Intervention de Jacqueline Alquier

Réunion du 28 mai 2013 à 14h30
Déblocage exceptionnel de la participation et de l'intéressement — Adoption en procédure accélérée d'une proposition de loi modifiée

Photo de Jacqueline AlquierJacqueline Alquier :

Monsieur le président, madame la rapporteur, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous le savons tous, le pouvoir d’achat des Français est aujourd’hui en berne. Certains collègues l’ont rappelé, un recul de 0, 4 % a été observé en 2012, ce qui ne s’était plus produit depuis 1984.

Au même titre que l’emploi, le pouvoir d’achat est l’une des grandes causes nationales sur le plan économique. Depuis un an, le Gouvernement et la majorité parlementaire se mobilisent pour adopter les mesures nécessaires et encourager les entreprises de ce pays.

Plutôt que d’expliquer que ces mesures seraient insuffisantes et qu’elles ne feraient qu’illustrer le prétendu immobilisme du Gouvernement, laissons-leur le temps de produire leurs effets ! Les auteurs de ces critiques, sauf à penser qu’ils ne retournent jamais dans leur circonscription, savent pertinemment que des mesures ne sont jamais d’effet immédiat, que ce soit en termes d’emploi, de santé ou d’éducation.

Sur le sujet qui nous intéresse aujourd’hui, notre réaction, qui consiste à débloquer une partie de l’épargne salariale afin de l’orienter vers la consommation, principal moteur de la croissance dans notre modèle économique actuel, va permettre en effet de donner un coup de pouce au pouvoir d’achat des Français.

À cet égard, je voudrais d’ailleurs rappeler à l’opposition qu’elle ne peut sans cesse imputer à la gauche, après seulement un an d’action, les problèmes de pouvoir d’achat des Français. D’ailleurs, lorsqu’elle était aux responsabilités, le déblocage de l’épargne salariale adopté n’était assorti d’aucune condition et n’a donc eu aucun effet véritable sur la consommation. Il vaut donc mieux s’abstenir de toute prévision.

Je voudrais à ce titre souligner la présence d’esprit de nos collègues députés, qui ont demandé au Gouvernement le dépôt d’un rapport réalisant le bilan de la mesure dans le délai d’un an après son adoption.

Ce rapport nous permettra sans doute, et pour la première fois depuis vingt ans, de disposer dans les mois qui viennent de données fiables sur l’effet d’un tel déblocage.

À travers les précédentes interventions de nos collègues de la majorité, nous avons pu à nouveau revenir sur les objectifs de ce texte, qui aura des effets positifs au niveau tant microéconomique que macroéconomique.

Il est en effet salutaire de permettre aux Français de débloquer leur épargne salariale en temps de crise, sans pénalités fiscales. Par ce texte, nous comblons temporairement un manque de la loi. Celle-ci prévoit d’ores et déjà un déblocage anticipé en cas de coup dur, mais rien, en revanche, en cas de crise économique. Il fallait donc permettre ce déblocage afin d’orienter une partie de l’épargne salariale, aujourd’hui indisponible, vers la consommation. Le dispositif proposé est de nature à redonner quelques marges de manœuvre aux ménages pour des achats de biens durables ou d’équipement.

Une autre amélioration doit être relevée : dans ce texte, le déblocage exceptionnel porte aussi sur l’intéressement, ce qui n’est pas négligeable. Cela permettra de ne pas s’adresser uniquement aux salariés des grandes entreprises, mais aussi à ceux qui travaillent au sein de plus petites entreprises et qui ont le plus souvent accès à l’intéressement.

Notre action est simple, lisible et, espérons-le, efficace. Il est cependant important de rappeler que nous ne concevons pas, pour aujourd’hui ou demain, l’épargne salariale, l’intéressement ou la participation comme des substituts du salaire.

Ce qui nous préoccupe en premier lieu, dans notre action politique, c’est la hausse des salaires les plus bas et la juste répartition des richesses au sein de l’entreprise. Prenons garde de ne pas perdre de vue que l’outil de rémunération du travail, c’est le salaire. En cela, notre proposition de loi, même si elle est actuellement nécessaire, doit nous questionner aussi sur les déséquilibres dans le partage des richesses au sein de l’entreprise.

Il s’agit donc de parvenir à une juste répartition entre ce qui doit relever de la rémunération du travail, sous forme de salaire, et ce qui correspond à la participation ou à l’intéressement. Je tiens d’ailleurs à souligner la pertinence de la décision du Gouvernement lorsqu’il se prononce contre la mise en place d’un système de primes défiscalisées et désocialisées au sein des entreprises dans lesquelles n’existent pas de tels dispositifs.

En effet, lorsque les entreprises ont les moyens de procéder à des augmentations de salaires, elles doivent le faire : c’est à l’avantage du salarié et des régimes sociaux qui sont, du même coup, abondés par ces augmentations.

Je voudrais aussi saluer la vigilance des auteurs du texte. En effet, contrairement à ce qui s’est fait dans le passé, des exceptions concernant les PERCO, qui permettent de compléter une retraite, et l’épargne solidaire sont judicieusement prévues.

L’épargne réalisée sur le long terme ne doit pas être remise en cause, pas plus que celle qui permet des financements pérennes en direction des entreprises de l’économie sociale et solidaire, dont on connaît les besoins en fonds propres. M. le ministre y veille. Ce n’est pas le moment de déstabiliser un secteur qui fonctionne bien, qui a du sens et qui a créé, depuis dix ans, 23 % d’emplois nouveaux, quand le secteur privé traditionnel n’en créait que 7 %. Il doit d’ailleurs devenir un pan essentiel de notre politique de croissance.

Par ailleurs, nos collègues députés ont introduit un certain nombre d’amendements permettant de clarifier le dispositif.

Il fallait, bien sûr, préciser ses dates d’application, ce qui a été fait. Nous devions aussi garantir le fléchage des sommes débloquées au profit de la consommation, afin de ne pas voir cet argent partir vers des produits d’épargne plus rémunérateurs. Pour mémoire, 70 % des sommes débloquées en 2004 ont été immédiatement épargnées, sans même profiter à la consommation. Il était donc nécessaire de cibler un minimum les conditions du déblocage.

Veillons toutefois à ne pas introduire trop de conditions, au risque de rendre ce dispositif incompréhensible pour les salariés.

Certes, il est indispensable de limiter les effets d’aubaine. L’Assemblée nationale a prévu pour cela une procédure de contrôle allégée imposant au salarié bénéficiaire de la mesure de tenir à la disposition de l’administration les pièces justificatives attestant l’usage des sommes débloquées. Ce mécanisme a deux mérites : il évite de décourager, par un formalisme excessif, les salariés désireux de bénéficier du déblocage, tout en posant suffisamment de conditions pour décourager les abus.

Mais attention ! Nous n’avons pas demandé de contrepartie aux entreprises lors de la mise en place du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, et nous avons veillé à mettre en place un mécanisme simple. Il doit donc en être de même lorsque l’on s’adresse aux salariés qui, dans le cas contraire, ne comprendraient pas le sens de notre action.

Ce dispositif, limité dans le temps et correctement ciblé, sera ainsi pleinement efficace et ne portera pas atteinte à l’outil même de l’intéressement et de la participation.

Il faut d’ailleurs faire évoluer ce dispositif et l’élargir afin de réduire les inégalités entre salariés. Il n’est qu’à observer l’évolution de la participation, de l’intéressement et de l’épargne salariale pour constater que la répartition des primes est beaucoup trop inégalitaire : les montants versés entre les salariés d’une même entreprise ne sont pas identiques.

De plus, le nombre de bénéficiaires est encore trop faible dans les entreprises de moins de cinquante salariés, très nombreuses dans notre pays. Pour qu’elles puissent s’approprier cet outil, il faudrait le simplifier. Or les dix lois qui ont été adoptées depuis 2001 n’ont fait que complexifier le dispositif !

Les réflexions qui s’engageront prochainement seront peut-être l’occasion de se pencher sur la manière de développer les incitations pour les jeunes salariés et les plus modestes, ces deux catégories ayant un très faible taux d’épargne.

Comme nous l’avons fait avec les emplois d’avenir et les contrats de génération, nous devons maintenir notre attention sur les salariés les moins protégés. Sans opposer les uns et les autres, cessons de créer systématiquement de nouveaux droits pour ceux qui sont déjà les mieux protégés et poursuivons notre combat en faveur des plus fragiles. Le constat d’une société dans laquelle les inégalités de toutes natures se creusent doit nous pousser à agir dans le sens d’une politique de soutien en faveur des plus défavorisés.

Enfin, il sera sans doute nécessaire de réfléchir à une possible révision de la formule de calcul de la participation, et ce afin d’encourager les entreprises à partager plus équitablement les fruits de leur production.

Néanmoins, il convient pour le moment d’attendre que les négociations annoncées soient lancées par le ministre du travail, Michel Sapin, et de voir sur quel type de propositions elles déboucheront.

Pour le moment, le texte qui nous est soumis est une mesure d’urgence bien calibrée. Elle constitue un nouveau levier qu’il ne faut pas négliger. Elle s’inscrit dans la stratégie globale du Gouvernement en faveur de la consommation et du pouvoir d’achat et intervient à un moment crucial pour notre économie.

Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste se prononcera bien évidemment en faveur de ce texte.

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