… et qui n’en bénéficient pas moins d’incitations fiscales importantes.
Quand les intervenants n’ont pas eu gain de cause, le débat se déplace sur le terrain des impacts environnementaux de l’incinération. Ainsi, les incinérateurs constitueraient des « aspirateurs à déchets », dont l’existence serait fatale au développement du tri et de la « valorisation matière ».
Mes chers collègues, ces arguments, vous le savez, ne résistent pas un instant à l’examen des faits. L’incinération ne s’oppose ni au tri ni au recyclage, tout simplement parce que les pays européens qui trient le plus sont également ceux qui incinèrent le plus.
Dans ces conditions, notre mission a souhaité non pas faire la promotion de l’incinération, mais la remettre, enfin, à sa juste place dans la hiérarchie européenne du traitement des déchets. Cette démarche implique d’y voir non pas seulement un mode de traitement des déchets, mais aussi et surtout un procédé de valorisation énergétique à promouvoir, dans le cadre des objectifs européens de production d’énergies renouvelables. Or tel n’est malheureusement pas le cas en France, y compris d'ailleurs chez les exploitants d’installations.
À l’étranger, c’est tout le contraire. Au Danemark, l’incinération des déchets ménagers est considérée comme une source d’énergie renouvelable et la population voit ces unités localisées en milieu urbain – j’insiste sur ce point, mes chers collègues – comme de simples chaufferies.
Notre principale recommandation consiste donc à ne plus considérer l’incinération comme un mauvais mode de traitement mais à saisir les opportunités offertes par cette technologie en matière de valorisation énergétique, à travers, par exemple, le développement des réseaux de chaleur.
Optimiser le recours à l’incinération implique également d’en finir avec un parc français d’unités disséminées et de taille modeste, qui n’ont économiquement aucun sens, nous le savons.
Enfin, l’opinion publique doit se réapproprier l’incinération – encore faudrait-il que tous les élus et les responsables concernés l’y aident, mais il ne faut pas désespérer !–, grâce à une information enfin objective et transparente, ainsi qu’à des procédures concertées et adéquates. Les projets ne seront jamais mieux conduits que s’ils reposent sur un conseil scientifique indépendant, de nature à contrer l’expertise autoproclamée de certaines organisations dont l’opposition à l’incinération tient essentiellement, pour ne pas dire uniquement, à l’idéologie.
De surcroît, cet effort de pédagogie et d’information doit être permanent, à travers, par exemple, la délégation aux associations environnementales de la responsabilité des contrôles des rejets des incinérateurs.
Pour conclure sur l’incinération, je rappellerai que l’ADEME, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, s’est récemment alarmée de la possibilité d’un déficit de capacité de traitement à moyen terme dans certains départements si aucune nouvelle installation d’incinération ou de stockage ne voit le jour.
Madame la secrétaire d'État, quelles mesures pensez-vous pouvoir mettre en œuvre pour aider enfin les élus locaux à faire accepter ces projets et à réhabiliter l’image du stockage et de l’incinération aux yeux de nos concitoyens ? En effet, si les Français dénigrent ces techniques, c’est, beaucoup trop souvent, à cause de responsables politiques.
J’en viens à présent au levier fiscal, qui occupe une place essentielle dans la mise en œuvre du volet « déchets » du Grenelle, à travers notamment la TGAP, dont chacun sait ici qu’elle constitue un sujet épineux depuis sa réforme dans le cadre du projet de loi de finances pour 2009 ; Daniel Soulage, les administrateurs de la commission des finances et moi-même en gardons d'ailleurs un souvenir impérissable !
Cette réforme a consisté à augmenter progressivement les tarifs pesant sur les installations de stockage et à créer une fraction de TGAP spécifique sur les installations d’incinération, dont le tarif doit également augmenter jusqu’en 2013.
Nous avons, au sujet de cette réforme, une double conviction.
La première est qu’elle obéit d’abord et même exclusivement à une logique de rendement puisque des objectifs ambitieux de réduction de la mise en décharge auraient pu être atteints aussi efficacement, sinon plus, à travers la diminution des tonnages autorisés par les arrêtés préfectoraux.
La seconde conviction est que les motivations profondes de l’extension de la TGAP à l’incinération sont peu claires – à moins qu’elles ne soient que trop, du moins pour ceux qui savent de quoi il retourne !
Il ressort en effet de façon tout à fait évidente de nos auditions que la création de cette fiscalité nouvelle a été concédée à certaines organisations non gouvernementales, auxquelles un moratoire total sur l’incinération avait par ailleurs été refusé. Ce faisant, la France a créé une TGAP sur l’incinération au moment où des pays exemplaires en matière de protection de l’environnement, comme la Suède, supprimaient la taxe carbone pesant sur les incinérateurs.
La mission n’entend pas remettre en cause ce dispositif, naturellement, mais elle estime indispensable de l’évaluer et de l’aménager.
Nous soutenons le principe d’une modulation des tarifs de la TGAP en fonction des performances environnementales, en particulier énergétiques, des installations. Toutefois, cette modulation doit être plus étendue et plus fine que dans le dispositif actuel. Madame la secrétaire d'État, nous avons beaucoup d’idées pertinentes à vous soumettre sur ce sujet, si vous êtes intéressée...
S’agissant de l’évaluation, il est prévu que soit remis au Parlement, avant le dépôt du projet de loi de finances pour 2013, un rapport sur l’impact de la TGAP. Il nous est apparu indispensable que cette disposition fasse l’objet d’une application anticipée, et cela dès la fin de l’année 2011.
Mes chers collègues, la crise, qui pèse sur les budgets locaux comme sur le pouvoir d’achat des ménages, a sensiblement amplifié l’impact relatif de la TGAP et justifie cette anticipation.
Nous souhaitons également que l’augmentation des tarifs de cette taxe soit subordonnée à la réalisation de cette évaluation et aux résultats qu’elle mettrait en évidence.
Enfin, nous tenons à réaffirmer notre attachement au retour du produit de la TGAP à la politique des déchets, comme s’y est engagé le Gouvernement.
En revanche, nous sommes convaincus que le produit de cette taxe doit rester stable au cours des années à venir.