Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, afin de compléter l’intervention de Corinne Bouchoux sur les objectifs du projet de loi, je souhaite appeler l’attention sur la section de ce texte consacrée à l’éducation aux usages du numérique, rebaptisée à juste titre par nos collègues de l’Assemblée nationale « service public du numérique éducatif ».
Je ne reviendrai pas sur le bilan des différents plans de développement des usages du numérique à l’école. Le rapport de notre collègue Françoise Cartron est très clair sur le sujet. En ce qui concerne la formation des enfants et des adolescents à l’utilisation des outils numériques, la France reste en retard, malgré un taux moyen d’équipement relativement satisfaisant, qui masque toutefois d’importantes disparités entre zones urbaines et zones rurales, ainsi qu’au sein des zones rurales.
Compte tenu de la réalité des moyens déployés pour faire face à ce retard et des difficultés de l’institution scolaire à intégrer la dimension numérique dans l’enseignement, le groupe écologiste recommande de s’inscrire dans une vision plus réaliste et pragmatique et, en même temps, plus inventive de l’apport des nouvelles technologies de l’information à l’enseignement.
À ce stade, la plus-value de l’intégration des nouvelles technologies du numérique dans les enseignements réside principalement dans les possibilités qu’elles ouvrent en termes de changements pédagogiques. En effet, ces nouveaux services numériques ne doivent pas seulement offrir un « outil de plus », à utiliser comme les autres parmi l’offre fournie par l’institution scolaire. Ils doivent servir de base à une refonte critique des approches pédagogiques, favorisant l’innovation et les expérimentations, au profit du travail collaboratif entre les élèves, ainsi qu’entre les enseignants. C’est le sens des amendements qui ont été déposés tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat par les parlementaires écologistes.
Utiliser uniquement les technologies de l’information et de la communication pour l’enseignement, les TICE, comme un nouveau support au service de pédagogies anciennes serait contre-productif et ne répondrait pas aux enjeux de la révolution numérique dans le secteur éducatif.
De la même manière, la proposition de favoriser l’usage de logiciels libres et de formats ouverts pour les ressources pédagogiques et les contenus numériques va dans le sens d’une extension de l’interactivité des outils mis à disposition des élèves et des personnels, alors que les logiciels dits « propriétaires » entravent, au contraire, le libre accès aux savoirs et la mutualisation des contenus.
Parallèlement, il convient de relativiser l’apport des nouvelles technologies dans l’enseignement. Pour nous, la plus grande des interactivités, en matière d’éducation, reste d’abord celle qui s’établit entre un enseignant et chacun des élèves à l’intérieur d’une salle de classe. Aucune technologie, aussi innovante soit-elle, ne peut se substituer à cette relation singulière.
S’il est important que l’école valorise les usages numériques dans le cadre des apprentissages, notamment pour améliorer le suivi personnalisé des élèves, il faut néanmoins se garder de faire des outils technologiques l’alpha et l’oméga de toute forme de modernisation des pratiques éducatives, car, dans les faits, les enseignants restent le plus souvent des praticiens des nouvelles technologies bien moins expérimentés que leurs élèves. Chacun connaît l’écart générationnel qui existe en matière d’appropriation des nouvelles technologies de l’information et de la communication.
En ce qui concerne la mise en œuvre du plan pour le développement des usages du numérique à l’école, j’observe que le portail unique de référencement de l’ensemble des ressources pédagogiques n’a toujours pas vu le jour. La faute en revient à un dispositif extrêmement lourd, peu ergonomique et contraint par les conditions posées par les éditeurs de manuels pédagogiques. Ce serait pourtant un outil essentiel à mettre au service de la communauté éducative.
Surtout, le numérique ne peut ni ne doit se substituer à l’éducation aux médias, au sens large du terme, telle que mise en œuvre dans les établissements, sur la base du volontariat des enseignants, depuis une trentaine d’années.
Or, j’ai déjà alerté la commission de la culture sur le fait que le Centre de liaison de l’enseignement et des médias d’information, le CLEMI, créé en 1983 par l’universitaire Jacques Gonnet, auquel je rends hommage, et chargé d’accompagner cette politique, a vu, ces dernières années, ses moyens humains et financiers limités, quand ils n’ont pas été tristement amputés.