Ce qui m’inquiète à cet instant, c’est la déclaration faite par M. le Président de la République le 23 juillet dernier lors d’une visite des chantiers navals de Saint-Nazaire. Le Président de la République a établi une distinction entre les « personnes touchées par l’amiante » et les personnes qui ont été simplement « exposées », laissant ainsi entendre que l’on pourrait réserver le bénéfice de l’ACAATA aux seuls salariés malades. C’est la Cour des comptes qui, la première, avait émis cette idée en 2007, alors qu’elle s’alarmait du poids de plus en plus lourd des fonds « amiante ».
Je vous le dis sans ambages, monsieur le ministre, une telle réforme serait totalement inadmissible pour les victimes de l’amiante. Elle viderait totalement le dispositif de cessation anticipée des travailleurs de l’amiante de sa substance puisque 90 % des allocataires environ y entrent par la voie de l’exposition et 10 % seulement en raison de leur pathologie professionnelle. Surtout, cela serait totalement contraire à l’esprit du dispositif de préretraite, qui vise à compenser la perte d’espérance de vie à laquelle sont statistiquement confrontées les personnes ayant été exposées à l’amiante au cours de leur vie professionnelle.
Comme cela vous a été rappelé lors du débat sur les retraites, il peut suffire d’une fibre d’amiante pour développer trente à quarante ans plus tard un mésothéliome et mourir dans les douze à dix-huit mois qui suivent la déclaration de la maladie.
J’espère sincèrement, monsieur le ministre, que ce n’est pas la voie dans laquelle vous envisagez de vous engager.
Au-delà, il apparaît tout aussi nécessaire d’harmoniser les conditions de prise en charge de l’allocation au sein des différents régimes dans le sens le plus favorable aux victimes de l’amiante. Il conviendrait, à cette fin, d’instaurer des mesures de réciprocité entre les régimes d’assurance maladie pour faire en sorte que chacun d’eux puisse opérer le cumul de toutes les périodes d’activité susceptibles d’ouvrir droit à l’ACAATA, tous régimes confondus. La mobilité au sein des parcours professionnels, qui correspond à une tendance forte du marché actuel de l’emploi, doit en effet être prise en considération.
À ce sujet, j’avais déposé avec mes collègues du groupe socialiste, lors du débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, un amendement visant à harmoniser les régimes pour le service de l’ACAATA. Malheureusement, cet amendement, après avis défavorable du Gouvernement, avait été rejeté. J’espère pouvoir vous convaincre de faire évoluer la position du Gouvernement sur ce sujet…
Le dernier point que je voudrais évoquer s’agissant de l’ACAATA est son montant. Vous le savez, il est fixé par l’article 2 du décret n° 99-241 du 29 mars 1999 et équivaut, on ne le rappellera jamais assez, à 65 % du salaire de référence, lequel correspond à la moyenne des rémunérations perçues au cours des douze derniers mois d’activité salariée.
La plupart des personnes concernées, par la voix des associations de victimes et des syndicats de salariés, jugent ce montant trop faible, notamment pour les ouvriers les moins qualifiés, et estiment que les sommes qui leur sont aujourd’hui octroyées dans le cadre de l’allocation de cessation d’activité ne leur permettent pas de vivre.
En 2005, la mission d’information du Sénat avait pris clairement position en faveur d’une revalorisation du montant de l’ACAATA. J’ai bien noté que le montant minimum de l’allocation a été revalorisé de 20 % à la fin de l’année 2009. Un geste plus significatif ne serait que justice, d’autant que l’assiette servant de base au calcul – c’est un point sur lequel j’aimerais pouvoir vous faire changer d’avis – influe sur le montant de l’allocation.
Vous le savez, monsieur le ministre, en décembre 2007, la Cour de cassation avait considéré que tous les éléments de rémunérations, y compris les indemnités pour des jours de congés payés, de RTT non pris ou cumulés dans des comptes épargne-temps devaient être pris en compte dans l’assiette de calcul. Le Gouvernement est passé outre avec la publication du décret n° 2009-1735 du 30 décembre 2009, qui ne prend en compte que les éléments de revenu qui présentent un caractère régulier et habituel, ce qui exclut les indemnités compensatrices. Pour certains travailleurs, cela a entraîné une baisse tout à fait substantielle du montant de l’ACAATA, les incitant ainsi à renoncer à la préretraite pour des raisons pécuniaires.
Monsieur le ministre, ce sont des économies de bouts de chandelles faites sur le dos des victimes de l’amiante ! Cela me semble particulièrement injuste. Vous seriez bien inspiré de revoir cette décision.