte a fort opportunément élargi les compétences des agences pour la gestion du foncier, favorisant une accélération de la régularisation et accroissant l’efficacité de leur action.
C’est pourquoi il nous semble incontestable que les agences ont vocation à demeurer l’interlocuteur privilégié des différents acteurs de la régularisation – État, collectivités et occupants – dès lors que les établissements publics fonciers d’État prévus par la loi Grenelle 2 n’ont pas encore vu le jour.
Laisser disparaître les agences en l’absence d’établissements de relais laisserait un vide évidemment préjudiciable. Celui-ci serait d’ailleurs préjudiciable à double titre, en mettant un frein au processus en cours avec, de plus, le risque de voir se développer d’autres zones d’habitat spontané dans le même temps.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, notre opinion sur le rôle joué par les agences des cinquante pas géométriques étant particulièrement positive, tant leur mission nous semble globale, nous ne pouvons qu’approuver la démarche de Serge Larcher consistant à proroger leur existence au-delà du 1er janvier 2014.
En outre, comme je le rappelais, par leurs campagnes publiques, les agences des cinquante pas géométriques ont joué efficacement leur rôle dans la régularisation de l’occupation, par l’incitation des occupants à l’acquisition de titres de propriété.
Dans cette optique, il nous semble aussi que l’article 2 tend à introduire un dispositif pertinent en prévoyant, d’un côté, une date butoir à destination des publics concernés et, de l’autre, une période de gestion du stock de demandes du point de vue des agences. Nous souscrivons également à cette disposition.
Mais cette problématique du titrement en outre-mer dépasse largement la seule zone des cinquante pas géométriques. La loi pour le développement économique des outre-mer l’avait prise en compte et avait prévu la mise en place d’un GIP afin de centraliser la reconstitution des titres en outre-mer et à Saint-Martin.
L’article 3 de la présente proposition de loi a pour objet de décentraliser le procédé général de reconstitution des titres de propriété tout en laissant aux collectivités le choix de l’instrument. Celles-ci pourront soit s’appuyer sur une structure existante disposant de l’expérience, voire ayant anticipé le traitement de cette question, soit créer un GIP ad hoc.
Chaque collectivité pourra donc trouver la réponse la mieux adaptée à son contexte – je pense en particulier à Saint-Martin ou à Mayotte – et, en cela, cet article est pragmatique.
J’en profite d’ailleurs pour souligner l’extension du processus de titrement à Mayotte, qui nous semble en cohérence non seulement avec la récente départementalisation, mais aussi avec la situation estimée par la mission de préfiguration du GIP prévu par la LODEOM, dans ce département, en matière de titrement.
Enfin, l’adoption de la proposition de loi de notre collègue Serge Larcher à l’unanimité en commission des affaires économiques est le signe du caractère consensuel de ce texte, dont nous partageons la philosophie.
Comme vous l’indiquez, monsieur le rapporteur et cher collègue, il s’agit avant tout d’une mesure d’urgence destinée à ne pas fragiliser le mouvement de régularisation en cours. Le groupe UMP y souscrit et votera donc ce texte. §