Le texte que nous examinons aujourd'hui, déposé à l'Assemblée nationale le 9 avril dernier par Bruno Le Roux, Christian Eckert, Catherine Lemorton et les membres du groupe socialiste, tend à autoriser le déblocage exceptionnel de l'intéressement et de la participation.
Concrétisant l'engagement pris par le Président de la République le 28 avril dernier et complétant la stratégie de croissance du Gouvernement, il entend améliorer dans les meilleurs délais le pouvoir d'achat des français et soutenir la consommation des ménages au moment où le pays traverse l'une des plus graves crises économiques de son histoire.
Cette crise se mesure bien entendu à l'aune des statistiques économiques. Il y a quelques jours à peine, l'institut national de la statistique et des études (Insee) soulignait que les dépenses de consommation des ménages avaient diminué en 2012 pour la seconde fois depuis l'après-guerre et que le pouvoir d'achat individuel des français avait connu sa plus forte baisse depuis 1984.
Mais cette crise se mesure aussi et surtout aux difficultés financières que connaissent nos concitoyens et au désarroi que chacun d'entre nous, en tant qu'élu local, peut percevoir chez ses administrés.
A elle seule, la mesure de déblocage que je vais vous présenter ne permettra ni de faire décoller la consommation ni de rétablir la confiance. Mais elle constituera, pour ceux qui en bénéficieront, une mesure bienvenue au moment où les réformes structurelles menées par le Gouvernement au cours des douze derniers mois commencent à peine à produire leurs effets.
Le recours au déblocage anticipé de l'épargne salariale pour soutenir la consommation des ménages ne constitue pas une idée neuve : depuis 1994, pas moins de quatre déblocages exceptionnels ont été autorisés par la loi.
Le principe de ces mesures est simple : il s'agit de permettre aux salariés d'accéder à leurs primes de participation ou d'intéressement avant le terme du blocage fixé par la loi - en général cinq ans mais parfois huit ans - en bénéficiant néanmoins des exonérations d'impôt et de cotisations sociales qui leur sont associées.
Le dispositif proposé par le texte est toutefois plus ambitieux et mieux encadré que les dispositifs adoptés précédemment.
D'une part, il couvre les sommes issues de la participation et de l'intéressement quand les mesures précédentes ne concernaient que le premier régime. Seront ainsi concernées non seulement les entreprises de plus de cinquante salariés, pour lesquelles la participation constitue une obligation, mais aussi les PME et certaines TPE qui recourent plus facilement aux accords d'intéressement.
D'autre part, la mesure permet aux salariés de débloquer l'ensemble des sommes qui lui ont été attribuées au titre de la participation et de l'intéressement, quels que soient leur année de versement et l'exercice au titre duquel elles ont été attribuées. Les sommes déblocables ne sont pas limitées à celles attribuées au cours des deux années précédentes comme ce fut le cas en 1994 et 1995.
Elle autorise enfin le bénéficiaire à débloquer jusqu'à 20 000 euros, soit le double du plafond autorisé en 2004 ou en 2008 permettant ainsi de procéder à l'achat d'un véhicule ou à la réalisation de travaux conséquent dans sa résidence.
Au total et compte tenu de ses caractéristiques, le déblocage proposé concerne potentiellement plus de 4 millions de nos concitoyens et près de 90 milliards d'encours.
Si cette mesure est ambitieuse, elle reste néanmoins fermement encadrée afin de limiter les effets pervers qui pourraient lui être associés.
Afin de préserver l'épargne longue qui permet de compléter la pension de retraite de salariés souvent modestes, le dispositif exclut d'abord les sommes issues de la participation et de l'intéressement investies dans les plans d'épargne pour la retraite collectifs (Perco).
Le texte exclut ensuite du régime de déblocage les sommes placées dans des fonds solidaires. Les 2,6 milliards d'encours consacrés au financement des entreprises sociales et solidaires sont en effet indispensables à la pérennité de ces structures.
Le dernier garde-fou présent dans le texte initial concerne les conditions de déblocage des sommes affectées à l'actionnariat salarié. Si le déblocage des sommes investies sur des fonds monétaires ou diversifiés peut se faire, sans formalité préalable, sur simple demande du salarié, le déblocage des droits affectés à l'acquisition de titres de l'entreprise ou à l'acquisition de parts du fonds commun de placement d'entreprise (FCPE) d'actionnariat salarié est quant à lui conditionné à la signature d'un accord collectif afin de prendre toutes les précautions nécessaires pour ne pas fragiliser inutilement les fonds propres des entreprises concernées.
Ces précautions ont été considérablement renforcées par nos collègues députés à l'occasion de l'examen de la proposition de loi par l'Assemblée nationale.
A l'initiative du rapporteur de la commission des affaires sociales, Richard Ferrand, l'Assemblée a en effet complété le dispositif initial en « fléchant » les sommes débloquées par les salariés vers l'achat de biens et de services.
Ce faisant, le texte de la proposition de loi vise à éviter que les sommes débloquées ne soient immédiatement redirigées vers des supports d'épargne alternatifs tels que les livrets défiscalisés dont les plafonds ont récemment été augmentés. Pour mémoire, l'Insee a estimé que 70 % des sommes liées à la participation ou à l'intéressement débloquées en 2004 ont été replacées sur des supports d'épargne plus liquides ou plus rémunérateurs.
Afin de limiter cet effet d'aubaine et, mécaniquement, de concentrer l'impact du dispositif sur la consommation des ménages, l'Assemblée a prévu une procédure de contrôle allégée imposant au salarié bénéficiaire de la mesure de tenir à la disposition de l'administration les pièces justificatives attestant de l'usage des sommes débloquées.
Ce mécanisme me paraît judicieux : il évite de décourager les salariés désireux de bénéficier du déblocage par un formalisme excessif tout en étant suffisamment conditionnel pour décourager les abus.
Nos collègues députés ont par ailleurs apporté d'autres modifications au texte dont la portée me semble plus limitée. Ils ont ainsi précisé les conditions de déblocage des sommes attribuées au titre de l'intéressement placées sur un plan d'épargne entreprise (PEE) mis en place à l'initiative de l'employeur, défini une période allant du 1er juillet au 31 décembre pour le déblocage exceptionnel de la participation et de l'intéressement et prévu le dépôt, par le Gouvernement, d'un rapport réalisant le bilan de la mesure dans le délai d'un an après son adoption.
Cette dernière mesure nous permettra sans doute, et pour la première fois depuis vingt ans, de disposer dans les mois qui viennent de données fiables sur l'effet d'un tel déblocage.
En guise de conclusion, je souhaiterais indiquer que ce déblocage exceptionnel est une mesure circonstancielle qui appelle des réformes plus profondes de notre système d'épargne salariale.
A cet égard, Benoit Hamon, ministre de l'économie sociale et solidaire et de la consommation, a annoncé à l'occasion du débat sur le texte à l'Assemblée nationale l'installation prochaine du Conseil d'orientation de la participation, de l'intéressement, de l'épargne salariale et de l'actionnariat des salariés (Copiesas) institué par la loi du 3 décembre 2008.
Resté depuis sa création au stade de l'intention, ce conseil sera chargé de faire des propositions sur une réforme globale de l'épargne salariale. Ces réformes concerneront sans doute la simplification des dispositifs d'épargne salariale, l'élargissement du nombre de leurs bénéficiaires et la mobilisation des fonds qu'ils contiennent en faveur de l'investissement productif.
Dans l'attente de ces nouvelles échéances et compte tenu des préoccupations immédiates de nos concitoyens en matière de pouvoir d'achat, je vous propose d'approuver cette proposition de loi dans la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale.