Intervention de Brigitte Gonthier-Maurin

Réunion du 23 mai 2013 à 9h30
Refondation de l'école de la république — Article 8

Photo de Brigitte Gonthier-MaurinBrigitte Gonthier-Maurin :

L’article 8 aborde la question, importante, du « décrochage scolaire », qui touche 120 000 à 150 000 jeunes sortant du système éducatif sans diplôme.

Un mot sur cette question du décrochage scolaire. Le faire reculer significativement nécessite d’abord d’agir en amont et donc à l’école, en interrogeant véritablement la construction des mécanismes de l’échec scolaire. Cela implique des personnels formés en conséquence, comme je l’ai déjà souligné avec d’autres. Je pense, bien évidement, au rôle des enseignants RASED, qui doit être conforté, ce qui ne peut être possible sans des départs en formation en nombre suffisant, point sur lequel je vous ai déjà interpellé, monsieur le ministre, et sur lequel je vous redis mes inquiétudes.

Je pense aussi aux enseignants dans leur classe, qui ont besoin de disposer enfin d’une véritable formation continue et réflexive, en lien avec la recherche.

Ce que vous proposez à l’article 8 intervient en aval du décrochage. Dans sa rédaction actuelle, le code de l’éducation précise que tout élève « qui, à l’issue de la scolarité obligatoire, n’a pas atteint un niveau de formation reconnu doit pouvoir poursuivre des études afin d’atteindre un tel niveau. L’État prévoit les moyens nécessaires, dans l’exercice de ses compétences, à la prolongation de scolarité qui en découle ».

L’article 8, qui réécrit et complète l’article L. 122-2 du code de l’éducation, précise, dans son alinéa 3, ce degré de formation, le fixant à un niveau équivalent au brevet national des collèges et au CAP.

Je souhaite à cette occasion obtenir, monsieur le ministre, des précisions sur deux points.

Ma première interrogation porte sur le sens de la référence au titre professionnel du répertoire national des certifications professionnelles, insérée à l’alinéa 3.

Elle m’étonne, puisqu’il s’agit d’élèves dans le cadre de la scolarité obligatoire, qui ressortissent donc à l’éducation nationale. Or l’éducation nationale délivre non des titres, mais des diplômes, les titres professionnels étant, eux, délivrés par le ministère de l’emploi.

À moins qu’il ne s’agisse d’englober l’apprentissage et de prévoir un filet de secours, notamment pour les jeunes orientés en dispositif d’initiation aux métiers en alternance, le DIMA, dispositif que vous maintenez pour les élèves de quinze ans ?

Ma seconde interrogation porte sur le droit différé à une formation qualifiante, dont les conditions d’utilisation sont renvoyées au décret.

Si notre amendement prévoyant de préciser que tout jeune sortant du système éducatif « se voit garantir par l’État le droit de bénéficier d’une durée complémentaire de formation sanctionnée par un diplôme national » a subi les fourches caudines de l’article 40, nous nous interrogeons sur les modalités de mise en œuvre de ce qui est présenté comme un droit à une durée complémentaire de formation qualifiante.

Comment, selon quels critères et par qui sera déterminée la durée de cette formation qualifiante ? Par qui cette formation sera-t-elle mise en œuvre ? S’agira-t-il de l’État via l’éducation nationale ?

C’est ce dont nous avons voulu nous assurer en proposant d’ajouter, par amendement, la possibilité que cette durée complémentaire de formation qualifiante puisse consister en un droit au retour en formation initiale sous statut scolaire.

L’adoption de cet amendement en commission démontre, en quelque sorte, le bien-fondé de notre proposition d’allongement de la scolarité obligatoire au-delà de seize ans.

Ce droit différé à une durée complémentaire de formation sera-t-il assuré par la région ? Il s’intégrerait alors aux dispositifs de formation professionnelle existants, ce qu’a anticipé d’une certaine façon l’article 5 du projet de loi relatif à la sécurisation de l’emploi.

Mais sur quels financements précis sera prise en charge cette durée de formation complémentaire ? Avec quelles garanties d’effectivité, pour combien de temps et sous quelles conditions les jeunes concernés pourront-ils en bénéficier ? Devront-ils réussir à décrocher préalablement un contrat d’apprentissage, un contrat d’avenir, un contrat de génération ?

S’agira-t-il alors d’une formation diplômante ou seulement certifiante, comme le laisse envisager l’étude d’impact du projet de loi ? Cela n’a pas la même valeur ni le même degré de reconnaissance.

Autant de points que nous souhaiterions voir éclaircis dans la mesure où, à l’article 8, on prétend créer un droit nouveau.

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