Le scepticisme que j’ai exprimé lors de la discussion générale sur l’effet de relance économique de cette proposition de loi se double d’une inquiétude forte sur la stratégie de croissance affichée par le Gouvernement. Voilà qui répondra peut-être à l'étonnement du ministre sur la décision du groupe CRC de s’abstenir sur ce texte.
Monsieur le ministre, vous vous êtes récemment rallié à la Commission européenne, laquelle préconisait « un rythme de consolidation budgétaire plus compatible avec les exigences de croissance dans la zone euro ». Nous ne partageons pas votre analyse et je regrette que vous vous satisfassiez de cette annonce, d'autant que le candidat François Hollande avait promis de renégocier le Traité européen avant de se contenter finalement d’afficher des crédits qui étaient en réalité déjà programmés.
De plus, en contrepartie de cette enveloppe financière, les États doivent engager des réformes structurelles, notamment concernant leur marché du travail, qui ne sont pas sans rappeler « la stratégie de Lisbonne » que vous condamniez alors, monsieur le ministre. Je rappelle d'ailleurs que l'un des anciens gouverneurs de la Banque centrale européenne expliquait en ces termes le but de cette stratégie : il s’agit d’« atténuer le diaphragme des protections qui, au cours du XXe siècle, ont progressivement éloigné l’individu du contact direct avec la dureté de la vie, avec les renversements de fortune, avec la sanction ou la récompense de ses défauts et qualités ».
Tout un programme, et un programme bien éloigné, vous en conviendrez, des fondements du programme du Conseil national de la Résistance, ce CNR dont nous fêtions le soixante-dixième anniversaire de la création hier.
C’est au nom de ces dogmes européens que le Gouvernement a, je pense, voulu la transposition de l’accord national interprofessionnel, qu’il a fait le choix de taxer les retraités et qu’il s’apprête demain à réformer les retraites en allongeant la durée de cotisation.
C'est toujours dans cette logique qu’à l’Assemblée nationale, et encore aujourd'hui au Sénat, vous avez affirmé que le second axe de votre politique reposait sur « la restauration des marges de l’entreprise », restauration dont chacun aura compris qu’elle se fera sur le dos des salaires et des salariés, notamment avec les réductions de cotisations patronales qui constituent, depuis 1945, un salaire socialisé permettant de financer notre système de santé, notre politique familiale ou encore notre système de retraite.
Au final, ce sont donc bien les salariés qui, une fois encore, seront les grands perdants d’une politique d’austérité.
Enfin, monsieur le ministre, permettez-moi de vous interroger sur les conséquences de cet article 1er sur les sociétés coopératives et, d’une manière plus globale, sur l’économie sociale et solidaire, à laquelle, je le sais, vous êtes particulièrement attaché.
Comme vous le savez, les SCOP obéissent à des principes particuliers de gouvernance, puisque les salariés sont étroitement associés et participent à la direction de l’entreprise. Leur financement est également singulier. En effet, la participation y est majoritairement réinvestie en interne et constitue un moyen essentiel de financement des actifs et des activités qui permet aux entreprises de se développer sans avoir recours au crédit. Ce mode de financement explique sans doute pourquoi les SCOP sont généralement très compétitives et savent répondre aux enjeux liés à la concurrence, y compris internationale, et à la modernisation des outils de production.
Or, comme en 2004 et en 2008, cette mesure inquiète un certain nombre d’acteurs de l’économie sociale et solidaire, qui craignent que le déblocage anticipé des fonds de la participation ne déséquilibre les bilans. Qui plus est, cette mesure pourrait être un mauvais coup porté à l’économie sociale et solidaire, puisque chaque plan d’épargne d’entreprise est légalement contraint d’investir entre 5 % et 10 % de ses encours dans un fonds de l’économie solidaire. Les encours étant de fait réduits, les investissements dans ce secteur le seront d’autant, et ce pour des effets sur la consommation des plus incertains. Pourtant, le secteur de l’économie sociale et solidaire pourrait être lui-même source de création d’emplois et de richesses.
Monsieur le ministre, pourriez-vous nous apporter plus de précisions à ce sujet ?