Intervention de François Autain

Réunion du 24 octobre 2008 à 15h00
Revenu de solidarité active — Vote sur l'ensemble

Photo de François AutainFrançois Autain :

Monsieur le président, monsieur le haut-commissaire, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je ne voterai pas en faveur de ce projet de loi pour quatre raisons.

Premièrement, je ne suis pas certain que cette réforme, surtout en période de récession, soit suffisante pour doper le taux de sortie du RMI vers l’emploi à temps partiel.

Le passage de 150 euros d’intéressement à 200 euros de RSA et la fin de la limite de douze mois ne me semblent pas, en effet, de nature à changer notablement la situation que nous connaissons aujourd’hui.

Les taux de retour à l’emploi dans les départements soumis à une expérimentation sont trompeurs. Ils portent sur des expérimentations insuffisantes qui, aux dires de François Bourguignon, président du comité d’évaluation du RSA, n’ont, à ce jour, apporté aucune réponse significative.

Il eût été plus prudent, me semble-t-il, de conduire les expérimentations jusqu’à leur terme, c’est-à-dire pendant une durée de trois ans, et d’en évaluer ensuite les résultats, avant de soumettre le projet de loi au Parlement. Toutefois, il n’en a pas été ainsi, hélas.

Deuxièmement, cette réforme ne s’attaque nullement, comme elle aurait dû le faire, au problème structurel qui mine les dispositifs qui se sont accumulés au fil des années en ce qui concerne le travail à temps partiel, le SMIC, le RMI et la PPE, dont la complexité et le manque de visibilité se trouveront aggravés avec la création du revenu de solidarité active.

Pour illustrer mon propos, je prendrai un seul exemple, à savoir la persistance de deux dispositifs distincts, l’un pour les salaires à temps partiel, géré par les caisses d’allocations familiales suivant la logique des minima sociaux, l’autre pour les salaires à temps plein, dont s’occupe l’administration fiscale selon une logique de crédit d’impôt.

Pourtant, avec ce projet de loi, vous aviez l’occasion de mettre fin à un système qui est techniquement absurde, puisqu’il comporte deux dispositifs administrés suivant des règles et des juridictions différentes. Par exemple, vous pouviez intégrer l’ensemble des mécanismes du RSA et de la PPE sous forme de crédit d’impôt. Or vous ne l’avez pas fait, et c’est tout à fait regrettable.

Troisièmement, le RSA peut être considéré comme une forme de subvention au travail à temps partiel ; les employeurs ne manqueront pas de profiter de cette aubaine et de proposer plus d’emplois de ce type.

D'ailleurs, pour tous ceux qui occupent déjà un emploi à temps partiel, la création du RSA, couplée avec le gel annoncé de la PPE pour les salariés à temps plein, aura pour conséquence une forte réduction de l’écart de revenus entre les emplois d’une durée de 20 heures et ceux qui sont de 35 heures, d’où de moindres incitations à passer du temps partiel au temps plein.

Il est fort possible que cet effet négatif, que les expérimentations n’ont malheureusement pas eu le temps d’évaluer, l’emportera sur les modestes conséquences positives de ce projet de loi.

Quatrièmement enfin, le financement de ce projet est assuré grâce à une taxe sur les revenus de placements.

Or le recours au plafonnement de certaines niches fiscales pour réduire le taux de cette imposition ne saurait nous faire oublier que, depuis son arrivée au pouvoir, Nicolas Sarkozy a créé plus de 15 milliards d’euros de nouvelles niches fiscales dans un système qui en compte déjà beaucoup trop : pas moins de 254 !

Cerise sur le gâteau, avec le bouclier fiscal, les gros patrimoines seront de facto exonérés de cette taxe, ce qui fait que le prélèvement aura la particularité d’être dégressif !

En outre, globalement, le financement du RSA se fait au détriment des départements, et singulièrement des plus pauvres d’entre eux.

Bref, vous nous proposez, monsieur le haut-commissaire, une réforme brouillonne, bricolée sur le fond, inaboutie, mal financée, inéquitable et dont l’effet sera sans doute très éloigné de l’objectif visé.

Dans ces conditions, vous comprendrez que je ne puisse voter ce texte, malgré la très haute estime que je vous porte. Votre générosité et vos talents se seraient mieux épanouis avec une autre majorité, me semble-t-il, qui vous aurait permis d’aboutir à un projet de loi beaucoup plus favorable aux bénéficiaires des minima sociaux. Dans ces conditions, j’aurais sans doute pu le voter ; hélas ! il n’en a pas été ainsi, et nous devons tous ici le regretter.

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