Intervention de Vincent Peillon

Réunion du 21 mai 2013 à 14h30
Refondation de l'école de la république — Discussion d'un projet de loi dans le texte de la commission

Vincent Peillon :

Monsieur le président, madame la présidente de la commission de la culture, madame la rapporteure, madame, monsieur les rapporteurs pour mesdames, messieurs les sénateurs, c’est une grande fierté pour moi que de vous présenter ce projet de loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République.

Je salue d’abord très chaleureusement et sincèrement le travail qui a été mené en commission. Durant sept heures de débat – ce n’est pas rien ! –, 426 amendements ont été examinés et 135 amendements ont été adoptés. Soixante-cinq d’entre eux émanaient de la commission, mais tous les groupes ont vu certains de leurs amendements adoptés ; je salue par conséquent vos méthodes de travail.

Je le dis d’autant plus que j’attends beaucoup de ce débat, pour l’école elle-même, bien sûr, mais au-delà, pour une certaine conception de la République, puisqu’il s’agit de la refondation de l’école de la République.

La première chose – elle est ancienne –, c’est que la loi, déclaration publique et solennelle de la volonté générale sur un objet d’intérêt commun, suppose la délibération, et par conséquent les lumières. Lorsque l’on pénètre dans une salle de classe, comme nous l’ont enseigné nos maîtres de l’école primaire, on apprend tout d’abord à l’élève à se décentrer : je n’ai pas raison tout seul. Comme le disait Anatole France dans ses beaux ouvrages, le chien de M. Bergeret se croit toujours le centre du monde. Ce n’est pas bon pour la démocratie.

L’école de la République est l’idée même de la rationalité. Elle cherche à décentrer les points de vue. « Je m’écoute, mais se croire, c’est ce qu’il y a de pire », disait Alain. J’essaie de prendre en compte le point de vue de l’autre. C’est que nous sommes plus intelligents à plusieurs que tout seul, mesdames, messieurs les sénateurs.

De ce point de vue, le travail parlementaire, qui a déjà été bien conduit à l’Assemblée nationale, est essentiel à l’intelligence de la loi. Je considère que, en laissant les débats se dérouler – j’ai veillé à ne pas être présent en commission pour que les parlementaires œuvrent comme ils l’entendaient –, nous participons aussi de cet esprit.

La deuxième chose – et elle est centrale, pour moi, dans ce débat au Sénat, parce que j’ai été surpris par la première lecture à l’Assemblée nationale –, c’est que nous devons et nous pouvons nous rassembler autour de l’école de la République. Comme je n’ai cessé de le répéter, il s’agit d’un nouveau pacte entre l’école et la nation. L’école n’appartient pas aux uns ou aux autres, elle appartient à tout le monde. C’est d’ailleurs une idée que vous avez défendue dans les amendements que vous avez proposés, y compris à l’égard des parents.

Je ne vois pas pourquoi, lorsque l’on adopte le point de vue qui fut le nôtre, celui de la clarté, de la simplicité, de la méthode, en commençant par ce qui est élémentaire et donc fondamental, ce sur quoi nous allons construire, on devrait se diviser ! Certains ne comprennent pas ce que « fondation » veut dire. La fondation, c’est ce sur quoi l’école repose. Elle est d’une simplicité que personne n’a été capable de mettre en œuvre, dans notre pays, non pas depuis cinq, dix, vingt ans, mais depuis plus d’un siècle : c’est la priorité au primaire.

Qui peut nous dire, alors que, pour la première fois, nous proposons une loi de refondation de l’école de la République qui accorde la priorité au primaire, avec des moyens programmés et l’ambition de nouvelles pédagogies, que nous ne pouvons pas nous rassembler autour de cette idée ? J’ai connu d’anciens ministres de l’éducation nationale – certains membres de cette confrérie siègent d’ailleurs dans votre noble assemblée – qui ne sont pas de ma famille politique et qui soutiennent cette priorité au primaire.

Pour quelle raison ? Lorsque 25 % des élèves qui entrent au collège aujourd’hui sont en difficulté pour lire, écrire, compter et entrent dans le processus de l’échec que nous connaissons et, à terme, du décrochage, les difficultés se sont créées avant. Chacun convient donc que, pour ces apprentissages fondamentaux, l’effort doit être fourni avant. Or, de tous les pays développés de l’OCDE, nous sommes celui qui accorde le moins à l’école primaire. Je ne parle pas encore de la formation des enseignants, mais j’évoque ici les moyens humains qui sont mis devant les élèves. Notre taux d’encadrement des élèves du primaire est le plus faible de tous les pays de l’OCDE.

Nous avons choisi d’accorder la priorité au primaire pour permettre la réussite de tous les élèves, en veillant à programmer des moyens dans la transparence, pour un tiers vers le secondaire et pour deux tiers, c'est-à-dire le double, vers le primaire.

Les besoins, dans les zones en difficulté – qu’elles soient urbaines, rurales ou dans les territoires d’outre-mer – sont criants. Nul n’est venu contester, lorsque nous avons présenté le collectif budgétaire prévoyant 1 000 postes supplémentaires pour le primaire au printemps dernier, ni à présent que les postes sont prévus pour la rentrée prochaine, que le fait de ne pas fermer une classe dans un village, d’être capable de ne pas en fermer une dans une zone urbaine sensible n’est ni de gauche ni de droite, mais républicain, dans l’intérêt des élèves et donc dans l’intérêt, demain, de la nation.

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