Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, le constat est sans appel : l’école est devenue, dans notre pays, le lieu de reproduction des inégalités sociales, tant et si bien que la France figure parmi les pays de l’OCDE où le lien entre les origines sociales et culturelles des parents et les résultats de leurs enfants est le plus caractérisé. Ce triste constat suffit à lui seul pour conclure que l’école de la République est en crise, et ce depuis trop longtemps, ajouterai-je.
Les moyens humains et financiers consacrés à l’école ne sont pourtant pas négligeables, diront certains. Alors, à qui la faute ? Peu importe, ai-je envie de répondre. J’aurai l’occasion de revenir sur ce point au cours de nos débats.
Le moment est venu d’entamer la refondation de l’école, de revenir aux fondamentaux, de fixer des objectifs à la fois ambitieux et raisonnables, de permettre à l’école de renouer avec son rôle d’ascenseur social et sa mission de transmission des connaissances, des savoirs et des valeurs républicaines.
Pour y parvenir, monsieur le ministre, mes chers collègues, il faut entrer dans le concret, celui du fonctionnement d’une école, de la vie quotidienne d’une classe, de la relation à la fois complexe et merveilleuse qui s’établit entre le maître et l’élève. Faut-il le rappeler ici, cette relation est fondée sur la transmission et l’échange. Dans la pratique, et dans le meilleur des cas, les deux principaux acteurs, le maître comme l’élève, reçoivent, et aucun ne doit perdre.
Aussi l’école a-t-elle besoin, avant tout, d’enseignants en nombre suffisant et dotés d’une solide formation. Ce métier, qui compte parmi les plus beaux, s’apprend : n’est pas pédagogue qui veut ! En effet, si la pédagogie a longtemps été définie comme l’art d’éduquer, elle est devenue une science, celle de l’éducation, qui rassemble les méthodes et pratiques d’enseignement et d’éducation, met en exergue toutes les qualités requises pour transmettre un savoir ou un savoir-faire. En un mot, il est nécessaire d’apprendre à apprendre !
C’est pourquoi aucune refondation de l’école ne sera possible sans le concours et l’engagement des enseignants : leur formation doit être professionnalisée et à la hauteur des enjeux, leur métier revalorisé aux yeux de la société, tout comme leur salaire, qui doit refléter la confiance et les attentes très fortes que nous plaçons en eux.
Nous devons reconstituer un corps d’enseignants motivés, responsabilisés, engagés, soutenus financièrement et moralement, un corps d’enseignants qui aiment leur métier et qui, tout simplement, croient en leur mission quotidienne au service des élèves et de la République.
Les nouvelles écoles supérieures du professorat et de l’éducation devront jouer un rôle clé dans le nouveau dispositif, puisqu’elles auront la noble charge de former et de préparer tous les enseignants, de la maternelle à l’université, ainsi que le personnel d’éducation. Elles contribueront aussi à la formation continue pour adapter les méthodes d’enseignement et les connaissances aux évolutions de la société.
La refondation de l’école passe par la priorité donnée à l’école maternelle et à l’école élémentaire. Bien des choses se jouent, en effet, en matière d’apprentissage des savoirs et de transmission des valeurs, dès les premiers pas de la scolarisation ! Nous partageons, monsieur le ministre, votre volonté de développer la scolarisation dès l’âge de 2 ans, alors que son taux a fortement chuté en dix ans, passant de 35 % à 11 %.
Sans passer en revue l’ensemble des moyens nécessaires – la discussion des amendements sera l’occasion d’entrer dans le détail –, je souhaite toutefois insister sur certains choix qu’il convient de faire.
J’évoquerai d’abord l’aide personnalisée aux élèves en difficulté, qui doit être revue, car on ne peut pas continuer à la dispenser pendant la pause du déjeuner, tôt le matin ou tard le soir, c’est-à-dire à des horaires incompatibles avec l’attention et la concentration.
Une autre décision incontournable concerne les RASED, qui doivent absolument être rétablis.
Quant à la révision des programmes, elle doit s’accompagner de l’instauration d’un vrai parcours culturel et artistique, tout comme du renforcement de la place du sport à l’école. Art et culture contribueront ainsi, aux côtés des autres matières, à une meilleure transmission des connaissances essentielles pour la réussite éducative et, plus encore, pour le « vivre ensemble ».
Enfin, je partage, monsieur le ministre, votre objectif de mettre en place un service public du numérique éducatif et de l’enseignement à distance renforçant l’offre pédagogique. Il s’agira, notamment, de permettre aux élèves en situation de handicap et à ceux qui ne peuvent être scolarisés de se rapprocher de l’école, en bénéficiant de ressources adaptées, afin de tendre vers une école réellement inclusive. Ce service devra venir s’ajouter à l’enseignement classique, sans s’y substituer. Comme je l’ai indiqué, le fondement de l’apprentissage doit reposer avant tout sur la relation entre l’enseignant, l’élève et ses pairs.
Avant de conclure, et parce que nous sommes au Sénat, je souhaite dire quelques mots du rôle clé joué par les collectivités territoriales dans notre système éducatif, qu’il s’agisse des communes, pour l’école primaire, ou des départements et des régions, pour le secondaire. Chacun sait ici que ces collectivités s’investissent autant qu’elles le peuvent dans l’éducation. C’est pourquoi je salue la création du fonds d’aide aux communes pour la mise en place de la réforme des rythmes scolaires. Monsieur le ministre, il faut leur laisser du temps pour s’organiser ! Le temps passé à l’école par les enfants doit être un temps d’apprentissage de qualité, aménagé sans précipitation et avec les moyens nécessaires.
Monsieur le ministre, j’ignore, à ce stade, si le Sénat approuvera votre projet de loi, amendé par la commission de la culture du Sénat, dont je félicite la rapporteur pour le travail qu’elle a accompli. La majorité des membres du RDSE espèrent qu’il sera adopté, même si, à nos yeux, il peut encore être amélioré. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous avons déposé près de quatre-vingts amendements.
Quoi qu’il en soit, vous savez pouvoir compter sur les radicaux de gauche pour soutenir l’école de la République, une école publique et laïque de qualité, afin de lui permettre de retrouver toute sa place dans la préparation de l’avenir de la France. Combattre la grave crise morale que traverse notre pays, c’est aussi redonner force et vigueur à notre école. C’est en refondant l’école que nous redonnerons espoir à la jeunesse ! §