... s'apparente plus à celui de rapaces guettant une proie à dépecer qu'à celui de partenaires actifs d'une véritable stratégie industrielle et de défense à l'échelle européenne.
Si l'on en croit encore la presse, M. Forgeard, qui n'a pas oublié son échec avec Thomson, étudierait l'hypothèse d'une fusion entre Thales et EADS.
Un Président de la République a dit jadis : « La politique de la France ne se fait pas à la corbeille. » Je redoute que cette sage disposition d'esprit n'ait été perdue de vue ces derniers temps.
Je pourrais d'ailleurs aussi me désoler de la tiédeur actuelle de nos partenariats européens : les Allemands, instruits par de mauvaises expériences dans d'autres domaines industriels, ont estimé devoir d'abord renforcer leurs propres positions en matière de chantiers navals, avant de conclure quoi que ce soit avec la France. Voilà qui en dit long sur le niveau de confiance que vous avez construit avec nos voisins ces dernières années !
Madame la ministre, tous ces atermoiements, particulièrement préoccupants alors que les industriels américains « guettent » les entreprises navales militaires du continent, ne contribuent pas à la clarté sur la réalité de notre politique de défense, et je continue à m'interroger sur vos orientations en la matière pour les prochaines années.
Au demeurant, le récent débat sur le budget est loin d'avoir apaisé ces inquiétudes.
En apparence, le Gouvernement affiche une politique volontariste tous azimuts. Pourtant, à y regarder dans le détail, on a l'impression que ce n'est ni fait ni à faire.
Soit votre doctrine et vos concepts changent, mais vous ne le dites pas. Soit vos priorités sont confuses, et c'est fâcheux. Soit, pis encore, vous procédez, sans jeu de mots, « au fil de l'eau ».
Les incertitudes sur « qui construira quoi ? » expliquent notre scepticisme sur la façon dont s'articulent l'équipement de la marine française et les coopérations européennes, dans un secteur où la concurrence des matériels reste vive entre partenaires.
Ainsi avez-vous indiqué à Jean-Pierre Godefroy, le 6 décembre dernier, que le carnet de commandes de DCN était plein, mais on attend toujours la communication d'informations précises sur les perspectives d'activité de l'entreprise, qui pourraient confirmer, ou infirmer, votre propos.
Enfin, je ne trouve toujours rien de clair ni de cohérent dans notre politique d'exportation de matériels militaires navals. Dans ce domaine comme dans d'autres, les communications du Gouvernement français devant le Parlement présentent toujours un retard extravagant par rapport aux autres pays européens.
A l'occasion du terrible attentat au Pakistan contre le personnel de la DCN, certains collègues vous avaient interrogée à ce sujet. Vos réponses ne nous avaient alors pas convaincus.
D'ailleurs, une telle politique correspond-elle, comme vous l'aviez dit alors, aux engagements internationaux pris par la France dans le cadre de l'Union européenne et aux exigences du maintien de la paix dans certaines régions de la planète ? Ces exportations navales, largement « cofacées », ont-elles une autre rationalité économique que celle de faire tourner certaines entreprises que vous connaissez bien ?
Vous ne l'ignorez pas, les mauvaises langues disent que, dans trois cas sur quatre, c'est le contribuable qui supporte les pertes financières qu'elles occasionnent.
Par conséquent, comment le redéploiement de nos chantiers navals civils et militaires pourrait-il contribuer à assainir, sur le plan politique comme sur le plan économique, nos exportations de matériels ? Là-dessus, vous ne dites rien non plus, et pour cause !
Au total, madame la ministre, l'impression que tout cela nous donne est que vous souhaitez avoir les mains libres pour pouvoir faire, au gré des circonstances, ce que vous demanderont les lobbies les plus puissants des industries de l'armement.
Dans ce cadre, on peut redouter le pire, y compris le « dépeçage par appartement » de la DCN, selon le vieil adage de la socialisation des pertes et de la privatisation des profits.
Madame la ministre, vous ne savez peut-être pas encore exactement ce que vous voulez faire, mais vous ne voulez vous fermer aucune porte.
Vous comprendrez, puisqu'il s'agit non pas de yaourts ou de chemises, mais d'armement, que nous ayons une autre idée sur la façon de procéder.
Vous comprendrez, puisqu'on parle de sécurité, d'emplois et de morale des relations internationales, que nous considérions votre texte comme inopportun, inutile et même dangereux.