Intervention de Eric Allain

Mission commune d'information sur la filière viande en France et en Europe — Réunion du 17 avril 2013 : 1ère réunion
Audition de M. Eric Allain directeur général des politiques agricole agroalimentaire et des territoires dgpaat

Eric Allain, directeur de la DGAAT :

Ma direction se consacre plus particulièrement aux questions économiques. Il s'agit pour nous de rechercher les moyens d'améliorer la santé économique et financière des entreprises du secteur agricole. Nous sommes chargés de la mise en oeuvre de la politique agricole commune (PAC) et des politiques nationales, des questions touchant à l'aménagement du territoire, à la forêt, au développement durable, avec le deuxième pilier de la PAC, ainsi que du lien entre agriculture et environnement et des négociations dans le cadre communautaire ou avec les pays tiers.

Les questions touchant à l'hygiène et à la traçabilité, en revanche, ne sont pas de notre ressort, même si nous pouvons intervenir sur ces questions dans les négociations communautaires.

Quelle est la situation des filières d'élevage ? En premier lieu, elles connaissent toutes, depuis une dizaine d'année, une décrue de la production. C'est un vrai sujet de préoccupation.

Ensuite, les revenus des agriculteurs y sont plus faibles que la moyenne. Alors que le niveau moyen de revenu par unité de travail agricole est de 35 000 à 36 000 euros par an, et sachant qu'il a atteint 72 000 euros dans la filière céréalière, il n'est que de 15 000 euros dans la filière bovine, un peu moins dans la filière ovine, un peu plus dans la filière porcine, mais avec de fortes variations annuelles. Depuis 2007-2008, les producteurs subissent un effet de ciseaux. La forte augmentation des coûts de production - du poste alimentation des animaux au premier chef, en particulier dans la filière porcine, où elle représente 60 à 65 % des coûts - explique largement la stagnation du revenu des agriculteurs, alors même que les prix de vente se tiennent voire ont progressé en viande bovine et dans le secteur porcin.

Enfin, les filières d'élevage sont marquées par la concentration des exploitations, dont le nombre s'est rapidement et considérablement réduit, en particulier dans les filières ovine et porcine.

En matière d'élevage, il faut souligner que les systèmes de production sont très diversifiés. On peut y voir un atout ou un inconvénient. Car il n'y a pas de système d'exploitation idéal. Selon les spécificités des territoires, le climat, le type de production céréalière, les producteurs n'ont pas les mêmes avantages comparatifs. S'il n'y a pas de recette miracle, il n'en reste pas moins que l'on peut, en travaillant sur certains points, améliorer la compétitivité de la filière.

Chaque filière a ses spécificités. Comparée à nos voisins européens, la filière bovine française est très singulière puisqu'il existe chez nous un cheptel dédié à la production de viande. Seule l'Irlande a fait le même choix. C'est un handicap, puisque, bien que cette viande issue de l'élevage dédié soit meilleure, nous consommons essentiellement, en France, de la viande provenant de vache laitière de réforme. Il faut donc trouver des débouchés à l'extérieur. Le marché italien, débouché traditionnel des jeunes bovins, se restreint. D'où un problème de positionnement dans une filière qui compte, pour 120 000 exploitations allaitantes, 40 000 exploitations spécialisées dans la viande, concentrées de surcroît dans des zones géographiques défavorisées, si bien que l'enjeu du maintien de l'élevage est aussi un enjeu d'aménagement du territoire. Le vieillissement des chefs d'exploitation spécialisés dans la production de viande bovine est inquiétant. Face aux défis qui se pose à elle, la filière, mal organisée, peine à définir une stratégie collective. Cela a été particulièrement visible lorsqu'il s'est agi de diversifier les exportations, pour faire face à la réduction du débouché italien. Des tentatives ont été faites pour conquérir d'autres marchés, comme le Maghreb ou la Turquie, plus difficiles d'accès en raison de barrières, notamment tarifaires. Mais la recherche de nouveaux marchés s'est faite sans aucune concertation, ce qui a créé des tensions entre les abatteurs-transformateurs, atomisés, parmi lesquels seule une grande société privée, Bigard, est de taille européenne...

Ce secteur de l'abattage-transformation, élément clé de la compétitivité de la filière, est aujourd'hui déficient, dans toutes les filières de l'élevage. Il souffre d'un problème général de surcapacité, avec d'importantes disparités régionales ; le coût d'abattage est supérieur à celui de nos concurrents.

La filière ovine, qui compte un cheptel important, le troisième d'Europe, subit le déclin le plus marqué. Le bilan de santé de la PAC, mis en oeuvre à partir de 2010, a certes enrayé le phénomène, puisque d'importants transferts financiers ont permis de conforter le revenu des exploitants et d'améliorer l'organisation de la filière, grâce à un dispositif de contractualisation exemplaire et à une meilleure maîtrise des coûts de production. Cette évolution récente ne peut cependant pas masquer le fait que 40 % des exploitations ont disparu entre 2000 et 2010 - il n'en subsiste plus, aujourd'hui, que 50 000 - et que les coûts de production sont les plus élevés d'Europe.

Notre filière porcine se classe au troisième rang en Europe. Elle assure 10 % de la production européenne de viande. La concentration y est forte, puisqu'elle est passée de 59 000 élevages en 2000 à 23 000 aujourd'hui, dont 11 000 de plus de 100 truies - principalement localisées en Bretagne - qui assurent 95 % de la production. La filière souffre cependant elle aussi d'un problème de compétitivité, marqué par un important déficit commercial, sur la viande et les préparations industrielles à base de viande de porc. Outre la part importante du coût de l'alimentation dans la production de porc, le secteur de l'abattage et de la découpe connaît lui aussi des problèmes récurrents. Les revenus des producteurs de porcs sont meilleurs que pour les éleveurs bovins et d'ovins, mais avec des variations importantes d'une année sur l'autre - ce que l'on appelle « le cycle du porc ».

Notons cependant un élément positif qui vaut pour l'ensemble des filières viande : si la consommation diminue en France de 1 à 2 % par an, elle augmente au niveau mondial. Notre filière porcine en profite : elle entre sur le marché chinois, où de surcroît certains morceaux ici délaissés, comme les oreilles et la queue, sont appréciés et bien valorisés.

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