Intervention de Claude Haut

Réunion du 21 mai 2013 à 21h45
Refondation de l'école de la république — Discussion d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Claude HautClaude Haut :

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, le projet de loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République traduit l’engagement du Gouvernement de faire de l’éducation nationale l’une des priorités du nouveau quinquennat, en consacrant les moyens financiers et humains nécessaires au premier des services publics de la République française.

La commission des finances du Sénat a souhaité se saisir du texte pour avis, notamment sur les articles relatifs à la création de postes dans l’éducation nationale, ainsi que sur toutes les dispositions qui concernent les finances des collectivités locales.

Pierre angulaire de la refondation de l’école de la République, le rétablissement dans l’enseignement de 60 000 postes supprimés par l’ancienne majorité était au cœur de la campagne du candidat François Hollande : le présent projet de loi traduit cet engagement, le déclinant pour la première fois par catégorie de postes et ciblant des territoires prioritaires, tout en définissant les objectifs et le cadre d’une ambition nouvelle pour l’école.

Dans un contexte particulièrement contraint pour les finances publiques, les choix opérés au bénéfice de l’éducation nationale résultent d’arbitrages au sein d’une enveloppe budgétaire fermée : la stabilisation, d’une part, des dépenses de l’État sous les doubles normes « zéro volume » et « zéro valeur » et, d’autre part, des effectifs, signifie que l’effort accompli dans le domaine de l’enseignement est compensé par des économies équivalentes au sein du budget de l’État, suivant les principes fixés par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017.

Alors que les crédits de l’ensemble des missions du budget général hors charges de la dette et pensions sont stabilisés en valeur et devraient être révisés à la baisse, la loi de programmation des finances publiques a prévu une augmentation des crédits de la mission « Enseignement scolaire » de 1, 18 milliard d’euros en 2015 par rapport à la loi de finances initiale pour 2012. La mission enregistre la deuxième plus importante hausse des crédits sur la période du budget triennal 2013-2015, après la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».

S’agissant des mesures ayant un impact budgétaire sur les finances de l’État, le rapport annexé au projet de loi détaille la programmation des 60 000 emplois devant être créés dans l’enseignement au cours de la législature.

Sur ce total de 60 000 postes, 54 000 emplois seront créés au ministère de l’éducation nationale, 5 000 au ministère de l’enseignement supérieur et 1 000 au ministère de l’agriculture au titre de l’enseignement technique agricole.

La réforme de la formation initiale représentera la moitié des créations d’emplois dans l’éducation nationale, soit 27 000 postes sur un total de 54 000. À ces créations de 27 000 postes s’ajoutent 27 000 autres postes, répartis entre 21 000 nouveaux postes d’enseignant titulaire, dont 14 000 dans le premier degré et 7 000 dans le second degré, et 6 000 postes supplémentaires pour la scolarisation des élèves en situation de handicap, la prévention et la sécurité, le suivi médical et social, l’amélioration du pilotage des établissements et des services académiques.

En particulier, 3 000 nouveaux postes permettront d’améliorer la scolarisation des enfants de moins de trois ans. La répartition des postes devra être déclinée par académie, mais elle devra veiller en priorité à réduire les inégalités territoriales et se concentrer sur les zones les plus fragiles. L’objectif d’amélioration du remplacement figure explicitement parmi les créations de postes du premier degré.

La commission des finances a adopté, sur ma proposition, un amendement, que je présenterai en séance publique, pour compenser également les suppressions de postes de remplaçants dans le deuxième degré. Cette difficulté nous est souvent rappelée dans nos territoires.

C’est donc bien l’ensemble des personnels d’éducation qui bénéficieront d’un renforcement de leurs effectifs, une priorité étant accordée à l’enseignement primaire, car il a été montré que c’est dès le plus jeune âge qu’il faut assurer un même accueil des enfants pour empêcher que ne se développent les inégalités sociales.

La commission des finances a également examiné les dispositions ayant un impact sur les finances des collectivités territoriales, qui sont des partenaires à part entière de la refondation de l’école.

Tout d’abord, les articles 12, 13 et 14 du projet de loi sont relatifs à la répartition des compétences entre l’État et les collectivités en ce qui concerne l’acquisition et la maintenance des équipements informatiques dans les collèges et les lycées.

D’un point de vue juridique, cette répartition des compétences est aujourd’hui ambiguë. La commission des finances estime que le Gouvernement devra apporter des éclaircissements en séance publique. Lors du débat, je reviendrai, monsieur le ministre, mes chers collègues, sur les différentes interprétations dont nous ont fait part, en particulier, les associations d’élus.

Par ailleurs, l’article 47 crée un fonds d’amorçage, temporaire, destiné à aider les collectivités territoriales dans la mise en œuvre de la réforme des rythmes scolaires. Au cours des auditions que j’ai menées ou à la lecture des contributions écrites que j’ai reçues, il est apparu clairement que l’ensemble des associations d’élus ont apporté leur soutien au principe même de la réforme, en reconnaissant l’amélioration des conditions d’enseignement qu’elle permettra.

Les auditions ont toutefois fait ressortir des obstacles liés à des difficultés pratiques d’organisation, à des contraintes d’un calendrier qui a semblé trop serré à certains élus ou encore et surtout à des raisons financières. Afin de consolider juridiquement le dispositif, la commission de la culture, sur l’initiative de la commission des finances, a inscrit dans le texte du projet de loi le montant des aides annoncées pour les collectivités territoriales.

Cette disposition offrira aux collectivités concernées une certaine garantie quant aux montants qu’elles percevront, étant entendu que cette aide a pu constituer un facteur important dans leur décision de mettre en œuvre la réforme dès la rentrée 2013.

Pour autant, le décret d’application soulève plusieurs difficultés sur lesquelles j’entends revenir en séance publique. Ces difficultés, auxquelles le Gouvernement a en partie apporté une réponse, portent sur les EPCI dotés de la compétence en matière d’éducation, qui toucheront la majoration du fait d’une ou plusieurs communes éligibles en leur sein, sur la question de l’année d’éligibilité à la DSU-cible ou à la DSR-cible prise en compte. Nous y reviendrons lors de la discussion des articles, en évoquant également la question, cruciale, du financement du fonds.

Enfin, j’ai souhaité saisir l’occasion que présentait ce texte – mais à mon grand regret, je n’ai pas été suivi par la commission de la culture –, pour traiter du sujet des normes applicables aux collectivités territoriales. Il s’agit d’un enjeu financier important. Les normes nouvelles pèseront en effet sur le budget des collectivités, à hauteur de 1, 8 milliard d’euros environ en 2014.

Je vous proposerai ainsi trois amendements – mais j’ai cru comprendre que je ne serai pas suivi – qui s’inspirent d’une proposition du rapport de notre collègue Éric Doligé sur la simplification des normes applicables aux collectivités territoriales. Que ce soit dans les communes, les départements ou les régions, lorsque des établissements mettent à disposition certains équipements, il me semble plus cohérent de raisonner par année plutôt que de faire examiner chaque demande au cas par cas par le conseil d’administration des établissements.

Telles sont, monsieur le ministre, les principales observations de la commission des finances, sous le bénéfice desquelles elle a proposé au Sénat l’adoption du présent projet de loi.

Si des éclaircissements nous semblent nécessaires, ce texte, perfectible, n’en marque pas moins une étape décisive dans l’ambition de refonder l’école de la République, en restituant au service public de l’éducation les moyens nécessaires à son fonctionnement. C’est un enjeu majeur qu’il nous faut relever : nous ne devons plus accepter que des enfants et des jeunes sortent du système scolaire sans qualification et sans perspectives. C’est à nous, législateur, à nous, parlementaires, de faire de l’éducation et de la formation les pierres angulaires d’une société plus solidaire, qui refuse la fatalité de la reproduction des inégalités scolaires, sociales et territoriales. Tel est le chantier qui s’ouvre à nous : nous vous soutiendrons dans cette tâche, monsieur le ministre.

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