Intervention de Benoît Hamon

Réunion du 28 mai 2013 à 14h30
Déblocage exceptionnel de la participation et de l'intéressement — Adoption en procédure accélérée d'une proposition de loi modifiée

Benoît Hamon :

Monsieur le président, madame la rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis aujourd’hui ici pour présenter la proposition de loi, dont l’initiative revient au groupe socialiste de l’Assemblée nationale, portant déblocage exceptionnel de l’épargne salariale : il s’agit d’offrir aux salariés la possibilité de débloquer de manière exceptionnelle une partie de leur épargne salariale, pendant une période d’une durée de six mois.

Cette mesure a été prise en cohérence avec d’autres orientations du Gouvernement en matière de soutien à l’activité économique et à la croissance.

Notre première orientation concerne évidemment la création d’un environnement européen plus favorable à la croissance et tenant compte de rythmes de consolidation budgétaire qui n’altèrent pas les possibilités de reprise dans l’Union européenne. Ce travail a trouvé une première traduction dans la réorientation de la politique européenne et le changement de doctrine de la Commission sur les rythmes de consolidation budgétaire.

Notre deuxième priorité est la restauration de la compétitivité de nos entreprises et de leurs marges, pour qu’elles créent de nouveau de l’emploi. C’est le sens du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, mesure d’ores et déjà préfinancée, qui devrait permettre aux entreprises de restaurer leurs marges, donc leur compétitivité, et leur capacité à exporter et à créer de l’emploi.

Enfin, le soutien à la consommation est le dernier pilier de cette stratégie de croissance. Celle-ci a en effet été altérée ces dernières années, puisque, pour la première fois en 2012, le pouvoir d’achat des Français a reculé de manière suffisamment significative pour affecter la consommation. Il s’agit pourtant là d’un pilier fondamental de l’activité en France, qu’il est bien évidemment nécessaire de restaurer. C’est d’ailleurs le sens de la proposition formulée le 28 mars dernier par le Président de la République, qui a annoncé sa volonté d’ouvrir la possibilité d’un déblocage exceptionnel de la participation et de l’intéressement pendant une période de six mois.

Nous avons voulu que cette mesure soit la plus simple et la plus lisible possible, de façon que, tout en encourageant concrètement la consommation, elle ne porte atteinte ni à l’épargne longue ni à l’épargne solidaire.

L’épargne salariale, vous n’êtes pas sans le savoir, c’est à peu près 90 milliards d’euros d’encours. La part des sommes bloquées au sein de cet encours global concerne environ 4 millions de salariés français, qui pourraient faire usage, selon leurs besoins, d’une partie de leur épargne salariale pour consommer.

Nous avons voulu flécher l’utilisation de cette épargne salariale vers la consommation et je me réjouis que l’Assemblée nationale nous ait aidé à cibler cette mesure, afin d’éviter que le déblocage de ces sommes – 20 000 euros au maximum – n’aille abonder d’autres produits financiers, dont certains Français pourraient attendre une meilleure rémunération.

À cet égard, permettez-moi, mesdames, messieurs les sénateurs, d’entrer tout de suite dans le vif du sujet. Plusieurs sénateurs appartenant notamment à l’UDI-UC ont souhaité renforcer encore ce ciblage, en proposant un amendement visant à flécher encore plus strictement les sommes débloquées par les Français, qui seraient destinées uniquement à l’achat de services et non de biens d’équipement, au motif – la philosophie est louable – que les emplois dans le secteur des services sont localisés en France et non à l’étranger, comme c’est souvent le cas lorsqu’il s’agit de fournitures ou de biens d’équipement. Je pense aux téléviseurs ou aux automobiles, même si on fabrique aussi, et c’est heureux, des automobiles en France.

Je le dis tout de suite, le Gouvernement ne souhaite pas qu’on limite trop la portée d’une telle mesure. Par exemple, si une personne décide d’acheter une cuisine, peu importe chez quel cuisiniste, elle achète en réalité un service, à savoir la pose de la cuisine, mais aussi des biens, tels que meubles, cuisinière et réfrigérateur.

Ainsi, – c’est mon premier argument – le fait de limiter le déblocage de l’épargne salariale aux services risquerait donc de freiner les salariés qui souhaitent équiper leur maison d’une véranda ou d’une cuisine. Si je comprends la volonté de certains parlementaires de soutenir le secteur du bâtiment, je ne crois pas qu’en empêchant les salariés français de s’acheter des biens d’équipement on renforce pour autant les achats de services dans le domaine du bâtiment. Je crains même qu’on ne les restreigne.

Au demeurant, la logique des sénateurs centristes rejoint, me semble-t-il, la philosophie générale de ce texte. J’évoquerai toutefois un autre argument, particulièrement important à mes yeux, qui justifie l’opposition du Gouvernement à un tel amendement. Aujourd’hui, quand on achète des services, on fait effectivement appel à des emplois localisés en France. Toutefois, les biens que nous achetons n’ont pas tous été fabriqués en Corée ou au Japon ! Une bonne partie des automobiles achetées en France viennent heureusement de France, grâce à des marques comme Peugeot ou Renault. Or le déblocage de l’épargne salariale permettra de déstocker un bon nombre de véhicules aujourd’hui détenus par les concessionnaires.

De surcroît, même si on achète un bien importé, combien sont-ils, ces emplois liés au service clientèle d’un certain nombre de grandes marques commercialisant de l’électroménager et localisées dans notre pays ? Combien sont-ils, ces emplois de la grande distribution, créés ici parce qu’on y achète des produits ? Peu importe qu’ils soient fabriqués ici ou ailleurs ! Le soutien à la consommation des ménages, en particulier de biens d’équipement, permet aussi de soutenir l’emploi en France.

En tant que ministre chargé de l’économie sociale et solidaire, permettez-moi, mesdames, messieurs les sénateurs, de formuler une remarque supplémentaire. La filière de la réparation est aujourd’hui en train de se développer dans le secteur de l’électroménager et des biens d’équipement. Les emplois qu’elle crée, localisés en France, sont soutenus par l’achat de ces biens.

Cet ensemble d’arguments, que je tenais à avancer à ce stade du débat, devraient justifier qu’on en reste à la rédaction du texte en son état actuel, sans chercher à limiter le déblocage de l’épargne salariale uniquement à l’achat de services.

La lisibilité de ce texte, c’est aussi de fixer une période de six mois, à savoir du 1er juillet au 31 décembre 2013.

Nous avons également prévu un certain nombre de garde-fous. Tout d’abord, notre choix s’est porté sur un dispositif préservant l’épargne placée en vue de la retraite dans les PERCO, les plans d’épargne pour la retraite collectifs, afin d’éviter que cet investissement, qui consiste à préparer le futur, ne soit pas sacrifié à un besoin immédiat de consommation.

Nous préservons aussi les fonds solidaires, qui bénéficieront donc d’un statut particulier. En effet, les besoins des entreprises de l’économie sociale et solidaire, en raison de leur modèle capitalistique, sont différents de ceux des entreprises dites de l’économie classique. Elles ont un fonctionnement beaucoup plus tempérant et patient, qui suppose de disposer d’un accès à des financements pérennes, auxquels participent les fonds solidaires. Il était donc nécessaire de les mettre à l’écart de ce dispositif de déblocage exceptionnel de l’intéressement et de la participation. Cela ne remet pas en cause ce que nous considérons être un outil fondamental d’association des salariés à la performance des entreprises.

Je rappelle également que la participation, l'intéressement et l'épargne salariale ne sont pas des outils de rémunération du travail ; ce sont des outils de partage des profits, d'intéressement à la performance, qui procèdent d’une philosophie quelque peu différente. Ce modèle original qui est celui de la France justifie d'être consolidé parce qu'il est de surcroît un objet de dialogue social et que cela fonctionne plutôt bien.

Cette mesure exceptionnelle que nous vous soumettons ne préjuge pas de ce que sera la réforme plus globale de l'épargne salariale. Une fois installé, le COPIESAS, le Conseil d’orientation de la participation, de l’intéressement, de l’épargne salariale et de l’actionnariat des salariés, …

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