Intervention de Vincent Peillon

Réunion du 24 mai 2013 à 9h45
Refondation de l'école de la république — Article 28, amendement 119

Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale :

Le sujet de l’article 28 constitue, nous le savons, une source de confusion, et c’est la raison pour laquelle il m’a semblé utile d’en revenir à des valeurs simples et traditionnelles qui fondent la République.

La République, aussi bien dans sa tendance libérale que dans sa mouvance que l’on qualifie parfois de jacobine, a toujours considéré que morale et politique étaient inséparables : le citoyen n’a pas seulement à obéir à la loi sous l’effet de la contrainte, il doit aussi agir dans le respect d’un certain nombre de valeurs, à partir de dispositions intérieures qui répondent à la liberté de conscience que vous venez d’évoquer.

Ces principes étaient connus. Que l’on songe à Montesquieu, proclamant que la République a besoin de vertu, ou à Rousseau, déclarant que politique et morale sont inséparables.

Lorsque l’on faisait ce qui semble juste, comme par exemple la poursuite des valeurs républicaines – liberté, égalité, fraternité –, on le faisait non pas simplement par peur du gendarme, mais parce que l’on pensait que c’était mieux et que c’était un bien à poursuivre en commun.

Les difficultés de notre société, marquée par un individualisme toujours plus conséquent, par un libéralisme sans limite, tiennent au fait que nous perdons cette idée d’un certain nombre de valeurs communes qui seules permettent de vivre ensemble.

L’école de la République a toujours pensé qu’il fallait un équilibre très précis entre l’éducation, généralement comprise comme l’imposition des valeurs de la société, et l’instruction, c’est-à-dire l’enseignement destiné à forger un esprit critique.

Nous avons donc souhaité rétablir cette tradition, animés par la conviction – et nous l’avons constaté à maintes reprises – qu’un élève ne sait que ce qu’on lui a enseigné. À force de ne pas défendre nos valeurs – qu’est-ce que la liberté ? Comment atteint-on l’égalité ? Quelles sont les différentes formes de l’égalité ? –, de ne pas développer chez les enfants un jugement critique et libre – c’est l’objectif de l’école –, nous perdons nos valeurs en route.

C’est pourquoi nous avons souhaité restaurer l’enseignement moral et civique, les deux étant liés. Nous avons voulu aller un peu au-delà de la tendance trop mécanique, dénoncée à la fin du XIXe siècle par certains fondateurs de la République, à répéter et à ânonner des devises dont on ne s’approprie pas vraiment les valeurs.

Il ne s’agit pas, contrairement à ce que j’entends, notamment au sujet des rythmes scolaires, d’une proposition du ministre. Il faut que la Nation assume ce qui est et doit être porté par tous. Dans un pays qui ne compte que 144 jours de classe, une réforme ne peut pas être la réforme du seul ministre. Il doit s’agir de la réforme de tous les Français. L’enseignement moral et civique n’est pas une marotte, une lubie du ministre ; c’est une nécessité absolue de renouer avec ce qu’il y a de plus libre et de plus fort dans notre tradition.

J’ajoute qu’il faut mesurer à quel point ces valeurs, simples en apparence, sont souvent contestées aujourd’hui.

La morale, tout le monde l’enseigne. Elle est fréquemment invoquée pour défendre l’égalité entre les hommes et les femmes. Des modèles sont imposés en permanence par la société civile : Qu’est-ce que le bonheur ? Que faut-il faire pour accomplir sa propre existence, pour réussir sa vie ? Les publicitaires, les marchands ont le droit de le faire.

Le seul endroit où l’on n’aurait plus le droit de parler du bien, du juste, de ce qui contribue à une vie accomplie, à une vie heureuse, et de réfléchir aux différents modèles existants, ce serait l’école.

Je dirai simplement que la neutralité de l’école, c’est la neutralité confessionnelle, la neutralité politique ; nous en avons parlé. Il n’a jamais été question, dans les discours de Jules Ferry ou des autres fondateurs de l’école publique, de la neutralité morale. Bien au contraire, la République a toujours pensé qu’elle avait à enseigner un certain nombre de valeurs et à les défendre.

Notre volonté est de réinstaurer cet enseignement. Si nous revenions du côté de l’éducation, nous perdrions la dimension critique de l’instruction, de l’enseignement, du savoir, de l’interrogation.

Pour ce qui est de l’amendement n° 119, le Gouvernement y est défavorable.

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