Intervention de Claire-Lise Campion

Réunion du 21 mai 2013 à 21h45
Refondation de l'école de la république — Discussion d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Claire-Lise CampionClaire-Lise Campion :

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la ministre déléguée, madame la présidente de la commission de la culture, madame le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, sur proposition de sa présidente, Annie David, la commission des affaires sociales du Sénat s’est saisie pour avis du projet de loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République sur la question plus spécifique de la scolarisation des enfants en situation de handicap.

Il s’agit en effet d’un sujet majeur, sur lequel notre commission s’est toujours beaucoup impliquée. Il nécessite d’être approfondi dans le cadre de l’examen de ce projet de loi.

En outre, le rapport pour avis de notre commission s’inscrit dans la continuité du travail que j’ai effectué l’année dernière avec notre collègue Isabelle Debré, dans le cadre de la commission pour le contrôle de l’application des lois sur l’évaluation de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, ou « loi handicap ».

En affirmant le droit de tout enfant en situation de handicap à une scolarisation en milieu ordinaire au plus près de son domicile et à un parcours scolaire continu et adapté, cette loi a permis un réel mouvement d’ouverture de l’école de la République sur le monde du handicap. Pour preuve, depuis 2006, le nombre d’enfants en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire augmenté d’un tiers, soit 55 000 élèves supplémentaires.

Pour autant, ces bons résultats doivent être nuancés. D’une part, on estime à 20 000 le nombre d’enfants en situation de handicap qui sont encore sans solution de scolarisation. D’autre part, cette avancée quantitative ne s’est pas accompagnée d’une amélioration qualitative de même ampleur.

En effet, que constate-t-on sur le terrain ?

Tout d’abord, on note une extrême diversité des situations vécues par les familles selon les départements. Les temps hebdomadaires de scolarisation sont très aléatoires, et les projets personnalisés de scolarisation sont de qualité hétérogène, quand ils ne sont pas inexistants.

Ensuite, il existe des ruptures dans les parcours de scolarisation, du fait de la difficulté à poursuivre la scolarité en milieu ordinaire dans le second degré et d’un accès encore très limité à l’enseignement supérieur.

Autre constat particulièrement préoccupant, l’échec de l’accompagnement en milieu ordinaire. Le recours croissant aux auxiliaires de vie scolaire, les AVS, qui sont recrutés sur des contrats précaires et qui sont insuffisamment formés, ne permet pas de répondre de manière pertinente aux besoins.

À cela s’ajoute l’insuffisante formation des personnels enseignants et des personnels d’éducation, lesquels se sentent le plus souvent démunis devant le handicap d’un élève.

Enfin, il existe un véritable manque de coopération entre le secteur médico-social et l’éducation nationale, qui se caractérise par un cloisonnement des filières préjudiciable à la qualité de la prise en charge.

Ce bilan en demi-teinte nous a conduits avec Isabelle Debré à formuler, l’année dernière, plusieurs recommandations, parmi lesquelles la réactivation du groupe de travail sur les AVS, le renforcement de la problématique du handicap dans la formation initiale et continue des personnels de l’éducation nationale, ainsi que la promotion de la coopération entre les sphères médicosociale et éducative.

De son côté, le Gouvernement, sous l’impulsion de Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion, a pris – je m’en félicite – la mesure de la situation en lançant plusieurs chantiers, qui correspondent aux priorités que nous avions identifiées.

Premièrement, la mise en place d’un groupe de travail sur la professionnalisation du métier d’accompagnant, dont l’objectif est de parvenir à la définition d’une nouvelle profession qui englobe toutes les formes d’accompagnement, qu’elles soient scolaires ou périscolaires. Ses conclusions seront rendues publiques prochainement.

Dans l’attente de la création de ce nouveau métier, vous avez d’ores et déjà annoncé, monsieur le ministre, le recrutement de 1 500 AVS supplémentaires à la rentrée 2013.

Deuxièmement, la nouvelle impulsion donnée au dossier de l’accessibilité par la mission qui m’a été confiée à l’automne 2012.

Dans le rapport que j’ai remis au Premier ministre le 1er mars dernier, je préconise, s’agissant de l’accessibilité des établissements recevant du public, les ERP, parmi lesquels les établissements scolaires, la mise en œuvre concertée d’un principe d’accessibilité raisonnée, en d’autres termes l’ajustement de la réglementation aux difficultés existantes.

Troisièmement, le lancement d’un nouveau plan Autisme dont la scolarisation constitue l’axe fort, avec le développement des services d’éducation spécialisée et de soins à domicile, les SESSAD, ainsi que la mise en place, à la rentrée 2014, de trente unités d’enseignement dédiées à l’autisme en école maternelle.

Quatrièmement, enfin, l’intégration à la rentrée 2013 dans la formation initiale des enseignants d’un module de sensibilité obligatoire à la question du handicap à l’école, mesure sur laquelle, monsieur le ministre, vous reviendrez sans doute au cours de nos débats.

J’en viens maintenant au projet de loi qui nous est soumis.

Sa version initiale ne comporte pas, dans le corps même des articles, de disposition relative à la scolarisation des enfants en situation de handicap.

En revanche, le rapport annexé mentionne à plusieurs reprises cette question et y consacre même un paragraphe spécifique qui met, à juste titre, l’accent sur l’importance de l’accompagnement humain.

En première lecture, l’Assemblée nationale a utilement enrichi ce rapport annexé de nouvelles références à la question du handicap à l’école.

Elle a, en particulier, introduit la notion d’école inclusive, considérant que l’école de la République ne doit pas simplement accueillir les enfants en situation de handicap, mais qu’elle doit aussi s’adapter à leurs spécificités. C’est un progrès significatif, qui marque un véritable changement de paradigme : désormais, c’est à l’école de s’adapter aux besoins de ces enfants, et non l’inverse.

Nos collègues députés ont ensuite introduit plusieurs dispositions de nature législative.

Sur l’initiative du Gouvernement, ils ont inséré un nouvel article 3 bis pour ériger l’inclusion scolaire de tous les élèves, notamment des élèves en situation de handicap, au rang des missions du service public de l’éducation.

Sur proposition de sa rapporteure, Françoise Cartron, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat a fait le choix de déplacer ce principe d’inclusion scolaire dans un nouvel article 3 A tout en l’élargissant à toutes les autres sources d’exclusion : origine, milieu social, conditions de santé.

Nous ne pouvons que nous féliciter de cette disposition, qui donne force de loi à l’inclusion scolaire.

L’Assemblée nationale a également introduit un nouvel article 4 ter relatif à l’orientation des élèves en situation de handicap, qui a déclenché à juste titre – vous l’avez souligné, monsieur le ministre – la colère du monde associatif.

En remplaçant l’accord des parents par une simple consultation, cet article tendrait à les priver de la possibilité de décider du mode de scolarisation de leur enfant. Or l’accord des parents est fondamental, car il agit comme un garde-fou pour éviter que la demande de révision ne se traduise, comme c’est parfois le cas, par la fin de la scolarisation de l’enfant en milieu ordinaire.

Cette disposition va à l’encontre de l’objectif d’inclusion scolaire et de la volonté de construire un véritable partenariat avec les parents.

Je me réjouis donc que la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat ait supprimé cet article.

À l’article 10, les députés ont précisé que la diffusion des technologies numériques dans les établissements scolaires s’adresse, notamment, aux élèves en situation de handicap.

L’offre d’outils numériques adaptés et personnalisés représente, en effet, une véritable plus-value pour ces enfants.

La commission de la culture, de l’éducation et de la communication a décidé de retenir une rédaction plus générale, visant l’ensemble des élèves, choix tout à fait pertinent.

Enfin, à l’article 30, l’Assemblée nationale a précisé que l’enseignement dispensé dans les écoles maternelles doit être adapté aux besoins des élèves en situation de handicap.

C’est en effet le plus tôt possible que ces enfants doivent pouvoir être scolarisés en milieu ordinaire, non seulement pour leur permettre de débuter leur parcours scolaire dans de bonnes conditions, mais aussi pour sensibiliser les autres enfants à l’acceptation de la différence.

Cette disposition a été maintenue par la commission de la culture, de l’éducation et de la communication de notre assemblée.

Je souhaite, à présent, insister sur un point : il me semble indispensable que les dispositions relatives à la scolarisation des enfants en situation de handicap ne soient pas simplement traitées dans le rapport annexé au projet de loi, comme c’était le cas initialement, car celui-ci – je le rappelle – n’a pas de portée normative. Si l’on veut avancer sur la voie de l’inclusion scolaire, il faut que ses modalités soient inscrites dans la loi.

C’est pourquoi la commission des affaires sociales a adopté, sur ma proposition, neuf amendements portant sur plusieurs articles du texte.

Le premier entend relancer le chantier de la coopération entre l’éducation nationale et le secteur médicosocial en inscrivant ce principe dans la loi.

Les deuxième et troisième amendements visent à rappeler que les départements et les régions, qui sont respectivement chargés de la construction, de l’équipement et du fonctionnement des collèges ainsi que des lycées, doivent aussi assurer l’accessibilité de ces établissements.

Les quatrième et cinquième amendements tendent à permettre au Conseil supérieur des programmes de proposer des aménagements aux épreuves des examens et des concours pour les candidats en situation de handicap.

Le sixième amendement vise à charger le Conseil national d’évaluation du système éducatif d’évaluer les politiques publiques mises en œuvre pour scolariser les élèves en situation de handicap en milieu ordinaire.

Le septième amendement tend à prévoir que la formation des élèves à l’utilisation des outils numériques soit aussi dispensée au sein des unités d’enseignement des établissements médicosociaux et de santé.

Enfin, les huitième et neuvième amendements visent à ce que les écoles supérieures du professorat et de l’éducation, d’une part, assurent le développement et la promotion de méthodes pédagogiques adaptées aux besoins des élèves en situation de handicap et, d’autre part, organisent des formations de sensibilisation à l’inclusion scolaire de ces enfants.

Mes chers collègues, je suis convaincue que ce projet de loi est l’occasion d’améliorer les conditions de scolarisation des enfants en situation de handicap et de permettre que l’école de la République devienne une école réellement inclusive. Il est utile que nous nous en donnions les moyens !

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