Intervention de Brigitte Gonthier-Maurin

Réunion du 23 mai 2013 à 9h30
Refondation de l'école de la république — Article 11

Photo de Brigitte Gonthier-MaurinBrigitte Gonthier-Maurin :

Avec cet article, qui ouvre la voie à une mise en œuvre de la formation professionnelle par les territoires, nous sommes au cœur du projet de loi.

En réalité, c’est l’article 18 qui modifie fondamentalement l’organisation en la matière, l’article 11, ainsi que les articles 16, 17 et 19, n’opérant que des coordinations. Mon intervention vise l’ensemble de ces articles, qui forment un tout cohérent.

Nous sommes en profond désaccord avec les dispositions de la section du texte consacrée aux relations avec les collectivités territoriales, qui porte essentiellement sur la formation professionnelle.

Nous ne pouvons approuver ces articles, qui remettent en cause le rôle de l’État stratège dans la définition des cartes de la formation et, partant, portent atteinte à la continuité du service public de la formation professionnelle, notamment initiale, sur le territoire.

En effet, le projet de loi supprime l’arbitrage de l’État prévu à l’article L. 214-13 du code de l’éducation en cas de désaccord entre l’État et les régions concernant les conventions annuelles d’application du contrat de plan régional de développement des formations professionnelles. L’État ne sera plus le garant du respect des décisions permettant de maintenir la continuité du service public et rien n’est prévu en cas de désaccord.

Le rôle de la région ressort donc largement renforcé, puisque, aux termes de l’article 18, c’est elle qui arrêtera la carte des formations professionnelles initiales, conformément aux choix inscrits dans la convention.

Une inégalité en matière d’offre de formation professionnelle initiale en sera irrémédiablement la conséquence. L’État se trouvant évincé, plus personne ne sera garant de la cohérence globale de cette carte à l’échelle nationale et de l’égalité d’accès à la formation professionnelle initiale sur tout le territoire.

Les arguments employés pour contrer notre raisonnement sont connus : on nous objecte que l’État conserve le dernier mot et aura un pouvoir réel de décision, puisque c’est lui qui affecte ou non les moyens et les personnels dans les établissements d’enseignement professionnel. Certes, mais ce pouvoir n’est aucunement stratégique, car il ne permet pas de définir une vision de la formation professionnelle, alors même que le redressement productif fait partie des priorités affirmées pour notre pays.

Il résulterait de l’adoption de l’article 18 dans sa rédaction actuelle l’octroi d’un simple pouvoir de blocage à l’État en fin de parcours, ce qui, au mieux – ou au pire –, lui permettrait de s’opposer le cas échéant à une décision d’ouverture prise par la région. Mais que se passera-t-il si les autorités de l’État souhaitent l’ouverture d’une formation professionnelle que la région n’aurait pas décidée ? Quel sera alors le pouvoir de l’État ? Certes, il dispose des moyens, mais, sans établissements, il ne peut aucunement les affecter.

L’argument qui nous est opposé ne tient donc pas. À nos yeux, l’État sera très clairement affaibli et ne conservera pas de rôle prépondérant.

Par ailleurs, les dispositions de cette section du projet de loi ne peuvent être lues et comprises qu’à la lumière d’un autre texte, qui leur donne toute leur logique : je veux parler de l’acte III de la décentralisation et, plus particulièrement, du projet de loi relatif à la mobilisation des régions pour la croissance et l’emploi et la promotion de l’égalité des territoires.

L’article 5 de ce texte vise à récrire les mêmes articles du code de l’éducation que la section du présent projet de loi que nous nous apprêtons à examiner, sans que les rédactions proposées soient tout à fait identiques. Il en précise souvent la portée et en permet une meilleure compréhension ; rappelons qu’il figure dans la section intitulée « Renforcement des compétences des régions ». D’ailleurs, le Gouvernement entend introduire d’autres dispositions contenues dans ce projet de loi par voie d’amendement au Sénat, anticipant encore une fois sur un autre débat.

L’amendement du Gouvernement renforce le rôle de la région en matière d’orientation : c’est elle qui en aura intégralement la charge, depuis l’orientation vers la formation initiale jusqu’à la formation tout au long de la vie. Nous ne le voterons donc pas, bien entendu, pas plus que nous n’approuverons la décentralisation en matière de formation professionnelle initiale.

Nous ne croyons pas, évidemment, que l’État soit vertueux par essence – s’il l’était, cela se saurait, et l’expérience de ces dernières années a été éclairante à cet égard –, mais nous ne pensons pas que la région le soit davantage. Ce qui est certain, c’est que l’État a une vision plus large et peut s’assurer de la cohérence globale des offres entre les différentes régions, même si ces dernières sont mieux à même de relayer les besoins des territoires.

En matière d’éducation nationale, l’argument de l’adaptation aux réalités locales nous semble moins important que celui du maintien de l’égalité de traitement de tous les citoyens. Le sujet de la formation des jeunes, de leur avenir, est d’envergure nationale. Il est bien trop important pour qu’on puisse l’envisager sous un angle exclusivement territorial.

Il faut donc s’assurer que les deux visions puissent s’accorder. Nous présenterons un certain nombre d’amendements en ce sens, afin de rééquilibrer le dispositif du projet de loi en atténuant le rôle prépondérant confié à la région, laquelle risquerait de faire prévaloir l’intérêt économique immédiat et local au détriment d’une réflexion plus globale que seul l’État peut conduire.

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