Intervention de Michel Le Scouarnec

Réunion du 21 mai 2013 à 21h45
Refondation de l'école de la république — Discussion générale

Photo de Michel Le ScouarnecMichel Le Scouarnec :

Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, nous nous félicitons que le projet de loi de refondation de l’école accorde une priorité à l’école primaire et porte une attention particulière à la maternelle.

C’était devenu une nécessité, après les réductions drastiques des moyens et du nombre de postes d’enseignant découlant de la RGPP mise en œuvre par l’ancienne majorité. L’école maternelle était devenue une variable privilégiée de l’ajustement budgétaire du ministère de l’éducation nationale, en dépit de son rôle décisif dans la lutte contre l’échec scolaire et les inégalités, particulièrement pour les enfants issus d’un milieu social défavorisé.

Je prendrai un exemple concret pour illustrer mon propos. Dans ma ville d’Auray, dans le Morbihan, pour décider la fermeture d’une classe, le taux d’élèves de moins de 3 ans présents à la rentrée est fixé à 15 % de l’ensemble des effectifs dans une école, et à 25 % dans d’autres. Mes chers collègues, je puis vous assurer qu’une telle mesure, très peu républicaine, a bien été mise en œuvre !

La scolarisation précoce en maternelle a une incidence positive sur le niveau de compétence des élèves, ainsi que sur la probabilité de redoublement.

Si nous partageons les objectifs du projet de loi concernant la réaffirmation du rôle de la maternelle et la scolarisation des enfants de moins de 3 ans, avec la programmation de nouveaux moyens, nous aurions souhaité qu’ils soient énoncés avec plus de force encore.

La scolarisation des moins de 3 ans, particulièrement bénéfique pour les enfants issus des milieux populaires, a un effet positif en termes d’acquisition du langage, de compréhension orale et de familiarisation avec l’écrit.

Pourtant, c’est elle qui a subi le plus durement les conséquences de la RGPP. Ainsi, en 2000, un enfant sur trois âgé de 2 à 3 ans fréquentait l’école maternelle – et même un sur deux en Bretagne, où la scolarisation précoce était plus importante –, contre seulement un sur cinq aujourd'hui, et ce sans tenir compte de l’existence ou nom de crèches ou de pôles multi-accueil.

Le projet de loi prévoit donc la création de 3 000 postes sur la totalité du quinquennat pour développer l’accueil des moins de 3 ans. C’est un progrès indéniable, qu’il est juste de souligner. Néanmoins, avec plus de 36 000 communes et plus de 15 000 écoles maternelles publiques en France, la portée de cette mesure risque d’être insuffisante.

Nous nous félicitons également que soit mentionnée dans la loi la nécessité de mettre en place des conditions d’accueil adaptées aux spécificités des moins de 3 ans. La scolarisation des enfants de 2 à 3 ans ne se conçoit que dans de bonnes conditions d’accueil, permettant la prise en compte de la diversité des états de développement d’aussi jeunes enfants.

Par contre, l’article 5 du projet de loi, qui tend à récrire l’article du code de l’éducation relatif à la scolarisation des enfants de moins de 3 ans, ne fait que reformuler, avec des mots différents, ce qui se pratique déjà : la scolarisation précoce s’effectue en priorité dans les écoles situées dans un environnement social défavorisé, qu’il convient d’ailleurs de définir de manière objective et réaliste. Je sais que certains quartiers urbains sont ciblés, mais de petites communes rurales méritent aussi qu’on leur porte une attention particulière.

Nous souhaitons, pour notre part, aller plus loin en rendant possible, à terme, la scolarisation de tous les enfants de 2 ans dont les parents en feront la demande. L’article 40 de la Constitution nous empêche de proposer l’adoption d’une telle disposition, mais nous affirmons que l’État doit garantir ce droit.

Nous formons aussi le vœu qu’un module spécifique de formation soit dispensé aux enseignants qui prennent en charge ces jeunes enfants, en plus d’une formation initiale et continue adaptée aux enjeux de la maternelle dans son ensemble.

Concernant les enfants de classe maternelle âgés de 3 ans et plus, le projet de loi apporte quelques avancées et fixe des objectifs que nous partageons : création d’un cycle unique pour la maternelle, mettant fin à la « primarisation » de l’école maternelle, affirmation des missions spécifiques de l’école maternelle, développement sensoriel, moteur et social, développement de l’estime de soi, épanouissement affectif, introduction – à notre demande – de l’objectif de développer l’envie et le plaisir d’apprendre, instauration d’une formation spécifique, tant continue qu’initiale, pour les enseignants d’école maternelle.

En revanche, nous ne pouvons que nous étonner, monsieur le ministre, que le projet de loi ne prévoie pas de rendre obligatoire l’instruction dès 3 ans.

Le constat partagé du rôle fondamental de l’école maternelle avait réuni toute la gauche du Sénat autour de la proposition de loi n° 447 de notre rapporteur, Françoise Cartron, visant à instaurer la scolarisation obligatoire à 3 ans, contre 6 ans actuellement. Nous avions passé une soirée mémorable et très animée à débattre de cette question avec M. Chatel, le précédent ministre de l’éducation nationale…

Avant tout symbolique, une telle mesure aurait permis de reconnaître à leur juste valeur les apports fondamentaux de la maternelle à notre système scolaire, sans incidence sur les finances de l’État, puisque plus de 99 % des enfants de 3 à 6 ans sont déjà scolarisés en France.

Nous partageons donc, monsieur le ministre, vos objectifs concernant la scolarisation des enfants de 2 à 3 ans ; néanmoins, nous aurions souhaité encore plus d’ambition, tant le précédent quinquennat a été marqué par un recul brutal et dévastateur !

Nous aurions souhaité la création de davantage de postes, bien sûr, mais surtout une avancée symbolique d’une véritable refondation progressiste de l’école de la République : l’extension de 3 ans à 18 ans de l’obligation scolaire. §

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