Intervention de Évelyne Didier

Réunion du 27 mai 2013 à 21h00
Adaptations au droit de l'union européenne dans le domaine du développement durable — Adoption en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Évelyne DidierÉvelyne Didier :

Les responsabilités sont partagées, car les retards s’accumulent depuis maintenant un certain temps. J’ai en mémoire, au moment de l’examen du budget, les propos de Fabienne Keller, laquelle n’a jamais manqué de nous rappeler combien le nombre des directives non transposées était élevé.

Transposer six directives dans des domaines aussi techniques que variés, adapter notre droit au droit européen nécessite un temps d’expertise et d’analyse sur chaque dossier. Ce temps, nous ne l’avons pas : aujourd’hui, notre rôle se cantonne à dire « oui » ou « non » à des politiques qui échappent de plus en plus aux parlementaires nationaux.

C’est pourquoi, tout en présentant un certain nombre de remarques, j’ai souhaité placer mon intervention dans la perspective de l’adoption du septième Programme d’action pour l’environnement, PAE, en cours d’élaboration à Bruxelles. Il me semble pertinent de tenir compte des grandes orientations qui s’en dégagent au regard des sujets abordés par le projet de loi.

Le titre Ier, que j’ai évoqué précédemment, fait déjà l’objet d’un bilan puisque la protection de la santé humaine a constitué l’un des objectifs principaux de la politique environnementale établie dans le cadre du sixième PAE.

En ce qui concerne la réglementation relative à la mise à disposition sur le marché et l’utilisation des produits biocides, et au regard des objectifs qui se dessinent dans le cadre du septième PAE, des politiques plus ambitieuses doivent être mises en œuvre. Le bureau européen de l’environnement a d’ailleurs proposé une application accélérée de REACH afin d’assurer la restriction des produits chimiques les plus dangereux.

Le rapport d’information du Sénat sur les pesticides dénonce également un certain nombre de défaillances. Il préconise, notamment, d’améliorer la procédure d’autorisation de mise sur le marché, dite AMM, des pesticides et le suivi post-AMM. Dans ce contexte, la création d’une autorisation de mise sur le marché qui serait délivrée au niveau européen avec dispense d’autorisation nationale nous semble peu satisfaisante.

De plus, les moyens accordés aux contrôles sanitaires doivent être renforcés et ceux-ci doivent être mieux coordonnés. Le rapport d’information sur le septième PAE Bien vivre dans les limites de notre planète du député Arnaud Leroy fait le constat qu’au-delà des contraintes techniques, l’une des difficultés qui explique la mauvaise application des réglementations européennes environnementales « réside dans le manque de ressources dont disposent les États membres pour assurer un suivi satisfaisant de la mise en œuvre des directives et des règlements communautaires ».

À ce titre, je voudrais attirer votre attention, madame la ministre, sur les dangers avérés des procédures d’autocertification et d’autocontrôle. Ces procédés, conçus pour alléger les contrôles officiels, ont tendance à les supplanter. L’enjeu est d’exclure les conflits d’intérêts sans risquer d’amoindrir le niveau d’excellence des experts recrutés. Nous pensons que cela passe par le maintien ou le renforcement des compétences des services de l’État dans les domaines concernés.

J’en viens à l’article 9, qui vise à permettre aux personnes morales exerçant légalement leurs activités de vétérinaire dans un État autre que la France d’exercer en « libre prestation de services ». Je ne reviendrai pas ici sur les dangers de la financiarisation de l’exercice d’une profession au centre de la protection de la santé publique. Malgré les garde-fous évoqués par notre collègue Courteau, le risque est réel de fragiliser l’indépendance des contrôles.

En ce qui concerne la directive dite « Eurovignette », nous prenons acte de l’effort de rééquilibrage. Cet effort sera-t-il suffisant ? Nous verrons… Dans le septième PAE, il est prévu que d’ici à 2020, en matière de santé et de bien-être, l’Union européenne s’assigne pour objectif d’améliorer sensiblement la qualité de l’air sur son territoire et de diminuer significativement la pollution sonore. On peut regretter, ici, l’absence d’ambition en ce qui concerne le report modal, qui constitue un outil efficace dans ces domaines.

L’article 30 bis de ratification de l’ordonnance du 28 juin 2012 relative au système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre, outre la méthode, appelle les remarques que nous avions faites il y a à peine deux mois. L’instauration d’un marché carbone n’a pas su répondre aux objectifs qui lui étaient assignés. Après la décision du Parlement européen, qui a rejeté la proposition de la Commission de réduire temporairement la quantité de quotas mis sur le marché carbone, nos doutes sur ce mécanisme sont malheureusement confortés. Nous devons impérativement réfléchir à d’autres outils.

En ce qui concerne la transposition du troisième paquet énergie, vous connaissez notre position. Je n’y reviens pas.

Enfin, je souhaiterais, vous ne m’en tiendrez pas rigueur, je l’espère, clore cette intervention par quelques remarques sur le chapitre Ier et les dispositions relatives à la prévention des risques.

Le principe qui doit guider notre conduite est celui qui consiste à réduire le danger de l’activité dès le départ, comme l’a souligné notre collègue Dantec. Or, aujourd’hui, l’entreprise choisit l’expert chargé de la prévention des risques. Les élus et les habitants ne sont pas associés à la démarche et ne disposent généralement pas des éléments de connaissance qui sont nécessaires à l’appréciation de la qualité des propositions faites. Voilà pourquoi il serait souhaitable de donner aux élus la possibilité de financer une expertise indépendante. Avec les populations, ils doivent être associés au processus d’estimation et à l’élaboration des préconisations.

Il n’est pas normal que les communes financent les travaux ou les coûts d’expropriation si elles n’ont pas accordé elles-mêmes de permis de construire. Je rappelle que jusqu’en 1983 la procédure d’examen des demandes de permis de construire dépendait essentiellement des services de l’État.

Quant aux habitants, puisqu’on les a autorisés à construire, pourquoi devraient-ils payer les travaux ? La proposition d’un plafond de 20 000 euros de travaux représenterait plus de 10 % de la valeur vénale de certains biens : on sait bien que certaines familles ne pourraient pas le payer. Si les industriels ont des difficultés de financement, ne pourraient-ils pas mutualiser leurs difficultés, créer un fonds de solidarité ou bien encore s’assurer ? Il y a bien d’autres solutions que de faire payer les habitants et les communes.

Mes chers collègues, au regard des quelques remarques que je viens de formuler et de mon intervention sur l’article 1er, sur lequel j’ai demandé la parole, les sénateurs du groupe CRC devraient a priori s’abstenir sur ce projet de loi, malgré les avancées qu’il comporte, sauf si le débat nous conduisait à modifier notre position.

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