Intervention de André Gattolin

Réunion du 24 mai 2013 à 21h30
Refondation de l'école de la république — Articles additionnels après l'article 60

Photo de André GattolinAndré Gattolin :

Cet amendement d’appel vise à encadrer strictement la multiplication des traitements de données à caractère personnel que l’on observe au sein de l’éducation nationale depuis 2007.

Chaque enfant est inscrit dans la Base élèves dès son entrée en première année de maternelle et se voit attribuer un « identifiant national élève », stocké dans un répertoire national des identifiants élèves, étudiants et apprentis. C’est ce numéro qui permet d’établir le lien entre les fichiers du primaire et ceux du secondaire, via le fichier AFFELNET. C’est ce numéro que l’on retrouve aussi dans le livret personnel de compétences numérique qui doit suivre chaque enfant tout au long de sa scolarité et de sa formation et s’intégrer au passeport orientation et formation. Ce livret permet de centraliser des renseignements extrêmement sensibles sur les enfants, puis sur les adultes, dans des serveurs académiques nationaux et même européens, tel le serveur Europass. Ces informations concernent les compétences et les incompétences, les rythmes d’acquisition et, par là même, les difficultés rencontrées par chaque élève au cours de sa scolarité et au-delà.

À l’égard de ces fichiers informatiques, les directeurs d’école sont considérés statutairement, au sens de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, comme les « coresponsables de traitement ». C’est en effet à eux et au directeur académique des services de l’éducation nationale, le DASEN, que les responsables légaux peuvent s’adresser pour exercer leur droit d’accès, de rectification ou d’opposition.

Ces droits restent largement inappliqués dans toute la France, par manque d’information. Le droit d’information des responsables légaux n’est en effet pas du tout effectif dans notre pays. Notre amendement a pour objet, en premier lieu, de renforcer le devoir d’informer les parents de l’existence de ces fichiers. Plus largement, nous rappelons qu’à aucun moment la création de ces fichiers n’a fait l’objet d’un débat parlementaire ou d’une réflexion éthique sur les potentialités et les risques que ceux-ci présentent au regard du respect des libertés individuelles. À aucun moment elle n’a été encadrée par la loi.

Au regard du respect des libertés individuelles, le Comité des droits de l’enfant des Nations unies a recommandé à la France « que seules des données anonymes soient entrées dans des bases de données et que l’utilisation des données collectées soit régulée par la loi de manière à en prévenir un usage abusif ».

Certains enseignants, conformément à la Convention internationale des droits de l’enfant ratifiée par la France, ont refusé de renseigner le fichier Base élèves, encourant de ce fait des sanctions. Plusieurs tribunaux administratifs, tels que ceux de Montpellier et, tout récemment, d’Orléans et de Grenoble, ont annulé des décisions administratives sanctionnant – par des retraits de poste, des diminutions de salaire, des mutations d’office ou autres – des enseignants ayant refusé de renseigner la Base élèves.

Dans ce contexte, nous souhaitons que soit levé le principe de sanction à l’encontre des directeurs ayant refusé de renseigner le fichier Base élèves après opposition expresse des représentants légaux.

Au-delà de cet amendement, monsieur le ministre, nous souhaitons attirer votre attention sur la nécessité d’un moratoire sur l’utilisation de ce fichier, dans l’attente de la réalisation d’un audit officiel sur l’ensemble des fichiers existants.

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