Passés les six mois durant lesquels les salariés pourront prétendre au déblocage de l’intéressement et de la participation, le Gouvernement, s’il ne trouve pas d’autres moyens d’action pour soutenir la consommation, ne disposera d’aucun levier supplémentaire pour relancer l’économie.
Et personne ne peut raisonnablement prétendre, aujourd’hui, que les conséquences catastrophiques des politiques menées depuis des années et qui, malheureusement, se poursuivent pourraient être contrebalancées par cette seule mesure. En 2014, lorsque les délais d’application de cette loi auront expiré, comment entendez-vous, monsieur le ministre, permettre aux salariés de notre pays de consommer des produits de qualité – qui plus est, fabriqués en France –, quand les Français sont déjà des millions à renoncer aux soins, faute d’argent, et que le nombre de salariés pauvres ne cesse de croître ?
Nous doutons d’autant plus de l’efficacité de cette mesure qu’elle suppose que toutes les sommes débloquées par les salariés soient réinvesties dans la consommation. Si j’admets que plus de 8 millions de salariés sont concernés, nous ne pouvons ignorer ni les expériences malheureuses du passé, ni le contexte actuel.
On sait en effet, grâce à une étude de l’INSEE menée à la suite du déblocage de l’intéressement mis en œuvre en 2004, que, sur les 7, 5 milliards d’euros débloqués par les salariés, au mieux 2, 5 milliards d’euros ont été réinjectés dans la consommation. Les salariés ont donc fait très majoritairement le choix de placer ces sommes sur d’autres supports d’épargne, plus souples et pouvant être mobilisés par la suite plus facilement.
Or, compte tenu de l’effet anxiogène de la crise économique, tout nous conduit à penser que les salariés auront aujourd’hui le même comportement qu’en 2004 et en 2008, d’autant plus que cette disposition intervient après que le Gouvernement a fait le choix de rehausser le plafond du livret A, placement préféré de nos concitoyens.
Cela étant dit, cette proposition de loi montre – c’est ce qui nous intéresse plus particulièrement – que les députés socialistes, tout comme le Président de la République et le Gouvernement, donnent raison à l’analyse qui est la nôtre depuis maintenant plusieurs années, selon laquelle la relance économique de notre pays passe aussi par une relance de la consommation. C’est la raison pour laquelle nous nous abstiendrons sur ce texte, en invitant le Gouvernement à aller beaucoup plus loin.
Comment ne pas exprimer ici notre déception après l’annonce, par le ministre de l’économie et des finances, du refus de légiférer pour encadrer les rémunérations des dirigeants d’entreprise ? En lieu et place d’une loi, le Gouvernement dit avoir obtenu de la présidente du MEDEF, Laurence Parisot, et du président de l’Association française des entreprises privées, l’AFEP, Pierre Pringuet, « un renforcement de leur code de gouvernance ». Vous faites ainsi le choix de vous en remettre à une très hypothétique autorégulation des patrons et des actionnaires au lieu de recourir à la loi, autrement efficace.
Vous auriez mieux fait de vous inspirer de notre proposition de loi du 21 mai 2012 « tendant à encadrer les écarts de rémunération au sein des entreprises publiques et privées ». Notre dispositif permettait de relever les salaires les plus bas, puisque toute décision ayant pour effet de porter le montant annuel de la rémunération la plus élevée à un niveau vingt fois supérieur à celui du salaire le plus bas aurait été considérée comme nulle, dès lors que le salaire le plus bas ne serait pas relevé. Voilà une mesure qui permettrait, n’en doutons pas, d’augmenter le pouvoir d’achat !
Notre conviction, monsieur le ministre, est qu’il faut rompre définitivement avec toutes les politiques budgétaires et salariales récessives, en mettant en place une stratégie de croissance conjuguant relance de l’offre et relance de la demande, en soumettant la finance pour favoriser l’investissement productif.
Car de quelle crise parlons-nous, sinon de la crise d’un système économique, le capitalisme, qui conduit notre pays dans le mur, en accaparant les richesses économiques de la planète et en mettant sous tension les salariés, voire en les appauvrissant ?
D’ailleurs, où est la crise pour les actionnaires du CAC 40, qui se sont arrangés, depuis 2008, pour stabiliser les dividendes distribués à un très haut niveau en faisant des salariés les variables d’ajustement de la crise ?
N’est-ce pas Le Figaro qui annonçait, il y a moins d’un mois, que le groupe Lagardère allait distribuer 1, 2 milliard d’euros de dividendes exceptionnels à ses actionnaires, soit près de deux fois le montant de la taxe supplémentaire infligée à partir de cette année aux retraités imposables ?
De quelle crise parle-t-on lorsque le journal Les Échos – voyez, j’ai de bonnes lectures ! – indique, dans son édition du 21 mai 2013, donc tout récemment, que l’«’abondance de liquidités et la recherche de rendement poussent les investisseurs vers les actions ».
Décidément, ce texte ne va pas assez loin ! Il faut, monsieur le ministre, de tout autres ambitions pour que notre pays retrouve le chemin du dynamisme économique et de la justice sociale.
Telles sont les raisons pour lesquelles le groupe CRC s’abstiendra sur ce texte.