Je suis ravie de présenter ce troisième plan devant votre commission. Je connais votre engagement sur ce sujet, j'ai pu l'apprécier lors du colloque qui s'est tenu le 6 décembre dernier au Sénat.
Ce plan est le fruit d'une large concertation. Notre pays souffre d'un retard important dans l'accompagnement des personnes autistes, notamment en matière de dépistage précoce et de prise en charge. Je n'ai pu rendre public le plan que le 2 mai et non le 2 avril, journée mondiale de l'autisme, car j'attendais les ultimes arbitrages budgétaires. Je remercie les nombreux parlementaires qui sont intervenus pour que je les obtienne.
Ce plan avait été prévu par le gouvernement précédent et je l'ai trouvé dans les tiroirs à mon arrivée. J'ai d'abord souhaité dresser un état des lieux et reprendre la réflexion car le nouveau plan avait à mon sens été annoncé un peu trop vite et risquait de trop ressembler au précédent. Comme j'ai eu l'occasion de le dire à Valérie Létard, et j'aurais pu faire de même auprès de Roselyne Bachelot, dans sa dernière version, le plan généralise des expériences qui avaient été lancées dans le 2e plan, mais il va plus loin, ce qui est normal.
J'ai pu constater le désarroi des familles et des proches, j'ai rencontré des professionnels démunis, faute de moyens, face à cette maladie déroutante qui suscite bien des passions et ne laisse personne indifférent. Le Gouvernement entend répondre à la détresse de ces personnes et à l'exigence de solidarité. Il s'agit de redonner espoir et réconfort. Ce plan mobilise 205,5 millions d'euros, soit 18 millions de plus que le précédent : c'est un effort considérable. Les recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS) et de l'Agence nationale de l'évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (Anesm) en constitueront la ligne directrice. Je souhaite mettre fin à la stigmatisation des familles, due à l'incompréhension. Je ne condamne aucune approche. La guerre entre partisans de la psychanalyse et partisans des méthodes comportementale et développementale doit cesser, même si les secondes seront privilégiées en application des recommandations de la HAS. Tous les leviers seront mis en oeuvre pour les appliquer.
Ce plan se décline en cinq axes. Le premier concerne le développement du diagnostic précoce, dès l'âge de dix-huit mois afin de donner une chance à certains enfants de mieux s'intégrer dans la société. Notre retard est considérable.
Un premier réseau d'alerte aura pour mission de détecter les premiers troubles. Il mobilisera les acteurs de la petite enfance, la médecine de ville, les services de la protection maternelle et infantile des départements. La formation initiale sera renforcée ainsi que la formation continue grâce à un module spécialisé. Tout le monde ne deviendra pas un spécialiste de l'autisme mais tout le monde saura en percevoir les signes. Le carnet de santé sera réformé : à partir du 1er janvier 2015, il comportera des cases pour le repérage de l'autisme.
Un réseau de diagnostic simple sera installé autour des centres d'action médico-sociale précoce (Camsp). Et 310 postes seront créés dans les structures qui mettront en oeuvre des diagnostics précoces conformément aux recommandations de la HAS. Le personnel sera formé et le réseau doté de 14 millions d'euros supplémentaires pour financer les créations.
Un troisième réseau, de diagnostic complexe, associera les centres ressource autisme (CRA) et au moins une équipe experte d'un CHU. Il y aura un centre par région. Une enveloppe supplémentaire de 3 millions d'euros sera affectée aux CRA. Certains fonctionnent déjà selon des méthodes ouvertes et modernes. Un comité des usagers sera créé au sein de chaque CRA, où siègeront les familles : cela ne plaira pas à tout le monde mais c'est une garantie du respect des bonnes pratiques et de la loi de 2005.
Ce dispositif sera complété par un réseau de prise en charge précoce et intensive. Des pôles régionaux d'intervention très précoces regrouperont des Camsp rénovés et renforcés et de nouveaux services d'éducation spéciale et de soins à domicile (Sessad) dédiés, qui bénéficieront de l'ouverture de 300 places nouvelles soit un budget de 9 millions d'euros, tandis que 3 millions seront consacrés à la création de quarante nouveaux postes de médecins chefs en Camsp. Au sein des écoles maternelles, des unités d'enseignement associeront enseignants et unités médico-sociales : une unité par académie dès la rentrée prochaine, avec l'objectif d'en créer une par département d'ici à cinq ans. L'effort est considérable : 700 places seront créées sur la durée du plan, grâce au concours de l'Education nationale, soit un budget annuel supplémentaire de 34 millions d'euros consacré à l'accueil des enfants en maternelle, car il faut financer les interventions des équipes médico-sociales.
Le deuxième axe est le renforcement de l'accompagnement tout au long de la vie. Faute d'un tel accompagnement, les familles qui financièrement peuvent l'assumer placent leurs enfants dans des structures à l'étranger. Pour les autres, une inégalité sociale s'ajoute au handicap. Ce sont 550 nouvelles places qui seront ouvertes en Sessad pour favoriser la scolarisation en milieu ordinaire après la maternelle, pour un coût de 16,5 millions d'euros.
Pour les adultes, il s'agit d'éviter les solutions non pertinentes, maintien dans des structures pour enfants ou hôpital psychiatrique. Au total, 1 500 places seront créées : 500 dans des maisons d'accueil spécialisées (MAS) et 1 000 dans des foyers d'accueil médicalisés (FAM). Le diagnostic des adultes pris en charge en psychiatrie et dans des établissements spécialisés ainsi que celui des personnes accompagnées à domicile sera généralisé. Les collectivités territoriales participeront au dispositif.
Les structures existantes seront renforcées et transformées : 800 postes seront créés, pour un budget de 41 millions, au sein des établissements médico-sociaux, en contrepartie d'engagements contractuels précis respectant les préconisations de l'HAS.
Le troisième axe est consacré à l'aide aux familles, fortement éprouvées, souvent seules pour prendre en charge leurs enfants. Elles réclament des structures de répit, où placer leur enfant à titre temporaire, le temps de se reposer. Il en existe quarante seulement aujourd'hui, nous en créerons 300, pour une dépense supplémentaire de 14 millions. Nous renforçons également le réseau des CRA, en assurant l'harmonisation des pratiques dans le sens des préconisations de la HAS et en associant les usagers. L'Association nationale des CRA (Ancra) sera chargée d'un site internet dédié à l'autisme, qui centralisera les informations, nombre de places libres dans les diverses structures, point de la recherche, etc. Elle pilotera, en partenariat avec les associations et conformément à un cahier des charges, la formation des aidants familiaux. Un million d'euros y sera consacré. Les CRA renouvelés constitueront le pivot de l'accueil et de l'aide aux parents.
Le quatrième axe est le développement de la recherche. En partenariat avec Genevière Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, des pistes prioritaires de recherche ont été dégagées : recherches sur les origines et les mécanismes de l'autisme, renforcement des capacités de diagnostic précoce, évaluation des traitements, inclusion sociale, troubles de l'attention, de l'apprentissage, du langage.
Enfin le dernier axe concerne la formation. Tout d'abord, une attention particulière sera portée à la formation des professionnels de santé avec l'introduction de modules de formation dans les cursus de formation initiale des médecins. Ceux-ci sont en cours de finalisation par les ministères de la santé et de l'enseignement supérieur. Un plan national de formation continue des personnels en exercice à domicile ou en établissements médico-sociaux a été également élaboré, en partenariat avec le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) et avec les organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) ; 5 000 professionnels seront formés pour un coût supplémentaire d'un million d'euros. Les associations souhaitent que nous avancions vite dans la formation, la réussite de l'ensemble du plan en dépend. La communauté éducative ne sera pas oubliée : la formation initiale inclura un module sur les troubles cognitifs et comportementaux, afin que les enseignants sachent comment réagir, et sur le travail en partenariat afin de renforcer l'efficacité du réseau d'alerte.
Ainsi, ce plan est ambitieux. Il ne pourra à lui seul combler un retard de quarante ans. Mais il tourne la page d'une période de mainmise éhontée de la psychanalyse sur l'autisme. Je le dis sans passion car je ne veux pas rallumer la guerre.
Nous tiendrons - et au-delà - les engagements pris dans le deuxième plan, dont l'exécution n'est pas terminée. Les appels d'offre ont été lancés et la demande est plus forte que prévue. Il restera 1 170 places à créer, soit une dépense de 26 millions supplémentaires, ce qui porte l'effort total à 231,5 millions.
Un mot sur la gouvernance. J'assurerai le pilotage du plan au niveau national. Le secrétariat général du comité interministériel pour le handicap sera chargé du suivi technique, une personne étant affectée spécifiquement au suivi du plan autisme. Les associations et les familles seront associées. Un comité de suivi, issu du groupe ad hoc de concertation créé pour l'élaboration de ce troisième plan, rassemblant des parlementaires, des techniciens, des représentants des familles, se réunira tous les trimestres. Le comité national de l'autisme se réunira régulièrement. Le conseil national consultatif des personnes handicapées dressera un bilan de l'exécution du plan chaque année.
Au niveau local, le plan sera décliné par les agences régionales de santé (ARS) : chaque agence en assurera le suivi en concertation avec les instances existantes. Un plan d'action régional pour l'autisme sera élaboré, en cohérence avec les autres schémas régionaux ; y seront associées les familles et les collectivités territoriales. Je rencontrerai demain les directeurs des ARS et leur donnerai mes consignes. A vous ensuite de voir, concrètement, si vous obtenez les informations auprès d'elles. J'attendrai vos observations pour apprécier l'efficacité du plan et évaluer le degré d'association des collectivités.
Je suis à votre disposition, si le Parlement exige tous les ans un bilan du plan, notre action sera stimulée. Ce plan me tient à coeur. Les associations veulent aller plus loin, c'est normal, mais elles apprécient que ce plan tourne enfin une page et mette en oeuvre les préconisations de la HAS.