D’où le rôle central du législateur. Le cœur même de l’école ne peut être laissé au seul pouvoir réglementaire comme le prévoit le texte.
Bien entendu, l’éducation est l’apprentissage de savoir-faire, mais également de savoir-être. Insérer à terme un enfant dans la vie professionnelle et en faire un adulte responsable et épanoui : voilà deux objectifs à donner à l’école. Les disciplines permettant le développement du sens critique, l’éveil sensoriel et de la sensibilité sont essentielles.
J’avais proposé en 2005 un amendement au socle sur les pratiques sportives et culturelles, finalement repris par décret. Aussi, je soutiens l’ambition de mettre en avant dans ce texte l’éducation artistique et culturelle, mais je souhaiterais que le projet apporte des clarifications et une articulation entre les notions d’éducation artistique et d’enseignement artistique, les deux n’étant pas tout à fait identiques. Généralement, ces derniers enseignements sont dispensés dans des établissements qui permettent de prolonger la formation des jeunes.
En pratique, cette réforme doit assurer un continuum, depuis la sensibilisation jusqu’à la formation des futurs amateurs ou professionnels.
L’autre point non clarifié est la notion d’activité culturelle liée à la réforme des rythmes scolaires, pour laquelle on perçoit que le temps et les activités périscolaires et scolaires n’ont pas été pensés dans leur complémentarité.
Quant au sport, nous regrettons qu’il ait été négligé par ce texte et uniquement traité dans les annexes. Nous y reviendrons lors de la discussion des amendements.
Je dirai quelques mots sur le numérique, pour lequel le texte porte une certaine ambition. L’école du XXIe siècle ne peut ignorer la génération digitale, tous ces enfants qui, telle la « Petite Poucette » de Michel Serres, ont un rapport familier et intuitif avec le numérique. Le numérique modifie l’accès aux savoirs, les manières d’apprendre et de travailler.
Notre groupe d’études « Médias et nouvelles technologies », que j’ai le plaisir de présider, a tenu l’année dernière à conduire des travaux sur ce sujet. Nos conclusions sont unanimes : l’école doit penser non seulement les nouveaux outils, mais aussi les nouveaux usages et la pédagogie adaptée.
Cela exige que le maître ait un rôle central dans l’apprentissage de l’analyse et de la sélection des multiples informations que reçoivent les élèves au quotidien ; il s’agit d’en faire des adultes éclairés, et pas seulement des récepteurs d’informations passifs.
Je voudrais conclure sur un sujet fondamental pour les collectivités dont la Haute Assemblée incarne la représentation : je pense au rôle dont ne sauraient être dépourvus les représentants des territoires, premiers partenaires de l’éducation nationale autour de l’enfant. C’est la raison pour laquelle nous avons déposé plusieurs amendements tendant à redonner toute son importance à la concertation avec les élus.
Monsieur le ministre, répondant à l’une de mes questions d’actualité, vous m’aviez affirmé que les élus locaux devaient « faire des efforts ».Je ne pense pas qu’ils aient goûté la remarque, au moment où l’État diminue sa dotation – moins 3 milliards d’euros, je le rappelle – et se décharge, d’une certaine façon, de ses responsabilités...
Ce qui inquiète les élus, c’est que ce texte, bien qu’affichant des intentions contraires, porte en lui l’émergence d’une école à deux vitesses en fonction des moyens dont les communes ou groupements de communes disposeront ou pas.
Le fonds d’aide de l’État est non seulement insuffisant, il n’est pas pérennisé. Pis, on envisage de ponctionner des politiques sociales essentielles consacrées à la petite enfance ou à la parentalité, à travers des subventions de la Caisse nationale des allocations familiales.
En réalité, en ces temps de restrictions budgétaires obligées, si la CNAF finance la réforme des rythmes à la place de l’éducation nationale, cela reviendra bien pour elle à déshabiller Pierre pour habiller Paul !
Pour terminer tout à fait, je dirai que, pour qu’elle puisse se réformer, il faudrait que l’éducation nationale échappe aux aléas de nature purement politique et bénéficie de lignes directrices sur quinze ou vingt ans. À cet égard, il est regrettable que certains dispositifs mis en place ces cinq dernières années aient été balayés avec mépris, en dépit de rapport d’évaluation positifs.