Les lois d’orientation et de programmation relatives à l’école sont trop souvent des « lois bavardes », dans le sens où elles exposent les grands principes vers lesquels doit seulement tendre l’action éducative.
Je rappelle que, aux termes de l’article 34 de la Constitution, la loi détermine les principes fondamentaux de l’enseignement… Le présent texte n’en oublie pas pour autant la mobilisation des moyens nécessaires à la mise en œuvre des objectifs fixés, ce qui, à l’aune des politiques menées par les derniers gouvernements, constitue, reconnaissons-le, un progrès notable.
Aujourd’hui, mes chers collègues, trop de jeunes sortent du système éducatif sans qualification. Trop d’élèves, à leur entrée au collège, ne maîtrisent pas les bases des connaissances en termes de lecture. Ces populations, les statistiques le démontrent, sont naturellement celles qui éprouvent le plus de difficultés à s’insérer sur le marché du travail.
L’on perçoit donc le caractère fondamental de l’effort que nous devons consentir en faveur de l’éducation.
Monsieur le ministre, si les sénateurs radicaux s’accordent, vous l’avez compris, sur l’économie générale du texte et les objectifs qu’il assigne à l’école de la République, lors de l’examen des articles, notre groupe défendra plusieurs amendements tendant à améliorer le projet de loi, notamment sur l’articulation entre le socle commun des connaissances et les programmes, sur l’abaissement de l’âge de la scolarisation obligatoire, thème cher à Françoise Laborde.
En outre, nous aborderons les implications pour les collectivités en termes de rythmes scolaires et d’organisation de l’offre scolaire et périscolaire. Vous savez que nous sommes un certain nombre, dans les départements, à avoir combattu pour que cette réforme soit une réussite.
Enfin, dans la lignée du débat sur l’application de la loi de 2005 relative au handicap qui s’est tenu dans cet hémicycle fin 2012, nous veillerons à faire de l’école le lieu d’inclusion de tous les élèves, notamment des jeunes handicapés.
J’entends bien ces voix qui, dans l’opposition, ergotent parfois sur le choix du terme « refondation ». Certes, il ne s’agit pas de balayer l’édifice existant, d’en faire table rase. La présente réforme ambitionne cependant de renouer avec les fondations républicaines de l’éducation. C’est la raison pour laquelle les radicaux se sont réjouis de l’annonce de la création d’un enseignement laïque de la morale. Cette discipline, qui sera dispensée et évaluée du primaire au lycée, doit permettre de partager et de transmettre nos valeurs communes de liberté, d’égalité et de fraternité qui constituent la base du « vivre ensemble ».
L’affichage et la diffusion, auprès des élèves, d’une « charte de la laïcité » doivent également contribuer à faire de l’école le premier lieu où vit et où se vit la République.
Faire entrer cette morale laïque au sein de l’école relève d’une volonté affirmée. Le choix des termes est primordial. Monsieur le ministre, je ne crois pas que vous me contredirez, vous qui avez tant étudié l’œuvre de Ferdinand Buisson. Il s’agit bien de morale, c’est-à-dire d’un ensemble de valeurs, de principes et de règles, et cette morale à l’école ne peut bien sûr qu’être laïque, c’est-à-dire hermétique aux influences partisanes, religieuses, communautaires ou économiques.
Les missions que nous attribuons à l’éducation nationale ont été magnifiquement résumées par celui qui en fut un ministre visionnaire, Jean Zay : encore un radical ! §Oui, mes chers collègues, les radicaux ont fondé la République ! Il est bon de le rappeler !
Dans l’ouvrage qu’il rédigea au cours de sa dure et cruelle détention, Souvenirs et solitude, Jean Zay revint sur l’ambitieuse réforme qu’il avait menée en 1937. À ses yeux, l’enseignement devait consister « à former le caractère par la discipline de l’esprit et le développement des vertus intellectuelles ; à apprendre à bien conduire sa raison […] ; à garder toujours éveillé l’esprit critique ; à démêler le vrai du faux, à douter sainement ; à observer, à comprendre autant qu’à connaître ; à librement épanouir sa liberté. »
Ce sont bien les lumières de cet humanisme qu’il nous revient de rallumer aujourd’hui. Pour ce faire, monsieur le ministre, nous comptons sur vous ! §