Intervention de Isabelle Debré

Réunion du 28 mai 2013 à 14h30
Déblocage exceptionnel de la participation et de l'intéressement — Adoption en procédure accélérée d'une proposition de loi modifiée

Photo de Isabelle DebréIsabelle Debré :

Pour la première fois depuis 1984, année où vous étiez déjà aux affaires, le pouvoir d’achat des Français a reculé. En 2012, l’INSEE évoque une diminution du pouvoir d’achat de 0, 4 %, imputable, selon lui, à la forte hausse des impôts.

À notre grand regret, la seule mesure que vous préconisez pour remplir le porte-monnaie bien allégé des Français est celle qui avait été mise en œuvre en 2008 et qui n’a pas produit – il faut bien le reconnaître – les effets escomptés.

Des études portant sur les mesures de déblocage de 2004 et 2008 ont été réalisées, s’intéressant notamment aux usages faits des sommes débloquées.

Selon une étude de l’INSEE datée de 2005, les deux tiers des retraits effectués en 2004 étaient allés vers des placements plus souples, comme le livret A, ou des placements plus rémunérateurs, comme l’assurance-vie. À titre d’exemple, sur les 7 milliards d’euros dégagés en 2004, à peine 2 milliards d’euros avaient été injectés dans des consommations nouvelles. Ces 7 milliards d’euros ne représentaient d’ailleurs qu’un dixième de l’encours total de l’épargne salariale.

En 2008, 1, 6 million de salariés avaient retiré un total de 3, 9 milliards d’euros, bien loin de l’objectif visé, fixé à 12 milliards d’euros.

J’ajoute que la mesure que vous proposez représentera un manque à gagner pour l’État, dans la mesure où les déblocages seront exonérés d’impôt.

Il ne s’agit finalement que d’un simple effet d’annonce qui n’aura aucune influence positive sur le pouvoir d’achat et qui replace sur le devant de la scène le mythe – éternel, pourrais-je dire – de la relance de la croissance par la consommation.

Croyez-vous réellement que les Français aient réellement l’intention, en temps de crise – je rappelle que la France est en récession –, d’affecter les avoirs retirés à la consommation de biens et de services ? Il faudrait d’abord restaurer la confiance pour que nos concitoyens consomment, mais aussi lutter plus efficacement en faveur de l’emploi et du développement des entreprises.

Compte tenu de la situation dans laquelle se trouve notre pays, les Français s’abstiendront de retirer leurs avoirs, ou placeront les sommes débloquées sur un livret A, par exemple, qui a un profil plus liquide.

En outre, vous souhaitez permettre le déblocage de 20 000 euros, alors même que la moyenne d’un compte d’épargne salariale s’élève, vous le savez, à 7 500 euros : aussi proposerons-nous un amendement tendant à abaisser le plafond de déblocage à 10 000 euros. Un deuxième amendement que je vous présenterai vise à ne débloquer que les sommes placées en fonds monétaires, afin de ne pas grever excessivement le budget des entreprises.

Je tiens également à souligner que les travaux de l’Assemblée nationale ont complexifié le dispositif du déblocage, pour obliger nos concitoyens à consommer et non à épargner. À la suite de l’adoption d’un amendement du rapporteur, il a été décidé que le salarié doit pouvoir tenir à la disposition de l’administration fiscale toutes les pièces justificatives attestant l’usage des sommes débloquées ! Nos collègues étaient-ils conscients qu’une telle mesure est tout simplement inapplicable, tant pour le salarié que pour les contrôleurs ? Nous présenterons donc un amendement visant à simplifier le contrôle, en confiant au teneur du compte la tâche de la gestion administrative auprès de l’administration fiscale.

Monsieur le ministre, nous sommes sans illusion sur les effets réels du déblocage de la participation et de l’intéressement sur la consommation. Avec ce dispositif, vous voulez nous faire croire que vous pouvez relancer la consommation en augmentant le pouvoir d’achat. C’est une fausse bonne idée et les expériences passées l’ont malheureusement démontré – même celles de la précédente majorité, à laquelle j’appartenais !

J’avancerai enfin un dernier argument. Alors que la prochaine réforme des retraites doit être engagée rapidement et qu’un allongement de la durée de cotisations se profile, quel peut être l’intérêt des salariés à liquider aujourd’hui leur épargne longue ? Ne devrait-on pas, au contraire, inciter nos concitoyens à préparer de façon sereine leur retraite grâce à ces différents dispositifs d’épargne salariale ?

Pour l’ensemble de ces raisons, et à défaut de prise en compte des amendements défendus par notre groupe, nous nous opposerons au texte qui nous est proposé.

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