Au cours d'une seconde réunion tenue dans l'après-midi, la commission procède à l'audition de Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargé des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion, sur le troisième plan autisme (2013-2017).
Nous accueillons Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion, pour nous présenter le troisième plan autisme, qui couvrira les années 2013 à 2017 et qui a été rendu public le 2 mai dernier.
La prise en charge de l'autisme constitue une préoccupation forte de notre commission. Même si des progrès ont été accomplis en termes de diagnostic et d'accompagnement depuis la reconnaissance, en 1995, de l'autisme comme handicap, les attentes des familles demeurent immenses et l'annonce d'un troisième plan, en juillet dernier, a suscité beaucoup d'espoir.
Les cinq axes du plan - le diagnostic précoce, l'accompagnement tout au long de la vie, le soutien aux familles, l'effort de recherche et la formation des professionnels -correspondent aux priorités que nous avions identifiées à l'occasion du colloque sur l'autisme qui s'est tenu au Sénat, sous l'égide de notre commission, le 6 décembre dernier et au cours duquel, madame la ministre, vous êtes intervenue.
Certaines associations ont néanmoins fait part de leur déception ou de leur inquiétude quant aux mesures annoncées et aux moyens présentés. Madame la ministre, pouvez-vous nous apporter les éclairages et les précisions de nature à répondre à ces interrogations ?
Je suis ravie de présenter ce troisième plan devant votre commission. Je connais votre engagement sur ce sujet, j'ai pu l'apprécier lors du colloque qui s'est tenu le 6 décembre dernier au Sénat.
Ce plan est le fruit d'une large concertation. Notre pays souffre d'un retard important dans l'accompagnement des personnes autistes, notamment en matière de dépistage précoce et de prise en charge. Je n'ai pu rendre public le plan que le 2 mai et non le 2 avril, journée mondiale de l'autisme, car j'attendais les ultimes arbitrages budgétaires. Je remercie les nombreux parlementaires qui sont intervenus pour que je les obtienne.
Ce plan avait été prévu par le gouvernement précédent et je l'ai trouvé dans les tiroirs à mon arrivée. J'ai d'abord souhaité dresser un état des lieux et reprendre la réflexion car le nouveau plan avait à mon sens été annoncé un peu trop vite et risquait de trop ressembler au précédent. Comme j'ai eu l'occasion de le dire à Valérie Létard, et j'aurais pu faire de même auprès de Roselyne Bachelot, dans sa dernière version, le plan généralise des expériences qui avaient été lancées dans le 2e plan, mais il va plus loin, ce qui est normal.
J'ai pu constater le désarroi des familles et des proches, j'ai rencontré des professionnels démunis, faute de moyens, face à cette maladie déroutante qui suscite bien des passions et ne laisse personne indifférent. Le Gouvernement entend répondre à la détresse de ces personnes et à l'exigence de solidarité. Il s'agit de redonner espoir et réconfort. Ce plan mobilise 205,5 millions d'euros, soit 18 millions de plus que le précédent : c'est un effort considérable. Les recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS) et de l'Agence nationale de l'évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (Anesm) en constitueront la ligne directrice. Je souhaite mettre fin à la stigmatisation des familles, due à l'incompréhension. Je ne condamne aucune approche. La guerre entre partisans de la psychanalyse et partisans des méthodes comportementale et développementale doit cesser, même si les secondes seront privilégiées en application des recommandations de la HAS. Tous les leviers seront mis en oeuvre pour les appliquer.
Ce plan se décline en cinq axes. Le premier concerne le développement du diagnostic précoce, dès l'âge de dix-huit mois afin de donner une chance à certains enfants de mieux s'intégrer dans la société. Notre retard est considérable.
Un premier réseau d'alerte aura pour mission de détecter les premiers troubles. Il mobilisera les acteurs de la petite enfance, la médecine de ville, les services de la protection maternelle et infantile des départements. La formation initiale sera renforcée ainsi que la formation continue grâce à un module spécialisé. Tout le monde ne deviendra pas un spécialiste de l'autisme mais tout le monde saura en percevoir les signes. Le carnet de santé sera réformé : à partir du 1er janvier 2015, il comportera des cases pour le repérage de l'autisme.
Un réseau de diagnostic simple sera installé autour des centres d'action médico-sociale précoce (Camsp). Et 310 postes seront créés dans les structures qui mettront en oeuvre des diagnostics précoces conformément aux recommandations de la HAS. Le personnel sera formé et le réseau doté de 14 millions d'euros supplémentaires pour financer les créations.
Un troisième réseau, de diagnostic complexe, associera les centres ressource autisme (CRA) et au moins une équipe experte d'un CHU. Il y aura un centre par région. Une enveloppe supplémentaire de 3 millions d'euros sera affectée aux CRA. Certains fonctionnent déjà selon des méthodes ouvertes et modernes. Un comité des usagers sera créé au sein de chaque CRA, où siègeront les familles : cela ne plaira pas à tout le monde mais c'est une garantie du respect des bonnes pratiques et de la loi de 2005.
Ce dispositif sera complété par un réseau de prise en charge précoce et intensive. Des pôles régionaux d'intervention très précoces regrouperont des Camsp rénovés et renforcés et de nouveaux services d'éducation spéciale et de soins à domicile (Sessad) dédiés, qui bénéficieront de l'ouverture de 300 places nouvelles soit un budget de 9 millions d'euros, tandis que 3 millions seront consacrés à la création de quarante nouveaux postes de médecins chefs en Camsp. Au sein des écoles maternelles, des unités d'enseignement associeront enseignants et unités médico-sociales : une unité par académie dès la rentrée prochaine, avec l'objectif d'en créer une par département d'ici à cinq ans. L'effort est considérable : 700 places seront créées sur la durée du plan, grâce au concours de l'Education nationale, soit un budget annuel supplémentaire de 34 millions d'euros consacré à l'accueil des enfants en maternelle, car il faut financer les interventions des équipes médico-sociales.
Le deuxième axe est le renforcement de l'accompagnement tout au long de la vie. Faute d'un tel accompagnement, les familles qui financièrement peuvent l'assumer placent leurs enfants dans des structures à l'étranger. Pour les autres, une inégalité sociale s'ajoute au handicap. Ce sont 550 nouvelles places qui seront ouvertes en Sessad pour favoriser la scolarisation en milieu ordinaire après la maternelle, pour un coût de 16,5 millions d'euros.
Pour les adultes, il s'agit d'éviter les solutions non pertinentes, maintien dans des structures pour enfants ou hôpital psychiatrique. Au total, 1 500 places seront créées : 500 dans des maisons d'accueil spécialisées (MAS) et 1 000 dans des foyers d'accueil médicalisés (FAM). Le diagnostic des adultes pris en charge en psychiatrie et dans des établissements spécialisés ainsi que celui des personnes accompagnées à domicile sera généralisé. Les collectivités territoriales participeront au dispositif.
Les structures existantes seront renforcées et transformées : 800 postes seront créés, pour un budget de 41 millions, au sein des établissements médico-sociaux, en contrepartie d'engagements contractuels précis respectant les préconisations de l'HAS.
Le troisième axe est consacré à l'aide aux familles, fortement éprouvées, souvent seules pour prendre en charge leurs enfants. Elles réclament des structures de répit, où placer leur enfant à titre temporaire, le temps de se reposer. Il en existe quarante seulement aujourd'hui, nous en créerons 300, pour une dépense supplémentaire de 14 millions. Nous renforçons également le réseau des CRA, en assurant l'harmonisation des pratiques dans le sens des préconisations de la HAS et en associant les usagers. L'Association nationale des CRA (Ancra) sera chargée d'un site internet dédié à l'autisme, qui centralisera les informations, nombre de places libres dans les diverses structures, point de la recherche, etc. Elle pilotera, en partenariat avec les associations et conformément à un cahier des charges, la formation des aidants familiaux. Un million d'euros y sera consacré. Les CRA renouvelés constitueront le pivot de l'accueil et de l'aide aux parents.
Le quatrième axe est le développement de la recherche. En partenariat avec Genevière Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, des pistes prioritaires de recherche ont été dégagées : recherches sur les origines et les mécanismes de l'autisme, renforcement des capacités de diagnostic précoce, évaluation des traitements, inclusion sociale, troubles de l'attention, de l'apprentissage, du langage.
Enfin le dernier axe concerne la formation. Tout d'abord, une attention particulière sera portée à la formation des professionnels de santé avec l'introduction de modules de formation dans les cursus de formation initiale des médecins. Ceux-ci sont en cours de finalisation par les ministères de la santé et de l'enseignement supérieur. Un plan national de formation continue des personnels en exercice à domicile ou en établissements médico-sociaux a été également élaboré, en partenariat avec le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) et avec les organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) ; 5 000 professionnels seront formés pour un coût supplémentaire d'un million d'euros. Les associations souhaitent que nous avancions vite dans la formation, la réussite de l'ensemble du plan en dépend. La communauté éducative ne sera pas oubliée : la formation initiale inclura un module sur les troubles cognitifs et comportementaux, afin que les enseignants sachent comment réagir, et sur le travail en partenariat afin de renforcer l'efficacité du réseau d'alerte.
Ainsi, ce plan est ambitieux. Il ne pourra à lui seul combler un retard de quarante ans. Mais il tourne la page d'une période de mainmise éhontée de la psychanalyse sur l'autisme. Je le dis sans passion car je ne veux pas rallumer la guerre.
Nous tiendrons - et au-delà - les engagements pris dans le deuxième plan, dont l'exécution n'est pas terminée. Les appels d'offre ont été lancés et la demande est plus forte que prévue. Il restera 1 170 places à créer, soit une dépense de 26 millions supplémentaires, ce qui porte l'effort total à 231,5 millions.
Un mot sur la gouvernance. J'assurerai le pilotage du plan au niveau national. Le secrétariat général du comité interministériel pour le handicap sera chargé du suivi technique, une personne étant affectée spécifiquement au suivi du plan autisme. Les associations et les familles seront associées. Un comité de suivi, issu du groupe ad hoc de concertation créé pour l'élaboration de ce troisième plan, rassemblant des parlementaires, des techniciens, des représentants des familles, se réunira tous les trimestres. Le comité national de l'autisme se réunira régulièrement. Le conseil national consultatif des personnes handicapées dressera un bilan de l'exécution du plan chaque année.
Au niveau local, le plan sera décliné par les agences régionales de santé (ARS) : chaque agence en assurera le suivi en concertation avec les instances existantes. Un plan d'action régional pour l'autisme sera élaboré, en cohérence avec les autres schémas régionaux ; y seront associées les familles et les collectivités territoriales. Je rencontrerai demain les directeurs des ARS et leur donnerai mes consignes. A vous ensuite de voir, concrètement, si vous obtenez les informations auprès d'elles. J'attendrai vos observations pour apprécier l'efficacité du plan et évaluer le degré d'association des collectivités.
Je suis à votre disposition, si le Parlement exige tous les ans un bilan du plan, notre action sera stimulée. Ce plan me tient à coeur. Les associations veulent aller plus loin, c'est normal, mais elles apprécient que ce plan tourne enfin une page et mette en oeuvre les préconisations de la HAS.
Qu'attendez-vous des conseils généraux, déjà responsables des schémas départementaux d'autonomie des personnes en situation de handicap, dans la mise en oeuvre de ce plan, bien que la prise en charge de l'autisme ne relève pas strictement de leurs compétences ?
Madame la ministre, je salue ce plan ambitieux qui répondra à de nombreuses attentes des familles. Ses cinq axes témoignent que vous les avez écoutées. Les familles, parfois obligées de se tourner vers l'étranger, sont, en effet, les plus compétentes sur le sujet. Nous devons rattraper un retard de quarante ans.
L'effort budgétaire est à la hauteur des objectifs, tout en permettant de financer les engagements du plan précédent : 1 170 places à créer, ce n'est pas rien.
Tout le monde est conscient de l'importance du diagnostic précoce. Je salue également le choix de tenir compte des recommandations de la HAS et de s'appuyer sur des approches diversifiées, fondées sur les méthodes comportementale et développementale, et non plus simplement l'approche psychanalytique. Pendant des années les familles, et notamment les mères, ont été stigmatisées et en ont souffert.
La formation est très attendue par les professionnels médicaux et médico-sociaux : les médecins la réclament car ils sont démunis quand ils reçoivent des parents avec leur enfant autiste.
Merci pour votre engagement et votre volonté de mettre en place des moyens adaptés aux attentes.
Je salue votre fougue, madame la ministre. L'autisme est toutefois mal connu. Il sera difficile de former les professionnels.
Un enfant sur 150 naît autiste ou avec des troubles envahissants du développement. C'est considérable, au point que l'on doute du chiffre !
C'est pourtant celui donné par la HAS.
Personne ne sait quels traitements mettre en place. Les enfants souffrent et les familles sont désemparées. Je soutiens votre plan, même s'il est coûteux. Les parlementaires vous aideront.
Pardonnez cette préoccupation terre à terre, mais président du conseil général de la Marne, j'ai créé un établissement par an, dans le cadre du schéma départemental pour l'autonomie des personnes handicapées. Cela représente, pour quarante places nouvelles, un budget supplémentaire de 1,2 million d'euros par an, partiellement pris en charge par la sécurité sociale au titre du forfait de soins. Mais deux ans après l'ouverture des établissements, l'ARS annonce qu'elle n'a plus les moyens de continuer à payer le même niveau de forfait.
Les départements sont en difficulté, ils ne pourront hélas pas vous accompagner au niveau que vous espérez : ils contribuent déjà à financer les Camsp, les foyers d'accueil médicalisés (FAM), les foyers de vie, les Sessad, les services d'accompagnement médico-social de personnes adultes handicapées (Samsah), etc. Vous êtes-vous battue pour que de nouveaux financements soient versés aux collectivités territoriales au titre de la lutte contre les discriminations ?
L'Inspection générale des affaires sociales (Igas), dans son rapport, préconise de simplifier les financements : les Camsp comme les FAM devraient être financés en totalité par l'Etat, afin que les départements se concentrent sur l'action médico-sociale, celle qu'ils maîtrisent le mieux. Qu'en pensez-vous ?
En outre, l'échelon régional n'est pas le plus pertinent pour mener des actions médico-sociales, même s'il l'est davantage pour mener une politique sanitaire grâce aux CHU.
Vous avez évoqué la Belgique. En Haute-Marne, nous sommes à quelques encablures de ce pays : soixante-dix personnes handicapées originaires de chez nous sont accueillies là-bas. Il m'a d'abord semblé pertinent de créer deux établissements de quarante personnes dans mon département pour les héberger tout en créant des emplois sur place. Toutefois, en Belgique, la psychiatrie est fondée sur une approche généraliste, à la différence de la France, où prévaut une approche spécialisée par handicap. C'est bien pourquoi les familles ne souhaitaient pas un retour en France : nous ne savons pas prendre en charge le polyhandicap et n'avons pas de solutions adéquates à offrir.
Enfin plaidez, lors de l'acte III de la décentralisation, pour l'intégration des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) aux services des départements : les coûts seront rationalisés et les moyens dégagés nous rendrons plus efficaces à vos côtés.
Je salue ce plan général, ambitieux et cohérent, du diagnostic jusqu'au soutien des familles et la formation. Les personnes devront être formées au repérage des signes d'alerte. Les assistantes maternelles, les professionnels de la petite enfance sont formés à l'observation. Leurs remarques avisées pourront être intégrées aux diagnostics.
Ce plan met fin à la mainmise de la psychiatrie, mais les MDPH pourront-elles aider, grâce à l'allocation compensatrice aux personnes handicapées, les familles qui recourent à des méthodes comportementales ? Certains départements sont très réticents car ces structures ne sont pas reconnues.
Depuis l'annonce du plan, les psychiatres et les pédopsychiatres sont inquiets. Pourtant ce plan ne leur retire aucune compétence et vise simplement à encourager les méthodes comportementales.
La gouvernance de ce plan, excellent au demeurant, est très complexe. Son aspect interministériel complique les choses.
Quelle sera l'articulation entre le plan d'action régional pour l'autisme, les projets régionaux de santé et les schémas d'organisation médico-sociaux ? Ce plan se fondra-t-il dans le plan global ? Les spécificités locales seront-elles reconnues ? Les MDPH opèrent dans le cadre du département. Quelle sera l'articulation entre les niveaux régional et départemental, national et régional ? Comment seront réalisés les arbitrages financiers ?
Les places supplémentaires que vous évoquez seront-elles accompagnées de créations de postes ?
Autre question, qui touche au débat en cours sur la refondation de l'école, vous avez évoqué la création d'une unité d'enseignement en maternelle par académie puis une par département, avec la participation de l'éducation nationale. Concrètement, comment fonctionneront ces unités ? Seront-elles des lieux d'accueil des enfants ? Des équipes de professionnels se déplaceront-elles pour intervenir dans les divers établissements ? Avec Claire-Lise Campion, nous interrogerons Vincent Peillon à ce sujet en séance.
Enfin, ce troisième plan autisme, avez-vous dit, tourne une page. Nous avions senti les tensions entre différentes écoles et méthodes, lors de notre colloque. Envisagez-vous le maintien des structures expérimentales qui donnent satisfaction aux parents, voire leur transformation en structures définitives ?
Madame la présidente, des places seront créées dans les structures existantes afin de les renforcer. A celles-ci, s'ajouteront celles prévues dans le deuxième plan autisme ainsi que les 1 500 places pour les adultes décidées dans ce troisième plan. Qui dit création de places, dit créations de postes et celles-ci sont bien sûr prévues dans le budget global.
Les unités d'enseignement en maternelle - nous ouvrirons 700 places - correspondent à de toutes petites classes au sein de l'école, où des enfants autistes seront pris en charge par une équipe médico-sociale qui viendra en appui d'un enseignant de droit commun. Dès la rentrée 2014, une unité sera mise en place par académie, soit une trentaine au total. Cela est acté avec Vincent Peillon.
Les expérimentations, qui était au nombre de vingt-trois à vingt-cinq dans le précédent plan, seront généralisées, après expertise : voilà l'objectif.
Madame Meunier, si les pédopsychiatres et les psychanalystes sont inquiets, ils ont peut-être raison : nous ne leur retirons rien, dites-vous... Sauf le monopole qu'ils détiennent aujourd'hui, et c'est déjà beaucoup. Du reste, certains sont ouverts au travail en commun ; M. Marcel Rufo, que j'ai rencontré lors d'un colloque, est désormais partant.
Madame Bruguière, oui, un nouveau-né sur 150 est concerné par l'autisme, le chiffre est donné par la HAS. A dire vrai, nous connaissons mal la réalité du phénomène. Notre pays compterait 150 000 à 600 000 autistes, dont 75 000 diagnostiqués et seulement 13 000 pris en charge dans des structures dédiées. D'après l'Igas, 60 000 à 65 000 adultes hospitalisés dans des établissements psychiatriques pour des longs séjours seraient des autistes ; c'est exorbitant et, donc, troublant.
Madame Campion, la formation à l'autisme, effectivement, ne sera pas une mince affaire. Lors du premier comité de suivi en juin, une équipe de projet sera désignée pour revoir le cahier des charges des formations initiale et continue ainsi que celui du triptyque : repérage, dépistage et intervention. L'objet est, non de privilégier une approche, mais d'offrir un panel de méthodes, depuis Teacch, en passant par Denver, ABA jusqu'à PECS. De fait, ABA convient aux enfants de trois à quatre ans qui n'oralisent pas encore ; ensuite, il faut passer à autre chose. Les référentiels métiers pour les travailleurs sociaux seront bâtis en coopération avec la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) et les OPCA. Des modules seront mis en place dès le deuxième semestre 2014. Pas de formations complémentaires dédiées aux professionnels en exercice sans remplaçants dans les établissements. Nous y pourvoirons et quelque 800 personnes bénéficieront ainsi de ce programme qui sera organisé par la CNSA dès la fin de l'année 2013.
Concernant le repérage et le diagnostic, un sujet sur lequel nous sommes très attendus par les associations, seuls des psychanalystes intervenaient dans les Camsp, quoique celui de Gonesse, que nous avons visité, mène déjà un travail pluridisciplinaire remarquable en lien avec l'éducation nationale et les services de la PMI. Une enveloppe d'un million d'euros, par redéploiement, servira à financer le développement des outils ADI et ADOS et la formation de 1 000 praticiens de proximité. Les CRA sont embolisés : il faut attendre plus d'un an pour un diagnostic. Un rétro-planning est prévu ; il faut mettre en mouvement le ministère et les ARS afin de s'assurer d'avoir des formateurs en nombre suffisant : c'est le grand défi.
Madame Meunier, ce plan n'a pas pour but d'organiser le parcours privé de la personne dans le cadre de la prestation de compensation du handicap (PCH) ; nous avons voulu réformer les structures d'accueil collectives. C'est un autre problème.
Aux présidents de conseil général qui se sont exprimés, MM. Labazée et Savary, je veux dire qu'il n'est pas question de recentraliser les foyers d'accueil médicalisés (FAM) et les Camsp. En revanche, nous envisageons une réforme de la tarification dans les FAM, comme dans tous les établissements d'ailleurs, dans le cadre de la modernisation de l'action publique (MAP). Je vous donnerai davantage d'informations quand nous y verrons plus clair. L'acte III de la décentralisation devait être l'occasion, à mon sens, d'aller jusqu'au bout sur les MDPH ; les associations considérant ce projet d'un très mauvais oeil, j'ai dû faire marche arrière. La réforme ayant été divisée en trois parties, cela nous laissera du temps pour les convaincre et expliquer aux départements qu'ils y gagneront en marges de manoeuvre et en économies. Il y a là des enjeux de pouvoir...
Laissez le choix aux départements et faites-en une compétence optionnelle. Quant aux grandes associations nationales, rappelez-leur qu'elles ont des déclinaisons locales qui négocieront avec les conseils généraux.
C'est vrai : toutes les grandes fédérations ont des déclinaisons locales !
Dans mon département des Bouches-du-Rhône, nous avons de très bonnes relations avec les associations ; nous avons créé ensemble « Parcours ». La situation est très différente au niveau national, les têtes de réseau craignant de perdre du pouvoir.
Dans les Pyrénées-Atlantiques, le département rémunère deux chargés de mission pour effectuer un travail de repérage dans les PMI et les maternelles : pourtant le département n'exerce pas de compétence sur l'autisme.
Ne vous inquiétez pas, je sais que la politique ne se mène pas uniquement au niveau central, que nos territoires sont riches et ont des propositions à faire, et que la proximité est toujours un plus. Mais ce n'est pas le moment d'ouvrir cette discussion.
Nous devons régler la question de la prise en charge des personnes placées dans un établissement étranger. L'assurance maladie le rembourse très bien, au point que des réseaux commerciaux sont apparus pour créer et exploiter des « boîtes à Français ». Lors du conseil des ministres de ce matin, j'ai présenté un projet de ratification d'un accord-cadre avec la Wallonie. Nous devons mieux connaître les conditions d'accueil des autistes là-bas. Et puis, sans être protectionniste, créons des emplois chez nous, pour nous occuper des autistes plutôt que de les envoyer ailleurs ! Cela dit, l'accord-cadre ne couvre pas les adultes polyhandicapés, ni les enfants scolarisés handicapés. Trois familles dans mon département des Bouches-du-Rhône, pourtant très éloigné de la Belgique, y ont envoyé leur enfant. Hélas, parents et enfants ne doivent pas se voir souvent.
Les ARS, et je ne suis pas l'auteur de cette réforme, sont régionales. Les conseils généraux doivent être présents dans la déclinaison territoriale. Il faudra veiller au rééquilibrage des places, les situations sont très différentes d'un département à l'autre.
Vous devez être partie prenante du rattrapage des 1 000 et quelque places. J'espère votre participation financière ; ne hurlez pas, elle sera question de votre volonté politique et de votre capacité financière, bien entendu. L'ADF ne s'y oppose pas. Le cadre restera inchangé : 20 % pour les Camsp et 60 % pour les FAM.
La gouvernance nationale, sous l'autorité du ministère, sera assurée par un comité de suivi qui réunira tous les trimestres associations, parlementaires et administrations pilotes des trente-sept mesures du plan. Il établira le planning du trimestre à venir et s'assurera que les actions prévues ont été engagées. Au niveau régional, l'ARS, en lien avec les associations comme le veut la loi HPST, devra établir un plan régional en septembre. Cela alimentera la réforme de l'existant organisée par la CNSA, qui s'appuiera également sur les listes d'attente dans les régions. A partir de là, nous phaserons les créations de places dans les foyers d'accueil médicalisés et les services d'accompagnement médico-social de personnes adultes handicapées.
La répartition se fera de manière mécanique en fonction de critères...
C'est le Priac qu'il faut changer ! Le programme interdépartemental d'accompagnement des handicaps et de la perte d'autonomie aboutit à un nivellement par le bas ; les conseils généraux en avance, et il y en a toujours, sont pénalisés. Départementalisons la réflexion.
Ce sera d'autant plus facile que ce n'est pas vous qui avez créé le Priac... La même logique vaut pour les crédits de la CNSA : revenons à l'objectif initial, c'est-à-dire à la prise en charge de la dépendance. Après un rapide calcul, les créations de place coûteront environ 180 à 200 millions chaque année, puisque le ratio entre accompagnant et accompagné est compris entre 0,8 et 1.
Je me suis sans doute mal exprimée : nous prévoyons 205,5 millions de dépenses supplémentaires annuelles sur l'Ondam, dont 195 millions sur l'Ondam médico-social. Une place en foyer d'accueil médicalisé coûtera environ 80 000 euros, mais à partir de 2017, car lancer les appels d'offre, entre autres, prend du temps. Ce plan n'aurait pu être élaboré sans l'aide de la CNSA, qui s'est énormément engagée.
Espérons que la caisse ne prendra pas sur les autres enveloppes et, en particulier, celle des départements.