Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je salue le travail de la mission conduite par Dominique Braye et Daniel Soulage. Je me félicite de l’ambiance qui a prévalu au cours de nos travaux. Nos débats ont été francs, mais ouverts. Je tiens également à remercier les collaborateurs qui se sont investis dans la rédaction du rapport, véritable mine de données chiffrées.
J’en aborderai trois aspects qui m’ont conduit, in fine, à ne pas voter pour et à m’abstenir : l’incinération, les biodéchets et la facturation incitative.
La réhabilitation de l’incinération pose deux problèmes.
Le premier est l’occultation de la question ultra-sensible des lixiviats issus des traitements des fumées et des mâchefers, dont la dispersion dans l’environnement, notamment dans les ballasts, encore autorisée par la circulaire ministérielle « provisoire » de 1994, deviendra impossible en raison de l’amélioration programmée des normes européennes. À moyen terme, il faut prévoir une forte progression de leurs coûts de traitement, qui devrait nous conduire à fixer des objectifs optimaux de valorisation matière des déchets et à limiter au minimum l’incinération.
Le second problème est l’affirmation, tendancieuse, dirais-je, selon laquelle « les pays qui incinèrent le plus recyclent le plus ». En effet, si on analyse très précisément les chiffres figurant dans le rapport, notamment ceux qui concernent le Danemark, le Luxembourg et la France, on constate que le niveau de recyclage est indépendant du niveau d’incinération – et non proportionnel ! – et, a contrario, que le niveau d’incinération n’est corrélé, négativement, qu’avec celui de la mise en décharge, ce qui est logique.
L’incinération demeure donc une « facilité » conduisant à la création de surcapacités et à la fixation d’objectifs de recyclage timorés. Croyez-moi, c’est du vécu !
Je regrette, à cet égard, que M. le président de la mission commune d’information n’ait pas donné suite à ma proposition de rencontrer les élus du département du Haut-Rhin, dirigé par la majorité présidentielle. Ils auraient pu expliquer comment l’abandon du projet de construction d’un troisième incinérateur, sous la pression citoyenne de personnes parfaitement au fait des progrès possibles en termes de valorisation matière, a permis d’éviter de plomber les finances départementales et a conduit à changer radicalement de politique des déchets, notamment en matière de collecte sélective et de valorisation des biodéchets.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : ils dépassent les prévisions initiales ! Nous nous rapprochons des résultats allemands et les deux unités d’incinération préexistantes sont désormais en surcapacité.
Je maintiens que l’incinérateur, contrairement à ce qui est martelé dans le rapport, est un « aspirateur à déchets », s’il n’y a pas au préalable – j’insiste sur ces termes – une volonté politique forte de recycler de manière optimale, sans faux-fuyant.
Je regrette en outre que la mission ne se positionne pas clairement sur le traitement des biodéchets. Certes, je me félicite de ce qu’un virage ait été enfin pris par rapport aux unités de tri mécano-biologique, dites TMB. Celles-ci ont été mises quasiment hors jeu par l’évolution attendue, et souhaitable, des normes européennes et, par conséquent, par l’absence de débouchés agricoles pour des composts non issus de collectes sélectives des biodéchets : j’avais déposé un amendement en ce sens, refusé lors de la discussion du projet de loi Grenelle II.
Je constate que la roue tourne dans le bon sens ; tant mieux !
En revanche, si j’approuve la priorité donnée au traitement de proximité, notamment en milieu rural, je déplore la mise en garde par rapport aux collectes sélectives en milieu urbain. Pourquoi n’avoir pas donné suite à ma proposition d’étudier in situ le « modèle » allemand, à Fribourg notamment ? Il fonctionne parfaitement, y compris dans les grandes villes, dans l’habitat vertical, tout simplement parce qu’il bénéficie d’une longue expérience pratique de terrain : il fallait oser rencontrer « les premiers de la classe » ! Le Bade-Wurtemberg étant situé non loin du Haut-Rhin, on aurait pu faire d’une pierre deux coups...
Je voudrais conclure sur l’ambiguïté du rapport concernant la facturation incitative. Que celle-ci ne fasse que « réorienter les déchets sans les réduire » est une lapalissade. Il faut en effet agir autrement et fortement pour réduire les déchets à la source : ce doit être notre priorité absolue.
J’avais déposé deux amendements en ce sens, soutenus par Mme la secrétaire d’État et votés par le Sénat, portant sur l’éco-conception des produits et l’obligation pour les commerces de plus de 500 mètres carrés de gérer leurs déchets d’emballage. Hélas ! cette proposition a été quelque peu sabotée par l’Assemblée nationale, qui a porté ce seuil à 2 500 mètres carrés. En effet, si nous ne nous donnons pas les moyens d’agir à la source, c’est-à-dire sur la grande distribution, laquelle impose ses règles aux industriels, ces derniers auront du mal à progresser.
En tout état de cause, optimiser la valorisation matière via la facturation incitative permet de réduire à moyen terme, voire à court terme, la facture du traitement pour nos administrés, raréfaction et hausse des prix des matières premières obligent.
Je regrette, à cet égard, la présentation orientée faite dans le rapport, qui met en garde en caractères gras contre les risques « d’augmentation des coûts », et qui mentionne en tout petits caractères et en bas de page – comme dans les contrats d’assurance !