Intervention de Daniel Soulage

Réunion du 2 novembre 2010 à 14h30
Débat sur les conclusions de la mission commune d'information sur le traitement des déchets

Photo de Daniel SoulageDaniel Soulage, rapporteur de la mission commune d’information sur le traitement des déchets :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État chargée de l’écologie, mes chers collègues, la mission commune d’information sur le traitement des déchets, a été, il y a un an, la première mission créée en application du droit de tirage reconnu à chaque groupe politique par la réforme constitutionnelle.

J’ai demandé, au nom du groupe de l’Union centriste, la constitution de cette mission après avoir constaté sur le terrain que les débats du Grenelle de l’environnement et les modifications législatives qui les ont suivis avaient fait naître des doutes et des inquiétudes chez les élus locaux responsables de la gestion des déchets.

Ces élus sont aujourd’hui confrontés à plusieurs défis : l’obligation de renouvellement des sites existants, dans un contexte de rejet croissant de ceux-ci par les populations, et l’augmentation sensible du coût du traitement. Or la progression rapide de la dépense des collectivités dans le domaine des déchets devrait sans doute s’amplifier encore du fait des nouvelles contraintes imposées par la législation, qui incite à la mise en œuvre de techniques plus onéreuses.

C’est dans ce contexte que j’ai souhaité que le rapport de la mission soit avant tout un guide à la décision pour les élus locaux et qu’il mette en évidence les performances des différents procédés de traitement, sur les plans technique, environnemental et économique.

C’est également pour cette raison que le rapport n’aborde pas les questions de prévention et de recyclage des déchets. La mission a toutefois bien rappelé, en préambule, que « le meilleur déchet est celui que l’on ne produit pas » et que des efforts notables doivent être effectués pour atteindre les objectifs ambitieux du Grenelle en la matière.

Je laisserai à Dominique Braye, président de la mission commune d’information, le soin d’aborder les questions de TGAP, la taxe générale sur les activités polluantes, et je centrerai mon propos sur la valorisation organique des déchets et leur stockage.

La période actuelle est marquée par un engouement des exploitants, des élus et des pouvoirs publics pour les techniques permettant de valoriser la fraction organique des déchets. Cet engouement est lié notamment à deux facteurs. D’une part, le Grenelle de l’environnement a fixé des objectifs très élevés de valorisation organique des déchets. D’autre part, il est devenu quasiment impossible pour les élus de créer de nouveaux sites d’incinération ou de stockage, ce qui les conduit à chercher des modes de traitement alternatifs.

La mission a considéré que des techniques anciennes, comme le compostage, présentaient des atouts environnementaux certains pour un coût modéré, mais s’est interrogée sur l’intérêt de techniques nouvelles plus coûteuses, comme les installations de tri mécano-biologique et de méthanisation.

Pour ma part, au début de nos travaux, j’avais une préoccupation majeure, touchant au lien entre traitement des déchets et pollution des sols. À cet égard, le procédé du tri mécano-biologique, qui consiste à isoler mécaniquement la fraction organique des déchets pour la transformer en compost, me paraissait risqué aussi bien pour la qualité de nos sols que pour la sécurité de la chaîne alimentaire.

Les scientifiques que nous avons auditionnés et les comparaisons européennes nous ont permis de nous faire une idée assez précise sur ce point : nous avons, en France, une norme autorisant l’utilisation dans les sols agricoles de composts caractérisés par des teneurs en métaux et en inertes bien supérieures à celles qui sont acceptées par nombre de nos voisins européens. Issue d’un compromis social et non d’une analyse scientifique, cette norme est de nature à favoriser l’accumulation des métaux lourds et des inertes dans les sols dans des proportions trop importantes au regard des usages agricoles.

Il paraît donc raisonnable de penser que cette norme sera durcie dans les prochaines années, et il faut même sans doute le souhaiter. C’est en tout cas ce que nous ont laissé entendre les responsables européens.

En outre, la France est quasiment le seul pays européen à autoriser l’utilisation en agriculture de composts de bio-déchets non triés à la source. Certes, les techniques de tri mécanique se sont améliorées et permettent, dans des conditions très strictes, la production de composts dont la qualité est supérieure à la norme française. Pour autant, il existe un risque non négligeable que l’épandage de tels composts soit interdit à terme. Cette possibilité, même faible, pèse sur les installations de tri mécano-biologique. Pour ces raisons, la mission a conclu que les élus devaient les envisager avec une très grande prudence.

J’avais une seconde crainte, relative à l’engouement actuel pour la méthanisation. Cette technique est souvent envisagée du fait de l’impossibilité de créer de nouveaux sites de stockage ou d’incinération, comme ce fut notamment le cas à Montpellier. Il faut donc continuer, sur ce point, à faire œuvre de pédagogie, car la méthanisation, qui ne traite que la partie fermentescible, ne peut en aucun cas se substituer à l’incinération ou au stockage, seuls modes de traitement final des déchets.

Nous avons pu constater, à Lille, que la méthanisation sur biodéchets, couplée à l’existence d’un incinérateur, fonctionnait bien. Son coût élevé a toutefois conduit la mission à recommander son utilisation plutôt pour les grandes agglomérations, au-delà d’un certain tonnage de déchets. En effet, la collecte sélective de biodéchets reste une entreprise aléatoire puisque les quantités captées chez l’habitant sont très souvent inférieures aux prévisions et soumises, de surcroît, à des variations saisonnières importantes.

À cet égard, la mission s’est montrée réticente à l’idée d’une généralisation de la collecte séparée des biodéchets, difficilement acceptable en milieu très urbain et peu opérante en milieu très rural, où le compostage à domicile apparaît préférable. Les exemples de Stockholm et de Lille nous ont démontré toute l’importance de la collecte de gros producteurs. On a par exemple vu que, à Stockholm, la collecte des déchets chez les particuliers avait été pratiquement arrêtée et que, à Lille, elle était très peu importante.

Enfin, la méthanisation sur déchets ménagers non triés à la source pose encore aujourd’hui des difficultés techniques importantes et présente un rendement énergétique relativement faible. Ces inconvénients doivent en conséquence être soigneusement pesés au regard du coût important des installations nécessaires à la mise en œuvre de cette solution.

J’en viens au stockage, qui, comme chacun le sait, fait désormais l’objet d’une stratégie globale de réduction. Nous ne contestons naturellement pas cette trajectoire de baisse des quantités de déchets enfouies, mais nous estimons primordial de la poursuivre avec discernement et réalisme.

Le stockage des déchets pâtit souvent, dans l’opinion, d’une image négative : on assimile généralement les sites de stockage à des dépotoirs sources de fortes nuisances olfactives.

La mission s’est d’abord attachée à démontrer que le durcissement des normes de stockage avait considérablement réduit les risques de contamination des eaux ou des sols et que l’impact sanitaire de ces installations était limité.

Mais le véritable enjeu aujourd’hui est celui de la valorisation du biogaz et, plus globalement, de la limitation des émissions de gaz à effet de serre. Nous le rappelons dans le rapport : les expertises en cours ne permettent pas de trancher définitivement sur les mérites comparés de la valorisation en amont des déchets organiques ou de la valorisation en centre d’enfouissement du biogaz capté.

Compte tenu de ces incertitudes, il nous semble abusif de renoncer au stockage sans autre forme de procès pour se lancer dans des technologies non totalement éprouvées et coûteuses en investissements.

Nous considérons même que ce mode de traitement demeure pertinent, voire indispensable, notamment en milieu rural, sous réserve que le biogaz qui en est issu soit capté et valorisé de la façon la plus performante possible.

À cet égard, un déplacement de la mission dans le département du Tarn, cher à notre collègue Jean-Marc Pastor

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