Intervention de Alain Richard

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 22 mai 2013 : 1ère réunion
Adaptation dans le domaine de la justice en application du droit de l'union européenne et des engagements internationaux de la france — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Alain RichardAlain Richard, rapporteur :

J'ai peut-être été un peu elliptique sur certains points. Pourquoi ne pas adopter une définition pénale de l'esclavage et de la servitude, comme le propose l'Assemblée nationale ? La seule définition internationale faisant autorité date de 1926. A cette époque, l'esclavage était encore un phénomène de masse dans certains pays. Les situations auxquelles nous nous référons devraient plutôt être qualifiées d'esclavage moderne : elles sont le fait de groupes privés, qui emploient la force ou le chantage, et sont plus difficiles à définir. La définition initiale relevait du droit civil : est esclave la personne à l'encontre de laquelle s'exerce un droit de propriété. Cette définition rigoureuse était juridiquement solide. Nous aurions peine à caractériser de telles situations aujourd'hui ! Et vouloir établir une nouvelle définition pourrait bien en effet être contreproductif. Dans deux décisions, la Cour européenne des droits de l'homme a estimé que l'article 4 de la convention imposait aux États de « criminaliser » l'esclavage, qui n'est pas défini en tant que tel en droit français. Des avocats français sont très fiers d'avoir fait condamner la France sur ce motif. La Cour européenne n'a toutefois pas précisé ce qu'il fallait criminaliser, se contentant de désigner « les situations de cet ordre ». Il faudra donc introduire dans le code pénal une infraction - qui sera sans doute un crime - de réduction en esclavage, ou d'asservissement, esclavage et servitude étant rigoureusement synonymes en français, le servage étant une notion différente. L'Assemblée nationale a voté une définition qu'elle savait incomplète - charge au Sénat de l'améliorer. Je concède que je n'ai rien trouvé de meilleur. Par conséquent, pour creuser la question, je suggère un groupe de travail. La garde des sceaux souhaite une définition qui corresponde aux réalités actuelles et qui soit partagée.

La France a l'espoir que soit créé un parquet européen. Le degré d'enthousiasme est variable parmi nos partenaires. Le gouvernement actuel, reprenant un projet du précédent gouvernement, veut promouvoir une coopération renforcée : neuf États, dont l'Allemagne, pourraient créer un parquet européen commun compétent en matière d'atteintes aux intérêts financiers de l'Union. L'Assemblée nationale a considéré qu'à travers les représentants nationaux d'Eurojust un parquet européen émergeait, et a souhaité, pour le symbole, donner au représentant français le pouvoir de prendre des mesures d'instruction contraignantes à l'égard des magistrats nationaux. Certes, mais cela perturberait notre ordre juridique et le statut des magistrats, régi par une ordonnance portant loi organique qui énumère les membres du parquet. Il faudrait la modifier, pour un apport qui ne serait pas significatif.

La définition de la traite des êtres humains n'est sans doute pas encore assez rigoureuse : je ne l'ai pas modifiée, mais peut-être est-il possible de mieux cerner le phénomène.

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