Monsieur le ministre, ma question porte sur l’inquiétude causée par la réapparition du spectre des farines animales dans l’agriculture française et, plus particulièrement, dans l’élevage. Ces farines animales n’étaient plus qu’un lointain souvenir ; elles refont surface, tout à coup, sans crier gare.
En effet, selon les informations dont je dispose, il semblerait que la Commission européenne, au mois de juillet dernier, ait clairement envisagé de soumettre au Parlement européen, dans les prochains mois, la réintroduction des farines animales à destination des non-ruminants, c'est-à-dire les porcs, les volailles et les poissons d’aquaculture. Ce serait revenir sur l’interdiction, formulée en juillet 1994, de nourrir les bovins, les ovins et les caprins avec des farines de viande et d’os de mammifères.
Comme on l’imagine sans peine, cette nouvelle, certes assortie d’un certain nombre de précautions scientifiques, a provoqué une réelle émotion un peu partout et de sérieuses interrogations chez tous ceux qui n’ont pas oublié la crise des années quatre-vingt-dix, avec ses chiffres terribles : 190 000 cas d’encéphalopathie spongiforme bovine, des milliers de troupeaux sacrifiés, plus de 200 victimes humaines de la maladie de Creutzfeldt-Jakob.
Ce traumatisme collectif marqua autant les producteurs que les consommateurs. Certes, ce régime ne s’adresse pas aux mêmes animaux que dans le passé, mais tout de même : qui nous assure que les porcs, les volailles et les poissons ingéreront sans risque ces produits ? Les experts ? On sait combien ils peuvent se tromper, parfois sur une grande échelle !
Ce projet vise, nous dit-on, à permettre à l’Union européenne de diminuer sa dépendance en protéines vis-à-vis de l’extérieur, en particulier en ce qui concerne l’importation de soja, de réduire les effets négatifs de l’interdiction des farines sur les plans économiques et environnementaux et, enfin, d’accroître la compétitivité de l’élevage et de l’industrie de la viande.
Je veux bien, pour ma part, comprendre ces raisons et accepter le principe de mise en place d’un « plan protéines » ambitieux, auquel, à titre d’exemple, la région Midi-Pyrénées, dont je suis l’élu, travaille sérieusement sous l’impulsion du conseil régional. Pour autant, faut-il soigner le mal par le mal ?
Dans une période marquée par la baisse régulière de la consommation de viande, une telle mesure ne pourrait, à mon avis, que semer le doute et aggraver la situation des éleveurs. Ceux-ci se demandent avec effroi si l’application d’une telle mesure ne sera pas la boîte de Pandore d’une nouvelle catastrophe épidémiologique.
Les consommateurs, déjà échaudés par les expériences passées, ont besoin de signes positifs qui les rassurent. Cette inquiétude, je la partage d’autant plus que je reste persuadé que deux solutions s’offrent à l’Europe.
La première est la remise en cause des accords de Blair House, signés en 1992, par lesquels l’Europe a accepté de limiter son soutien aux cultures de protéine végétale et s’est engagée à importer du soja américain sans droit de douane. Avec une meilleure utilisation du colza et une reconversion de seulement 7 % des surfaces de céréales, il serait possible de réduire les importations de protéines animales de 41 %.
La seconde solution réside dans la qualité des filières. Elle seule pourra assurer l’avenir de l’élevage : les cogitations de tous les docteurs Folamour, elles, ne pourront à la longue que conduire au désastre !
Voilà pourquoi, monsieur le ministre, je serais particulièrement heureux de connaître la position du Gouvernement sur une application du principe de précaution qui intéresse au plus haut point nos compatriotes, les producteurs comme les consommateurs. J’y insiste : ce matin, toute la filière de l’élevage est à votre écoute.