Intervention de Christiane Taubira

Réunion du 27 mai 2013 à 15h00
Adaptations dans le domaine de la justice en application du droit de l'union européenne — Adoption en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission modifié

Christiane Taubira :

Je joins mes remerciements à ceux de Mme la ministre des droits des femmes. Comme d’habitude, le débat mené au Sénat, comme à l’Assemblée nationale, est de grande qualité. Mais la Haute Assemblée veille avec un esprit encore plus méticuleux aux détails du droit et à la cohérence de notre système pénal.

Monsieur le rapporteur, sur le parquet, le Gouvernement travaille avec des débuts de résultats tout à fait satisfaisants sur l’application de l’article 86 du traité de Lisbonne. Il s’intéresse également à son article 85, relatif au renforcement d’Eurojust, comme en témoigne d’ailleurs ce texte.

Nous avons bien avancé, notamment avec l’Allemagne, qui est un partenaire essentiel. J’ai en effet cosigné avec ma collègue allemande un projet de texte que nous avons transmis à la Commission européenne. Par ailleurs, nous nous rapprochons de manière très encourageante de pays comme la Pologne, l’Italie ou l’Espagne, mais, je dois le reconnaître, essentiellement sur le parquet fiscal. Sur le parquet pénal, les choses sont plus compliquées, y compris avec l’Allemagne. Il n’en demeure pas moins que nous nous inscrivons dans une trajectoire positive. Dans ce contexte, les dispositions introduites par l’Assemblée nationale nous semblent quelque peu anticipatrices, et je partage votre avis quant à la nécessité de les moduler de nouveau.

Pour ce qui concerne l’ordre de transposition dans les codes, je dois reconnaître que votre observation est tout à fait pertinente. Il est toujours nécessaire de donner un peu plus de cohérence aux textes de loi, qui doivent être compris. La difficulté, c’est que l’élaboration de ce projet de loi était déjà très avancée. Il a en effet été conçu par le gouvernement précédent et soumis ainsi au Conseil d’État. En outre, même si nous avons pris de l’avance dans certains domaines, nous sommes sur la corde raide s’agissant des textes qui auraient dû être transposés en avril 2013 et nous n’avons pas entrepris ce travail de réécriture. Pour autant, concernant la réforme constitutionnelle modifiant le Conseil supérieur de la magistrature, nous avons veillé à réécrire l’ensemble de l’article 65 de la Constitution, pour y introduire une plus grande cohérence et homogénéité. Nous avons par anticipation satisfait à votre observation, monsieur le rapporteur, mais dans un autre texte.

J’ai noté les observations de Mme Benbassa, qui s’est réjouie que ce texte aille plus loin, notamment en matière de protection des mineurs et des victimes, en particulier étrangères, puisque leurs droits sont reconnus sur le territoire.

Monsieur Mazars, j’apprécie profondément l’accueil très favorable que vous faites au mandat d’arrêt européen. Cet instrument judiciaire essentiel facilite la coopération pénale et préfigure les reconnaissances mutuelles que nous inscrivons dans notre droit. Vous avez également montré votre intérêt pour les transfèrements.

Madame Blondin, Mme la ministre des droits des femmes a répondu pour l’essentiel aux observations que vous avez formulées, y compris à celles qui portaient sur les questions pénales. Pour ma part, je puis vous dire que la France a comme objectif sans cesse réaffirmé d’améliorer ses capacités à traiter ces diverses situations. Voilà deux jours, je recevais le directeur général de l'ONUDC, l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime, qui est notamment responsable de l’application de la convention de Palerme. Mes rencontres, mes entretiens bilatéraux ont pour objectif de nous permettre d'avancer de manière aussi efficace et satisfaisante que possible dans ce domaine.

Monsieur le rapporteur, vous avez fait allusion aux repentis de manière générale. Vous le savez, la France travaille sur un statut des repentis. Un projet de décret est d’ailleurs dans les tuyaux depuis deux ou trois ans. En collaboration avec le ministère de l'intérieur, nous avons progressé – ce qui n’a pas été simple – sur la question de la responsabilité, de la durée et du coût de la prise en charge. C’est sur ce dernier point que tout se complique, et nous ne sommes pas encore parvenus à un accord avec le ministère des finances. Des arbitrages doivent être prochainement rendus.

Le statut des repentis intéresse plus particulièrement certains territoires, et dans un premier temps la Corse, au sujet de laquelle j'ai diffusé une circulaire de politique pénale. Ne voulant pas stigmatiser nos compatriotes insulaires, je m’empresse de préciser que ce statut sera probablement utile en d’autres lieux du territoire.

Monsieur Portelli, vos propos sur l'effectivité des droits sont tout à fait justes. Sachez que, dans le cadre des conseils Justice et affaires intérieures, la France se bat beaucoup sur cette question de l'effectivité des droits. De fait, à chaque texte de transposition du droit européen, nous sommes en permanence confrontés aux dissonances qui existent entre le droit continental et le droit anglo-saxon. Cette remarque vaut également pour plusieurs professions, notamment les professions réglementées.

Nous sommes en présence de deux conceptions divergentes, de vocabulaires différents, sans compter les traductions malheureuses. De fait, les transpositions sont un exercice certes acrobatique, mais généralement plutôt réussi, parce que si les notions et les concepts juridiques ne sont pas strictement identiques selon les pays, y compris, vous l'avez souligné, monsieur le sénateur, au sein même des pays de droit continental, nous parvenons malgré tout à respecter le texte d’origine avec toutes ses précisions, tout en nous conformant à notre loi fondamentale. Car c’est bien à cet équilibre que nous devons parvenir !

S’agissant de l'effectivité des droits, sachez que, dès le premier Conseil des ministres auquel j’ai participé, le 8 juin 2012, j'ai fait valoir que la France était favorable au respect des droits des justiciables et donc à la présence de l'avocat non seulement en garde à vue – c'était déjà le cas –, mais également dans le cadre des auditions libres. Ce faisant, j’ai fait remarquer qu'on ne pouvait pas se contenter de proclamer ainsi un nouveau droit sans prendre en considération les inégalités qui en résulteraient, sachant que seuls ceux qui en auraient les moyens pourraient s’attacher les services d’un avocat. C’est pourquoi la France demande, et même revendique, un instrument législatif européen sur l'aide juridictionnelle.

En juin, nous avons obtenu que la commission travaille sur un instrument – comment dire ? – juridique, législatif. Nous devons en effet parfois gérer des nuances sémantiques. Ainsi, lorsque j'ai demandé un instrument législatif, on m'a proposé une résolution visant un legal instrument, ce qui n'est pas tout à fait la même chose. Donc, je précise bien que nous avons obtenu non pas un instrument légal ou juridique, mais un instrument législatif portant sur l’aide juridictionnelle, et c’est ce sur quoi travaille la Commission.

Je le répète, il serait totalement absurde de créer en même temps un nouveau droit et de nouvelles inégalités, ce qui serait contraire à l’esprit du droit français. Je puis vous assurer que nous mettons tout en œuvre pour rendre ce droit effectif.

M Michel a fait des observations sur le coût d’Eurojust. Il a également évoqué le délit d’offense au chef de l'État ; je reviendrai sur ce point lors de la discussion des articles.

Enfin, je veux dire que la possibilité pour les associations de se constituer partie civile est une réelle avancée, et nous savons gré à l'Assemblée nationale d'avoir introduit cette disposition.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie tous de la très grande qualité de ce débat.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion