Intervention de Brigitte Gonthier-Maurin

Réunion du 23 mai 2013 à 9h30
Refondation de l'école de la république — Article 10, amendement 386

Photo de Brigitte Gonthier-MaurinBrigitte Gonthier-Maurin :

L’article 10 vise à instaurer un service public du numérique éducatif dans le cadre du service public de l’enseignement. Il vient en réalité se greffer à l’article L. 131-2 du code de l’éducation relatif au service public de l’enseignement à distance.

L’ambiguïté du projet de loi initial sur le point de savoir à qui incombe la charge de ce service public avait, me semble-t-il, été levée par la rédaction retenue en commission. Mais j’y reviendrai au moment de l’examen de l’amendement n° 386 du Gouvernement.

Je souhaiterais évoquer les opérateurs qui devront assurer ce service public.

Le CNED, le CNDP et l’ONISEP, mentionnés dans l’étude d’impact, seront, nous dit-on, «très fortement mobilisés pour la mise en œuvre de la stratégie numérique du ministère de l’éducation nationale ».

Je regrette que le projet de loi ne mentionne pas expressément ces opérateurs, aux missions bien différentes, afin, d’une part, de distinguer leur rôle respectif et d’écarter toute tentative de fusion et, d’autre part, de préciser que leur action dans le domaine du numérique éducatif s’organisera autour d’une stratégie commune.

Concernant le périmètre des missions que le projet de loi assigne à ce service public, je souhaite m’arrêter sur la situation du CNED. J’étais intervenue en 2011 auprès de votre prédécesseur, monsieur le ministre, pour l’alerter sur le devenir de cet opérateur et de ses missions de service public.

Je le rappelle brièvement, le CNED a une double mission : d’une part, assurer l’instruction des enfants empêchés d’aller à l’école, par la maladie ou toute autre difficulté, et garantir à des adultes des formations qualifiantes et diplômantes de qualité, à des tarifs accessibles à tous ; d’autre part, permettre à des enseignants « accidentés de la vie », du fait d’une maladie ou d’un handicap, de continuer à travailler. Cet opérateur est donc très important.

Au sein du service public du numérique, les missions qui ont été confiées au CNED, dans un premier temps, comprennent deux volets : proposer un enseignement aux élèves empêchés, rôle qu’il remplit déjà, et offrir un dispositif de soutien scolaire en ligne au sein des établissements.

Ce dispositif de soutien nécessite, pour être efficace, plusieurs ingrédients : une relation humaine privilégiée, une implication de l’élève, soutenu par un enseignant et non un simple tutorat en ligne, une pédagogie du contournement - ne pas répéter le même type de cours, ne pas être vécu comme un dispositif discriminant.

Cette stratégie du contournement implique la fourniture de cours et d’exercices en ligne interactifs. Or le CNED, comme l’a relevé la Cour des comptes dans un récent rapport, n’est pas armé aujourd’hui pour dispenser un vrai e-learning.

Le Gouvernement entend-il lui accorder le temps et les moyens pour qu’il adapte ses outils, notamment technologiques, la formation de ses personnels et ses contenus ? Comment l’État compte-t-il assurer ce tutorat en « présentiel » dans les établissements ? Est-il envisagé que cette mission incombe au CNED ? Quels seront les personnels mobilisés ? Je rappelle que, pour obtenir un poste au CNED, les enseignants doivent avoir une maladie stabilisée qui les contraigne à travailler à domicile.

Cette question est importante puisque, dans le même temps, l’étude d’impact fait état de « mesures à court terme de rationalisation-restructuration » pour les opérateurs et de la recherche d’un budget « à l’équilibre » pour le CNED.

Ce dernier objectif ne sera pas aisé à atteindre, compte tenu des conséquences néfastes des politiques, notamment tarifaires, menées ces dernières années au CNED. Ainsi, des commandes passées par l’État comme « English by yourself », ou « L’académie en ligne », trente et unième académie, ont été financées sur les fonds propres du CNED, sans compensation financière de l’État.

À ce titre, j’aimerais connaître votre position, monsieur le ministre, sur la réduction du périmètre du service public et de la gratuité de l’enseignement à distance à la seule scolarité obligatoire, opérée par décret en 2009. Cette mesure exclut de fait les élèves de plus de seize ans. Comptez-vous, comme l’a recommandé la Cour des comptes dans son rapport public annuel de 2013, élargir ce périmètre pour qu’il tienne compte de celui de la gratuité dans l’enseignement scolaire ?

Je rappelle que les usagers du CNED, qu’il s’agisse de formation initiale ou continue, sont souvent issus de milieux peu favorisés.

Nous le voyons, la mise en œuvre de la stratégie voulue par le ministère va donc nécessiter de stabiliser cet établissement dans sa structure, son fonctionnement et ses effectifs afin d’être en adéquation avec les objectifs affichés pour le numérique.

Tels sont les éléments sur lesquels je voulais attirer l'attention de notre Haute Assemblée.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion