Intervention de Delphine Bataille

Réunion du 27 mai 2013 à 21h00
Adaptations au droit de l'union européenne dans le domaine du développement durable — Adoption en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Delphine BatailleDelphine Bataille :

Monsieur le président, madame la ministre, madame, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd’hui vise à opérer, de manière urgente, la transposition obligatoire de six directives européennes, à améliorer l’application de plusieurs autres directives déjà transposées et à ratifier douze ordonnances. Ce texte très fourni, transversal et particulièrement complexe comporte des enjeux majeurs pour notre pays. Parmi ses nombreuses dispositions, j’évoquerai quelques articles dont la commission de l’économie a été saisie au fond ou pour avis.

L’article 9 permet de compléter la transposition de la directive « services » dans le domaine de la profession de vétérinaire. Il revient sur deux freins, relevés par la Commission européenne, concernant la liberté d’établissement en France de vétérinaires venant des autres États membres. Il ouvre ainsi la possibilité aux personnes morales, au même titre que pour les personnes physiques, d’accéder à la libre prestation de service et permet d’élargir à toutes les sociétés la possibilité d’exercer la profession de vétérinaire.

En France, les vétérinaires jouent un rôle essentiel en matière de santé publique. Ce texte prévoit donc quelques garanties afin d’éviter certaines dérives. Toutefois, la mise en place de cette directive a suscité des craintes quant au niveau de formation des médecins vétérinaires et à leur indépendance.

En ce qui concerne les qualifications nécessaires à l’exercice de cette profession, je rappelle que la directive « services » complète une autre directive, relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles, qui harmonise les conditions d’accès à la profession de vétérinaire.

Notons que les jeunes professionnels qui arrivent sur le marché du travail en France sont déjà, pour près de 40 % d’entre eux, issus d’écoles vétérinaires européennes. Par ailleurs, il est indéniable que, dans le contexte actuel d’une baisse de la démographie de cette profession en milieu rural, l’ouverture européenne est plus que nécessaire.

Ce projet de loi comporte également un important volet relatif à l’énergie. Parmi les principaux points faisant débat, le terme de « biocarburants » avait déjà fait l’objet de longues discussions lors du Grenelle de l’environnement. Certains voudraient faire cesser l’amalgame qui condamne systématiquement tous les biocarburants qui ne sont pas certifiés « bio », préférant les dénommer « agrocarburants ». Néanmoins, le terme générique de biocarburant renvoie à tous les carburants produits à partir de la biomasse. De surcroît, il constitue un terme de référence dans tous les textes européens. Ainsi, après la modification apportée par l’Assemblée nationale, notre commission, sur la proposition de Roland Courteau, a adopté un amendement visant à préserver la version initiale mentionnant le terme de « biocarburants ».

La transposition prévue à l’article 27 permet de réaffirmer l’objectif fixé à la France d’atteindre une consommation de 23 % d’énergies renouvelables en 2020 et précise que 10 % devront concerner le secteur des transports. En réalisant des économies d’énergie et en introduisant des énergies renouvelables, l’objectif est de limiter la proportion de CO2 dans l’atmosphère et de lutter contre le réchauffement climatique. Pour atteindre cet objectif, la France devra quasiment doubler la part actuelle des énergies renouvelables dans sa consommation finale. Celui-ci sera donc relativement difficile à atteindre, comme d’ailleurs dans la plupart des États membres.

C’est pourquoi l’Europe préconise des efforts supplémentaires et prévoit un certain nombre de mesures obligatoires. Elle propose notamment de développer la cogénération dans les usines de production d’électricité, ou encore de soumettre les grandes entreprises à un audit de leur consommation d’énergie afin d’identifier les leviers d’économies possibles.

Néanmoins, la France se distingue par ses faibles rejets de CO2 par habitant du fait, notamment, de la part de l’énergie nucléaire dans la production d’électricité. À cet égard, l’Allemagne n’est pas forcément un exemple à suivre puisque l’arrêt des centrales nucléaires et le rendement moins important qu’attendu de l’énergie éolienne l’amènent à relancer les centrales électriques à flamme, au charbon et au lignite.

Le texte que nous examinons permet aussi, à l’article 28, la transposition du troisième paquet énergie. Le Gouvernement, qui a choisi, dans le cadre de la libéralisation du marché de l’énergie, l’option gestionnaire de réseau de transport indépendant, préserve le modèle français de transport d’électricité, fondé plus sur l’intérêt général que sur le respect des règles de la concurrence.

L’instauration d’un audit énergétique est explicitée à l’article 29, mais la directive impose un calendrier strict, assorti de sanctions en cas de non-respect. Le délai limite de réalisation du premier audit est le principal sujet d’inquiétude des professionnels. Cependant, les délais sont fixés par la directive elle-même et je crois, madame la ministre, que vous contribuerez à les rassurer en vous engageant à publier rapidement les textes réglementaires.

Par ailleurs, si l’on s’interroge sur l’opportunité et l’efficacité d’un audit réalisé en interne, il faut souligner que ce type d’audit est tellement particulier qu’il est difficile de trouver des organismes extérieurs capables de les mener. De plus, on peut s’interroger à juste titre sur la neutralité et la compétence d’organismes prétendument indépendants, dont l’objectif inavoué est parfois de déséquilibrer les grands acteurs de l’énergie.

L’article 30 bis A, quant à lui, renforce les politiques de soutien à la cogénération. Il permet le recours à un dispositif de financement transitoire en attendant la mise en œuvre d’un mécanisme de capacité.

En conclusion, la plupart des dispositions contenues dans ce projet de loi ne soulèvent pas trop d’inquiétudes, et le débat au Parlement nous permet non seulement d’approfondir notre réflexion sur les thématiques abordées, mais aussi de corriger certaines mesures.

Cependant, en matière d’efficacité énergétique et, plus globalement, de développement durable, les efforts des États membres sont encore insuffisants, et l’Europe est de surcroît bien isolée par rapport aux grands pays que sont les États-Unis, la Russie et la Chine. En effet – faut-il le rappeler ? –, la lutte contre le réchauffement climatique concerne non pas la France ou l’Europe seules, mais la planète tout entière.

Madame la ministre, au moment où le Gouvernement engage résolument la démarche d’excellence environnementale promise par le Président de la République, il faut souligner que notre politique en matière de développement durable, pour être efficace et cohérente, doit se construire sur le plan européen et être reprise à l’échelle planétaire.

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