Je suis d’accord avec vous, madame la sénatrice, si nous sommes ici, c’est justement pour débattre de ces sujets.
La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, par exemple, est-elle civique ou morale ? Est-elle universelle ou particulière ?
Quand on parle d’éducation civique – ce fut le grand débat dès la Révolution française –, on envisage uniquement son aspect national civique : la cité dans laquelle on vit. Par conséquent, contrairement à ce que vous dites, cet enseignement n’est pas universel ; c’est la morale qui l’est.
En perdant cette compréhension de l’articulation entre l’universel – principe discutable qui ne s’impose pas en soi, mais qui est de l’ordre de la morale, au-dessus de la politique – et le civisme, nous avons perdu le sens même de la République. Pourquoi ? Parce que la République est le premier modèle qui a articulé, y compris dans sa Constitution, une dimension dite « des droits de l’homme », droits naturels au-delà du civisme et qui doit inspirer celui-ci.
Pour illustrer mon propos, je citerai l’affaire Dreyfus. On peut considérer que, au Parlement, nous faisons la loi, mais que nous ne disons pas nécessairement ce qui est juste. Il est arrivé que des lois soient injustes ; et, si l’on peut juger que ces lois sont injustes, c’est parce que nous nous référons à des valeurs qui viennent d’ailleurs.
Cette articulation entre l’universel et le civisme doit être restituée, car elle permet de garder l’attitude des républicains, d’être toujours critique à l’égard de tous les pouvoirs et de respecter toutes les consciences. C’est très important dans le moment que nous vivons.
Madame la sénatrice, je crois que nous sommes d’accord, en fait. L’éducation civique signifie que nous devons nous plier à la morale ou à la politique choisie par un État, alors que la morale est ce qui permet de critiquer à tout moment toutes les morales d’État.