Intervention de Odette Herviaux

Réunion du 27 mai 2013 à 21h00
Adaptations au droit de l'union européenne dans le domaine du développement durable — Adoption en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Odette HerviauxOdette Herviaux :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le texte que nous avons à examiner ce soir, comme tous les projets de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne, les DDADUE, est un texte complexe et, par définition, privé d’unité. Certes, les DDADUE sont réputés être de nature purement technique et ne poser aucune difficulté, s’agissant de simples transpositions de directives, qui ne laissent, de toute façon, guère de marge de manœuvre au législateur national. Pourtant, nous allons voir au cours de nos débats que ce n’est pas toujours aussi simple.

D’abord, même s’il n’était pas censé poser de problèmes, il m’a bien fallu examiner, au nom de la commission du développement durable, le détail d’un texte copieux, qui, comme vous l’avez dit, madame la ministre, comportait trente et un articles dans sa version initiale, et que nos collègues de l’Assemblée nationale ont complété par onze articles additionnels. De surcroît, certains de ces articles présentent une structure que l’on pourrait qualifier de « gigogne » et ratifient, en une seule disposition, plusieurs ordonnances de transposition différentes. C’est là une première difficulté.

Une deuxième difficulté est venue du calendrier d’examen particulièrement contraint qui nous a été imposé. Le DDADUE « développement durable » a été déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 6 mars dernier. La procédure accélérée a alors été engagée par le Gouvernement. Le texte a été examiné en commission du développement durable le 10 avril, pour être discuté en séance publique les 15 et 17 mai derniers. Au Sénat, il nous a fallu le prendre en commission dès le 22 mai, pour l’examiner en séance publique le 27 ! Madame la ministre, permettez-moi de vous dire que cela ne me paraît pas très satisfaisant, pour un texte aussi long et complexe.

Le rapporteur de l’Assemblée nationale, Philippe Plisson, a fait un gros travail de réécriture de certains articles. Malgré cela, il a encore fallu proposer en commission des amendements relativement nombreux, et non uniquement rédactionnels. Cette hâte à nous faire voter ce texte est d’autant plus regrettable qu’il n’y aura qu’une seule lecture dans chaque assemblée. Pour tout vous dire, madame la ministre, je crains que le souci – certes louable – du Gouvernement d’aller vite pour tenir les délais de transposition fixés à Bruxelles ne l’ait poussé à quelque peu négliger les droits du Parlement, et singulièrement ceux du Sénat.

Néanmoins, au-delà de ces observations critiques sur la forme, dont le Sénat, tous groupes confondus, était déjà coutumier avant 2012, je vois, sur le fond, un triple motif de satisfaction pour la Haute Assemblée d’avoir à examiner ce texte.

Premièrement, nous devons nous féliciter, en tant que parlementaires nationaux, de pouvoir contribuer à réduire le retard pris par la France dans la transposition des directives européennes. La crédibilité de notre pays au sein de l’Union européenne et, partant, son influence réelle, dépendent aussi de sa capacité à transposer en temps et en heure l’abondante législation communautaire, pour l’appliquer effectivement.

À cet égard, il convient de saluer l’attitude républicaine du Gouvernement, qui a décidé d’honorer l’engagement pris par son prédécesseur de présenter chaque année au Parlement des DDADUE sur différents thèmes. Ainsi le présent DDADUE « développement durable » a-t-il été précédé à l’automne dernier par un DDADUE « économique et financier », examiné par la commission des finances, et, cet après-midi, par un DDADUE « justice », soumis à la commission des lois.

Deuxièmement, je constate avec une grande satisfaction que ce DDADUE « développement durable » consacre, par son appellation même, l’émergence du développement durable comme champ majeur d’action des pouvoirs publics. Ce texte épouse presque exactement les contours du champ de compétences de la commission du développement durable, récemment créée, qui recouvre trois rubriques principales : l’environnement, les transports et l’énergie. Seule sa compétence en matière d’aménagement du territoire ne se trouve pas sollicitée par le présent texte. Cette compétence va, pour ne citer que les sujets récemment abordés par votre commission, de l’aménagement numérique à l’aménagement médical du territoire, en passant par l’aménagement des zones littorales et des zones de montagne.

Troisièmement, et c’est un sujet qui m’est particulièrement cher, je suis particulièrement heureuse d’avoir pu, en tant que rapporteur de ce texte, œuvrer à la transposition de la directive de 2009, qui transcrit dans le code des transports le socle des normes sociales de l’OIT applicables aux gens de mer.

Cette directive, qui reprend la convention du travail maritime signée en 2006 dans le cadre de l’OIT, entrera en vigueur le 20 août prochain. Avec cette convention du travail maritime, les États signataires veulent faire respecter un minimum de droits sociaux pour les travailleurs en mer : elle marque assurément un tournant pour mettre fin au règne du « non-droit social » en mer. La France a joué un rôle majeur dans la définition du socle social minimum de cette convention : nous y avons d’autant plus intérêt que nos propres navires, c’est-à-dire ceux qui relèvent du pavillon français, respectent déjà ce socle social, et que nous subissons la concurrence déloyale des navires battant pavillon d’États moins regardants en la matière, y compris au sein même de l’Union européenne.

La mise en place de règles sociales minimales, dès lors qu’elles seront effectivement contrôlées, contribuera donc à rétablir de la loyauté dans la concurrence en mer, sans gêner les navires qui respectent déjà les droits sociaux des marins. Le mouvement est en marche : une quarantaine d’États ont déjà ratifié la convention, soit les trois quarts de la flotte de commerce mondiale. En outre, les États européens devront tous respecter ce socle ; c’est une très bonne nouvelle.

Cependant, le mouvement est loin d’être parvenu à son terme, puisque le contrôle des navires devra être effectif et général. Pour le moment, c’est plus une intention qu’une réalité : les deux directives européennes prévues sur les contrôles n’en sont qu’à l’état de projets, en cours de finalisation dans les instances européennes. Pourtant, depuis 2006, il y a urgence à avancer en la matière.

Pourquoi devons-nous transcrire la directive si nous respectons déjà le socle social de la convention du travail maritime ?

C’est que notre droit maritime est loin d’être harmonisé avec les règles nouvelles. Il nous faut par exemple redéfinir les termes de « marins », de « gens de mer », d’« armateur » et même d’« entreprise maritime ». C’est dans la méthode même du droit européen que de commencer par s’entendre sur les mots avec précision. Ensuite, certaines de nos règles ont été fixées par décret ou même par arrêté voilà parfois fort longtemps. Nous devons réagencer l’ensemble : c’est la tâche de la codification et de la transposition. Certaines règles consacrent des droits qui, s’ils sont respectés par l’usage ou par la solidarité entre marins, n’ont pas force de loi. Enfin, certaines règles sont nouvelles et répondent à des problèmes bien identifiés ; je pense en particulier à la définition d’un délit d’abandon des gens de mer.

D’une manière générale, le chapitre sur les droits sociaux des gens de mer met de l’ordre juridique dans la relation de travail en mer. Ainsi, la responsabilité sociale de l’armateur est clairement affichée, mettant fin aux incertitudes liées à l’enchevêtrement actuel des responsabilités entre l’armateur et l’employeur des marins.

Autre progrès, l’ensemble des gens de mer, c’est-à-dire tous les travailleurs embarqués, sont concernés, alors que bien des règles actuelles sont relatives aux seuls marins, c’est-à-dire à l’équipage proprement dit. Les règles d’aptitude, d’effectifs, les heures et les conditions de travail, de nourriture et même de loisirs à bord sont précisées : la vie à bord trouve ici un cadre plus clair et des règles opposables, puisque la convention reconnaît à tous les gens de mer le droit de se plaindre dans n’importe quel port d’escale. Tous les gens de mer devront disposer d’une pièce d’identité spécifique. Leur droit d’escale en sera mieux garanti.

Cependant, notre travail est loin d’être achevé. D’autres directives en cours élaboration sont encore nécessaires pour rétablir des conditions de concurrence loyale dans le travail maritime. Notre collègue Évelyne Didier et les membres du groupe CRC ont abordé l’an passé le sujet du cabotage maritime. Deux directives sont en préparation à Bruxelles pour atteindre l’objectif ambitieux d’un contrôle de tous les navires touchant un port européen. Quoi qu’il en soit, mes chers collègues, je vous invite à voter cette importante partie du DDADUE relative aux droits sociaux des gens de mer, avec quelques amendements de précision.

Je vous prie de bien vouloir m’excuser si j’ai été un peu longue sur cette partie du texte, mais elle me tient à cœur, car elle est très importante pour l’avenir de la flotte de notre pays. Je serai plus brève sur la présentation du reste du DDADUE, non pas qu’il ne comporte pas de nombreux autres sujets d’importance, mais je ne puis que les citer tant ils sont nombreux.

Ainsi, le titre relatif à l’environnement et à la santé comporte notamment la transposition de la directive Seveso III et l’amélioration de la réglementation applicable aux produits biocides et aux produits dangereux. J’appelle tout particulièrement votre attention sur l’amélioration de la réglementation relative aux plans de prévention des risques technologiques. Cette réforme avait déjà été votée par le Sénat dans le cadre du projet de loi de finances pour 2013, sur l’initiative de notre collègue Philippe Esnol.

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