Je vous remercie, mesdames, messieurs les sénateurs, de la qualité de vos interventions et de la précision des problèmes que vous soulevez, sur lesquels, je le conçois bien, il faut apporter des réponses.
D’abord, et chacun l’a compris, nous ne sommes pas dans la continuité de ce qui a été fait ; nous sommes dans un nouvel élan, et c’est bien un service nouveau que nous voulons créer.
Nous avons connu les difficultés qui ont été évoquées par M. Gérard Longuet ; le Président de la République lui-même a eu à les connaître : des collectivités locales mettent des moyens mais, derrière, les déficiences de l’État empêchent la formation au numérique et les usages du numérique. Des rapports de l’inspection générale de l’éducation nationale que j’ai rendus publics ont d'ailleurs été très nets sur ces questions.
Nous avons donc à nous ressaisir, et ce à un moment où, vous avez raison, le numérique permet de transformer les pédagogies, mais aussi, et bien au-delà, la communication avec les parents – c’est ce que proposent souvent les espaces numériques de travail, ou ENT, fournies par les collectivités locales –, l’aide aux élèves en difficulté, etc.
Vous citez des exemples étrangers. Je tiens tout de même à vous dire que, depuis notre belle région de Poitou-Charentes, à la rentrée, 30 000 élèves des zones d’éducation prioritaire auront accès à une assistance éducative par internet. De même, l’ONISEP a mis en place une identification des offres de formation que les « décrocheurs » peuvent recevoir sur leur téléphone mobile ; ces jeunes savent désormais qu’une formation leur est offerte à deux kilomètres ou à quatorze kilomètres de chez eux. Cette mesure n’est pas étrangère à nos succès en matière de décrochage. Le service public du numérique, nous l’avons déjà mis en œuvre à cette occasion.
Pour ce qui est des langues étrangères – et j’ai été heureux d’entendre votre soutien au travail de la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, monsieur Longuet –, nous prévoyons dans ce projet de loi leur apprentissage dès le cours préparatoire. À cet égard, nous disposons déjà d’un site qui permet aux tout-petits d’apprendre les langues de façon ludique.
Vous appelez l’attention sur les apprentissages fondamentaux et la place des parents qui veulent accompagner leurs enfants et comprendre ce qui se passe au CP pour la lecture et l’écriture. Nous avons mis au point des moyens d’accompagnement pour les parents qui veulent suivre la progression de leur enfant au CP, ce qui concourra également à lutter contre les difficultés. C’est un projet considérable et pour tout dire assez extraordinaire qui est ainsi mis en œuvre – je vous invite d'ailleurs à venir le consulter.
Vous avez émis ici ou là une inquiétude concernant les opérateurs. La Cour des comptes, dont on parle beaucoup depuis vingt-quatre heures, avait déjà rendu un rapport très sévère sur l’enseignement à distance. Les opérateurs doivent évoluer, mais, dans le même temps, il faut les conforter, et c’est ce que nous comptons faire. Sont concernés l’ONISEP, le CNED, mais aussi le CNDP, le Centre national de documentation pédagogique, qui est une merveilleuse machine à produire de l’intelligence collective.
La France ne doit pas se laisser imposer des modèles uniquement anglo-saxons de logiciels pédagogiques, car ce ne serait pas sans conséquences. Nous devons organiser une filière française de la production du logiciel éducatif, et nous y travaillons également avec des éditeurs privés.
J’ai demandé à Louis Gallois de mobiliser des moyens, et nous en disposons comme jamais auparavant. Il faut recueillir des fonds européens, y compris pour relier au très haut débit de petites collectivités qui n’y ont pas accès aujourd’hui, où les enseignants renoncent à se servir d’internet en raison des coupures incessantes.
Nous devons unir nos forces. Pour revenir sur l’échange de vues entre Mme Gonthier-Maurin et ses collègues de l’autre côté de l’hémicycle, nous avons besoin d’une logique collaborative où les uns et les autres, et donc les collectivités locales, puissent librement, avec un droit d’initiative, apporter leur contribution. L’État garantit la sienne ; il va d'ailleurs accroître considérablement ses apports, dans des proportions jamais vues. Je viens de demander 100 millions d’euros pour mobiliser les fonds européens en faveur du très haut débit scolaire. Nous avons obtenu, d’une part, 10 millions d’euros et, d’autre part, 15 millions d’euros du Commissariat général à l’investissement. Vous pouvez consulter les sites dont je vous ai parlé. Nous nous sommes déjà mis en mouvement et nous irons beaucoup plus loin.
Je prendrai deux exemples pour faire comprendre où se situent les difficultés.
Nous avons besoin, pour le parcours d’éducation artistique et culturelle, de mobiliser des ressources numériques culturelles pour les élèves. Certaines appartiennent à l’État, et nous menons, par exemple, des négociations compliquées avec les musées nationaux pour qu’ils acceptent de mettre leurs ressources au service de la pédagogie. D’autres appartiennent en revanche aux collectivités locales et ne sauraient être à la charge de l’État. Certaines collectivités veulent également produire.
Les espaces numériques de travail sont des outils de liaison tout à fait importants avec les parents, avec la communauté éducative. Les villes, les régions construisent d’ailleurs souvent leurs propres modèles. Elles doivent pouvoir le faire !
Voilà pourquoi je récuse la logique d’un service public qui incomberait uniquement à l’État. J’entends dans les débats que les collectivités locales ne participeraient pas au service public : mais elles l’assument ! Elles sont démocratiques et participent par conséquent au service public. C’est cette logique collaborative qui permettra, là comme ailleurs – nous avons évoqué le projet éducatif de territoire –, la réussite de notre objectif pédagogique.
Vous mesurez l’importance du travail entrepris, et je vous en remercie. Vous avez raison de vouloir identifier clairement les responsabilités des uns et des autres. Vous demandez à l’État de s’engager pleinement ? C’est ce que nous faisons.
Pour répondre à une sollicitation adressée hier par M. Assouline, nous sommes en train de réorganiser en profondeur l’administration centrale de l’éducation nationale – et croyez-moi, la chose n’est pas facile…