Déposé au Sénat le 10 avril dernier, le projet de loi a été adopté la semaine dernière par la commission des lois, saisie au fond, qui l'a largement amendé. Pour ma part, c'est la première fois que je suis appelé à exercer la responsabilité de rapporteur sur un projet de loi et j'y ai trouvé un grand intérêt. Le contexte entourant le présent texte est bien connu : le 3 juillet 2012, lors de sa déclaration de politique générale devant l'Assemblée nationale, le Premier ministre avait déclaré que la démocratie locale serait renforcée, au travers d'un nouvel acte de la décentralisation, qui fera l'objet d'une large consultation. Sous l'égide du président Jean-Pierre Bel, le Sénat avait lancé, dès décembre 2011, les états généraux de la démocratie territoriale, qui ont permis de recueillir la parole des élus locaux, leurs attentes et leurs propositions pour l'avenir de nos territoires.
Le 10 avril dernier, le Gouvernement a donc déposé trois projets de loi visant à réformer l'administration locale : le projet de loi sur les métropoles, que nous examinons aujourd'hui, le projet de loi de mobilisation des régions pour la croissance et l'emploi et de promotion de l'égalité des territoires, et le projet de loi de développement des solidarités territoriales et de la démocratie locale.
Je salue le souhait du Gouvernement de renforcer et de clarifier les compétences des collectivités territoriales, ce qui constitue une preuve de confiance à l'égard de ces dernières et de leurs représentants, et la reconnaissance de leur rôle essentiel en matière économique et sociale. Pour autant, je regrette la décision du Gouvernement de scinder le projet de loi initial en trois textes : cette décision affaiblit la lisibilité de la réforme.
L'élément phare du présent projet de loi est la consécration du fait métropolitain avec la création de trois métropoles à statut particulier, Paris, Lyon et Marseille et la refonte du statut des métropoles de droit commun.
À l'heure où plus de 60 % de la population française réside dans une aire urbaine de plus de 100 000 habitants et où la métropolisation constitue un enjeu pour tous les pays européens, le projet de loi permet de renforcer les compétences des métropoles françaises.
Je me félicite tout particulièrement de la consécration de la Métropole de Paris, rebaptisée « Grand Paris Métropole » par la commission des Lois. Nul n'ignore le poids économique de la région d'Île-de-France : il s'agit de la première région économique française, regroupant, par exemple, 8 des 71 pôles de compétitivité français, et l'une des premières au niveau européen. La création de la Métropole de Paris est dans la droite ligne des initiatives lancées depuis 2009 dans le cadre de Paris Métropole.
Au-delà de la consécration du fait métropolitain, le projet de loi illustre l'apport de la décentralisation ainsi que ses limites. Deux exemples sont révélateurs : les cas des Métropoles de Lyon et de Marseille.
Dans le cas de Lyon, l'article 20 du projet de loi prévoit la constitution d'une collectivité territoriale à statut particulier, la Métropole de Lyon, résultant de la fusion de la communauté urbaine et, sur le périmètre métropolitain, du département du Rhône. Il s'agit d'un projet original, initié par nos collègues Gérard Collomb et Michel Mercier, et qui correspond à une vraie vision de l'avenir de la métropole lyonnaise. Je me félicite du soutien du Gouvernement à la démarche entreprise par nos collègues.
Pour ce qui concerne Marseille, la Métropole d'Aix-Marseille-Provence, instituée par l'article 30, constitue un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre dont le périmètre excède celui de la communauté urbaine de Marseille puisqu'elle est issue de la fusion de six EPCI. Le projet du Gouvernement rencontre une très vive opposition sur le terrain, puisque 109 des 119 maires concernés seraient opposés à ce projet, comme l'a confirmé l'audition organisée le 23 avril dernier par la commission des Lois.
Dans ce contexte, je salue la détermination du Gouvernement : quand l'intérêt général est en jeu, il est indispensable que l'État intervienne ! Lors de l'audition organisée par la commission des lois, M. Eugène Caselli, président de la Communauté urbaine de Marseille Provence Métropole a souligné l'absence de projets communs à Marseille et une situation marquée par, « six autorités organisatrices de transport, une balkanisation des zones d'activité et des zones commerciales, pas de cohérence territoriale ». Cette situation justifie le projet porté par le Gouvernement.
J'estime toutefois que ce projet de loi n'a pas été, sur certains points, au bout de la logique de rationalisation de l'organisation administrative. Un exemple francilien l'illustre à travers le maintien des départements de petite couronne. Avec l'émergence de Grand Paris Métropole et l'achèvement de la carte intercommunale en Île-de-France, la question de la pertinence des départements de la petite couronne se pose en effet clairement, d'autant que la solidarité et la péréquation sont difficiles à mettre en oeuvre entre eux.
Notre commission des Affaires économiques s'est saisie pour avis de plusieurs articles du projet de loi :
- l'article 3 qui désigne des collectivités chefs de file pour la mise en oeuvre de plusieurs compétences nécessitant l'intervention des collectivités territoriales relevant d'une autre catégorie ;
- les articles portant sur les différentes métropoles, à savoir l'article 12 sur Grand Paris Métropole, l'article 20 sur la Métropole de Lyon, l'article 30 sur la Métropole d'Aix-Marseille-Provence et l'article 31 sur les métropoles de droit commun, pour ce qui concerne les compétences relevant du périmètre de notre commission ;
- l'article 13, que la commission des Lois a délégué au fond à notre commission, qui porte sur l'élaboration par le conseil régional d'Île-de-France d'un schéma régional de l'habitat et de l'hébergement ;
- les articles 18 et 19 qui portent sur le quartier d'affaires de La Défense ;
- enfin, l'article 45 qui limite à un le nombre d'établissements publics fonciers d'État par région.
Sur ces articles, j'ai procédé à une dizaine d'auditions. J'ai ainsi entendu les responsables des bailleurs sociaux, l'Institut d'aménagement et d'urbanisme d'Île-de-France (IAURIF), l'association des établissements publics fonciers locaux, les représentants des établissements publics fonciers d'État franciliens ou encore les représentants des deux établissements publics oeuvrant sur le site de La Défense.
Ces auditions m'ont permis d'y voir plus clair quant à la portée des dispositions du projet de loi.
S'agissant de l'article 3 qui désigne chaque catégorie de collectivités territoriales comme chef de file pour la mise en oeuvre de plusieurs compétences, j'estime qu'il est pleinement cohérent avec l'objectif de clarification poursuivi par le présent projet de loi. Pour ce qui concerne le champ de compétence de notre commission, à l'issue des travaux de la commission des Lois, la région sera ainsi chef de file en matière de développement économique, de tourisme et d'innovation.
S'agissant de la Métropole de Paris, qui regroupera la ville de Paris et les EPCI à fiscalité propre de l'aire urbaine de Paris, je salue les modifications opérées par la commission des Lois à l'article 12 qui ont recentré « Grand Paris Métropole » sur la priorité du logement, enjeu majeur en Île-de-France. La Commission des Lois a supprimé à juste titre la possibilité pour l'État de déléguer à la Métropole ses compétences en matière de droit au logement opposable (DALO), de réquisitions et d'hébergement. Il s'agit en effet de compétences exclusives de l'État : ce dernier ne peut se défausser sur les collectivités territoriales.
L'article 12 prévoit que Grand Paris Métropole élabore un plan métropolitain de l'habitat, qui devra être compatible avec le schéma directeur de la région d'Île-de-France (SDRIF), et tenir compte du schéma régional de l'habitat et de l'hébergement (SRHH) prévu par l'article 13 du projet de loi. Je me suis beaucoup interrogé quant à la pertinence de deux nouveaux documents de planification et sur les liens entre eux. Au terme de mes travaux et après avoir notamment entendu les acteurs du logement qui saluent ces deux dispositifs, j'estime que la proposition du projet de loi est cohérente et équilibrée : le schéma régional sera établi dans le respect des compétences de la Métropole tandis que le plan métropolitain tiendra compte du schéma régional.
Je me félicite de la détermination du Gouvernement, par le biais de ce projet de loi, à moderniser la gouvernance de la politique du logement en Île-de-France. Je vous rappellerai seulement deux chiffres pour illustrer la crise du logement dans cette région :
- on construit uniquement 37 000 logements par an, alors qu'il faudrait en construire 70 000 pour satisfaire les besoins ;
- en 2011, la région Île-de-France concentrait 60 % des recours DALO en matière de logement et près de 75 % en matière d'hébergement.
A mes yeux, le dispositif proposé par le projet de loi constitue une vraie réponse en termes de gouvernance. Il ne suffira cependant pas à résoudre la crise du logement. Il convient de réfléchir, pour cette région, à la mise en place de contraintes supplémentaires pesant sur les communes en matière de permis de construire, sans quoi les documents de planification n'auront que peu d'intérêt.
J'en viens aux articles 18 et 19 qui concernent le quartier d'affaires de la Défense. Ils visent à clarifier les missions de l'établissement public de gestion, l'EPGD, au regard de celles exercées par l'établissement public d'aménagement, l'EPADESA.
Ces articles que je pensais initialement être des dispositions de simplification ont une portée extrêmement importante, comme l'ont montré les auditions que j'ai réalisées sur ce sujet.
Le quartier de la Défense est le premier quartier d'affaires européen, avec près de 2 500 sièges d'entreprise et 150 000 salariés. Opération d'intérêt national depuis 1958, date à laquelle a été créé l'Établissement public d'aménagement, l'EPAD, la gouvernance de ce quartier a été réformée en 2007.
La loi du 27 février 2007 a déconnecté les activités d'aménagement de celles de gestion, suite aux travaux de la commission des finances du Sénat et de la Cour des comptes. L'EPAD assumait en effet jusqu'en 2007 des actions situées en dehors de sa mission normale, notamment un rôle d'exploitant particulièrement coûteux, du fait du refus des collectivités locales de prendre en charge la gestion des espaces et des équipements publics et de participer à leur financement.
La loi de 2007 a donc mis en place un établissement public local de gestion, l'EPGD, habilité à gérer les ouvrages et espaces publics mis à sa disposition ou qui lui sont transférés.
Plus de 6 ans après, les objectifs de la loi ne sont pas atteints, avec des difficultés juridiques importantes : les deux établissements publics, l'EPGD et l'EPAD (devenu EPADESA), s'opposent quant à l'interprétation des dispositions de la loi et au devenir des biens transférés ou mis à disposition de l'EPGD. Un procès verbal signé en décembre 2008 - dans des conditions plus que surprenantes - est le coeur du problème. Ce document, dont la nature juridique est sujette à caution, induit de l'insécurité juridique et la question de la légalité de certaines de ses clauses est soulevée. La situation actuelle est marquée par un vrai blocage : l'État a engagé plusieurs contentieux contre des délibérations prises par l'EPGD.
Les articles 18 et 19 apportent une réponse à cette situation qui, je le souligne, nuit à l'attractivité du site : les missions de l'EPGD sont clarifiées ; la possibilité de transfert d'équipements en pleine propriété par l'EPADESA est supprimée ; le procès-verbal de 2008 est privé d'effets.
Par le biais de ces articles, les frais de remise en état des équipements publics sont mis à la charge de l'EPGD, et donc des collectivités locales, à savoir les communes de Courbevoie et de Puteaux ainsi que le conseil général des Hauts-de-Seine. Il s'agit d'une somme certes importante, au minimum 100 millions d'euros mais certainement plus en réalité, mais ces collectivités en ont la capacité financière et sont en grande partie responsable de la dégradation des équipements publics par leur refus de contribuer à leur gestion.
Je ne m'attarderai pas sur les dispositions relatives aux Métropoles de Lyon et de Marseille que j'ai évoquées précédemment, même si je souhaite saluer la volonté d'apaisement de la commission des Lois qui a repoussé d'un an la mise en place de la Métropole d'Aix-Marseille-Provence. J'en viens donc aux métropoles de droit commun, dont l'article 31 prévoit la rénovation du statut issu de la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales.
Je salue le relèvement par la commission des Lois du double seuil démographique de constitution des métropoles : outre Lyon et Marseille, six métropoles devraient ainsi voir le jour. Il convient en effet d'éviter, comme l'a souligné le rapporteur de la commission des Lois, « la métropolisation de l'ensemble du territoire national ».