Intervention de Jean-Jacques Filleul

Commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire — Réunion du 22 mai 2013 : 1ère réunion
Modernisation de l'action publique territoriale et affirmation des métropoles — Examen du rapport pour avis

Photo de Jean-Jacques FilleulJean-Jacques Filleul, rapporteur pour avis :

Je ne reviendrai pas sur mes propos introductifs de mercredi dernier, et notamment sur la division en trois du texte initial qui rend malheureusement plus difficile une vision globale de la réforme. Il est essentiel à mes yeux que celle-ci soit utile. Si, à défaut d'organiser un fonctionnement territorial idéal, nous parvenons à améliorer l'efficacité et la lisibilité de nos collectivités et de leurs interventions, ce sera déjà une avancée. Aussi le texte, qui refonde et modernise l'action publique territoriale mérite-t-il tout notre intérêt.

C'est dans cet esprit que j'ai examiné les huit articles dont nous nous sommes saisis : les articles 3, 4 et 5 qui fixent le cadre général de la réforme ; les articles 15, 16 et 17 sur le STIF et la Société du Grand Paris ; l'article 31 sur les compétences des métropoles ; l'article 35, enfin, sur les pouvoirs de police en matière d'assainissement et de collecte des déchets.

Comme nous y a invités la ministre lors de son audition devant notre commission, je me suis senti très libre de vous proposer plusieurs modifications. La commission des lois a d'ailleurs adopté la même attitude la semaine dernière - j'en profite pour saluer le travail considérable de son rapporteur, qui a clarifié des points importants.

Je commencerai par les trois articles relatifs au STIF et au Grand Paris, que la commission des lois nous a délégués au fond. L'article 15 faisant référence à trois articles du code des transports, dont la création n'est prévue que dans le troisième projet de loi relatif à la décentralisation, il n'a pas lieu d'être dans celui-ci et je vous proposerai de le supprimer.

Les articles 16 et 17 concernent la coordination entre le syndicat des transports d'Ile-de-France, le STIF, groupement de collectivités qui constitue l'autorité organisatrice unique des transports en Ile-de-France, et la société du Grand Paris, établissement public de l'Etat à caractère industriel et commercial.

Très rapidement, les limites de la création d'un réseau de transport parallèle au réseau existant sont apparues, en particulier au cours des débats publics qui se sont tenus sur les deux projets. Un protocole d'accord a été signé entre l'Etat et la région en janvier 2011, reprenant des éléments communs au projet du Grand Paris et à Arc Express.

Le projet du Nouveau Grand Paris, présenté par le Premier ministre le 6 mars dernier, confirme cette approche, puisqu'il englobe, d'une part, des mesures d'amélioration du réseau existant, notamment le plan de mobilisation conclu entre l'Etat et les collectivités en 2011, d'autre part, le Grand Paris Express.

Cette approche intégrée se traduit par un impératif de coordination fort entre l'autorité organisatrice des transports en Ile-de-France, le STIF, et le maître d'ouvrage du réseau de transport public du Grand Paris, la Société du Grand Paris. Le STIF doit pouvoir s'exprimer sur le coût de possession de l'infrastructure une fois qu'elle est réalisée, ou sur les exigences de sécurité relatives à son exploitation, y compris sur les matériels roulants. Or, la loi relative au Grand Paris est peu diserte à ce sujet. Il convenait, dès lors, d'aller plus loin.

L'article 16 précise que les missions du STIF, maître d'ouvrage de droit commun, en matière de transports, s'exercent non seulement dans la limite des compétences de RFF ou de la RATP, comme cela est déjà prévu dans les textes, mais également de celles de la société du Grand Paris.

L'article 17 modifie quant à lui la loi relative au Grand Paris, afin d'associer davantage le STIF aux démarches réalisées par la Société du Grand Paris. Il dispose que le STIF est associé à l'élaboration du ou des dossiers d'enquête publique précédant la déclaration d'utilité publique pour les projets d'infrastructure du Grand Paris , ainsi qu'à celle de l'ensemble des documents établis par le maître d'ouvrage pour la réalisation des opérations d'investissement relatives au réseau de transport public du Grand Paris, qu'il aura au préalable approuvés. Il prévoit, enfin, que le STIF, en sa qualité de financeur, est associé à chaque étape du processus d'acquisition des matériels roulants.

Les responsables du STIF et de la Société du Grand Paris, que j'ai entendus, semblent satisfaits de ces précisions. Comme l'a rappelé le STIF, une coopération similaire avec RFF fonctionne bien. L'action devra être coordonnée au mieux, pour ne pas allonger les délais de mise en oeuvre des différentes étapes du projet. Je crois que les deux parties partagent le même objectif et la même volonté d'avancer. Une association du STIF le plus en amont possible évitera des blocages.

Je vous proposerai d'adopter conformes ces deux articles, afin que le projet du Grand Paris, dont l'enjeu est considérable, puisse avancer rapidement dans de bonnes conditions.

Notre commission se prononce par un simple avis sur cinq autres articles du projet de loi. L'article 3 vise à désigner des collectivités chefs de file. Cette disposition est la conséquence logique du rétablissement, à l'article 2, de la clause générale de compétence, qui est parfois mal comprise. Le chef de file n'exercera pas la compétence concernée à la place des autres collectivités, il aura pour mission de coordonner leurs interventions. C'est introduire une plus grande rationalité dans l'exercice des compétences partagées tout en respectant le principe de non-tutelle d'une collectivité territoriale sur une autre, dans l'esprit de clarification de l'action publique locale qui préside à ce texte. Les chefs de file coordonnent, ce qui ne signifie pas qu'ils règlent tout sur le terrain.

Le texte du gouvernement faisait des régions les chefs de file pour le développement économique et l'organisation des transports. La commission des lois a complété et précisé cette formulation en leur octroyant la responsabilité de chef de file dans les domaines de l'aménagement et du développement durable du territoire, du développement économique et touristique, de l'innovation et de la complémentarité entre les modes de transports.

Cette nouvelle rédaction, bienvenue, conforte le rôle reconnu de la région en matière de développement économique et d'innovation. Je vous renvoie au rapport de Jean-Luc Fichet et de Stéphane Mazars pour la Délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, qui l'a mis en évidence.

L'expression « complémentarité entre les modes de transports » me paraît plus pertinente que celle d' « organisation des transports » retenue par le gouvernement. Il revient à la région de promouvoir l'intermodalité, tout en laissant les autorités organisatrices en première ligne pour l'organisation des transports, dans leur périmètre.

Le transfert du rôle de chef de file pour le tourisme aux régions ne fait pas consensus. J'estime pour ma part que le niveau est le bon pour promouvoir les richesses culturelles et naturelles de nos territoires, d'autant que cette compétence n'est pas sans lien avec le développement économique. Lorsque l'on visite les châteaux de la Loire, on se réfère au Val de Loire ou à la région Centre, et non à tel ou tel département. Encore une fois, il ne s'agit pas de déposséder ces derniers de leurs compétences dans ce domaine, mais de donner de la cohérence aux interventions de chacun des échelons territoriaux.

Le texte initial faisait des départements les chefs de file pour l'exercice des compétences relatives à l'action sociale et au développement social, à l'autonomie des personnes, au tourisme, à l'aménagement numérique et à la solidarité des territoires. La commission des lois, si elle a maintenu cette prérogative légitime et attendue dans le domaine social, en retenant les termes d' « action sociale et de cohésion sociale » plutôt que d' « action sociale et de développement social », ainsi que leur responsabilité en matière d'autonomie des personnes, d'aménagement numérique et de solidarité des territoires, a, en revanche, préféré faire des régions les chefs de file en matière de tourisme. Le choix des départements en matière de solidarité territoriale me paraît judicieux, car le département est certainement le mieux à même de prendre en compte les problématiques spécifiques des espaces interstitiels et ruraux, au-delà du champ des intercommunalités les plus importantes.

Le projet de loi initial attribuait au bloc communal la fonction de chef de file pour les compétences relatives à la qualité de l'air et à la mobilité durable, ce qui faisait rire tout le monde, y compris votre rapporteur pour avis. La commission des lois, répondant à un souhait largement partagé, a entièrement revu cette formulation. Elle a fait des communes et de leurs groupements les chefs de file pour les compétences relatives aux services publics de proximité, au développement local et à l'aménagement de l'espace.

Il semblait en effet difficile d'octroyer à l'ensemble des communes le rôle de chef de file dans le domaine de la qualité de l'air. Si les grandes intercommunalités jouent un rôle fondamental dans ce domaine, il en est autrement des petites communes rurales. Il existe en outre un schéma régional du climat, de l'air et de l'énergie. Quant à la mobilité durable, son contenu et son articulation avec les missions confiées à la région ainsi qu'avec les compétences des autorités organisatrices de transport semblaient peu claires. Aussi suis-je satisfait que la commission des lois ait confié au bloc communal le rôle de chef de file dans le domaine de l'accès aux services publics de proximité, du développement local, entendu comme la promotion de l'artisanat et du commerce de proximité, et de l'aménagement de l'espace. Il s'agit bien là des compétences-clefs des communes et de leurs groupements.

Concrètement, pour l'ensemble des compétences que je viens de citer, la coordination et la répartition des rôles seront organisées, par convention, au sein de la conférence territoriale de l'action publique (CTAP), dont l'article 4 prévoit la mise en place. L'idée prend sa source dans les expériences locales, en particulier en Bretagne. La loi de 2004 relative aux libertés et responsabilités locales avait cherché à les étendre sur l'ensemble du territoire en créant les conférences des exécutifs régionaux. Les bilans réalisés au Sénat, par la mission Krattinger-Gourault ou le rapport Gourault-Guillaume, ont montré que leur succès était inégal ; ils en ont conclu à la nécessité d'une formalisation et d'une institutionnalisation de ces instances.

Le projet de loi initial du Gouvernement, néanmoins, traite peut-être trop précisément des conférences territoriales, au risque de rigidifier l'action publique locale. La commission des lois a tenu compte de ces objections ; elle a considérablement allégé le dispositif, tout en préservant l'esprit du texte initial. Elle a notamment défini un fonctionnement plus souple, susceptible de s'adapter aux spécificités territoriales. Elle a diminué l'effectif de la conférence, qu'elle jugeait excessif et peu opérationnel. Enfin, elle a prévu que ces conférences rendront des avis sur tous sujets relatifs à l'exercice des compétences et toutes questions sur la coordination ou la répartition des rôles entre collectivités territoriales, suivant des modalités qu'elles auront elles-mêmes déterminées.

Sur cet article, un seul point me semble encore mériter débat : la question de la représentation des territoires ruraux. Je suis conscient de la nécessité de limiter le nombre de personnes autour de la table, pour des motifs d'efficacité évidents. La présence systématique des présidents de région, de départements, des présidents de conseils de métropole et de communauté urbaine se justifie, compte tenu de leur caractère stratégique et des interactions que ces collectivités ont ou doivent avoir entre elles et avec les communes ou EPCI de plus petite taille. En revanche, la présence d'un représentant des communes de moins de 50 000 habitants par département ne suffit pas à représenter le monde rural. A 10 000 habitants, une commune n'est plus vraiment rurale... On nous objecte que les présidents de conseils généraux pourront porter les problématiques des territoires ruraux. Sans doute. Je pense néanmoins qu'il ne serait pas inutile que la conférence territoriale compte systématiquement un représentant de commune rurale par département, afin que le monde rural puisse exprimer ses problématiques propres. C'est le sens de l'amendement que je vous proposerai tout à l'heure.

Les conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux m'ont saisi de leur souhait de faire partie, à titre consultatif, de la conférence territoriale. Je préfère sur ce point laisser une certaine souplesse aux territoires, compte tenu du nombre déjà important de membres destinés à y siéger. Le texte précise bien qu'elle peut associer à ses travaux ou solliciter l'avis de tout élu ou organisme non représenté. Cela me paraît suffisant : aux élus locaux d'en décider.

Dans l'esprit du gouvernement, le pacte de gouvernance territoriale, objet de l'article 5, devait rassembler divers schémas d'organisation, destinés à régir les délégations de compétences entre collectivités, la création de services communs, et les modalités de coordination entre leurs actions. Ce pacte venant s'ajouter aux schémas actuels, l'on peut s'interroger sur l'utilité et la complexité de ce montage. En outre, les conséquences prévues en cas de non-adoption des schémas font douter de la constitutionnalité du dispositif au regard du principe de libre administration des collectivités. C'est la raison pour laquelle j'approuve la suppression de l'article 5 par la commission des lois.

L'article 31, dans le texte du Gouvernement, transforme de plein droit en métropoles tous les établissements publics de coopération intercommunale de plus de 400 000 habitants, au sein d'une aire urbaine de plus de 500 000 habitants, ce qui devait conduire à la création de onze nouvelles métropoles.

Ces métropoles se voient obligatoirement transférer certaines compétences additionnelles des communes, au-delà du bloc de compétences déjà fixé pour les métropoles par la loi de 2010, ainsi que certaines compétences départementales. Certaines autres compétences pourraient leur être transférées de façon facultative, par voie conventionnelle, par les départements et les régions. De même, l'Etat pourrait, à leur demande, leur transférer un ensemble indissociable de cinq compétences en matière de logement, de grands équipements et d'infrastructures.

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