Intervention de Jean Bizet

Réunion du 2 novembre 2010 à 22h00
Débat sur la participation de la france au budget de l'union européenne

Photo de Jean BizetJean Bizet, président de la commission des affaires européennes :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, 2010 restera sans doute dans les annales comme une année particulièrement mouvementée, mais qui aura vu la construction européenne accomplir en quelques mois, en matière économique, des progrès plus rapides que depuis plusieurs années.

Elle a, en effet, commencé avec la crise grecque, qui, risquant de dégénérer en crise systémique, a suscité de fortes inquiétudes sur la stabilité de la zone euro. L’Europe s’est fait très peur. Fidèles à l’héritage de Jean Monnet, les dirigeants européens, contraints par l’urgence, se sont finalement ressaisis et, après moult tergiversations, ont fait prévaloir la solidarité entre les États membres.

Cette crise a paradoxalement créé un contexte favorable à la réforme de la gouvernance économique de l’Europe, dont les lacunes ont été mises en évidence de façon flagrante. Elle aura permis de renforcer la surveillance budgétaire et macroéconomique des États membres et de mieux coordonner leurs politiques économiques.

Aussi devons-nous nous féliciter de l’accord auquel le Conseil européen des 28 et 29 octobre derniers est parvenu. Ses conclusions, brèves, influencées par la déclaration franco-allemande de Deauville du 18 octobre, procèdent à une réforme ambitieuse de la gouvernance économique en Europe.

Le Conseil européen fait sien le rapport du groupe de travail du président Van Rompuy sur ce sujet. L’automaticité des sanctions sera subordonnée à la maîtrise politique de la procédure pour déficit excessif par les États membres.

Le Conseil européen a entériné le principe d’une modification limitée du traité devant intervenir à la mi-2013, au plus tard, afin d’établir un mécanisme permanent de gestion de crise pour préserver la stabilité financière de la zone euro, l’existence du Fonds européen de stabilisation financière institué en mai dernier étant limitée à trois ans.

La clause de non-renflouement des États membres contenue dans le traité ne sera pas modifiée, cette précision ayant été apportée afin de tenir compte des contraintes constitutionnelles allemandes. En revanche, la question des sanctions politiques, c’est-à-dire la suspension des droits de vote de l’État membre qui violerait gravement le pacte de stabilité et de croissance, a été écartée.

L’année 2010 marque également le début des négociations en vue des prochaines perspectives financières pour l’après-2013. Ne nous le cachons pas, ces négociations seront extrêmement difficiles.

Les débats sur le projet de budget de l’Union européenne pour 2011, le premier à être soumis à la nouvelle procédure résultant du traité de Lisbonne, augurent déjà des difficultés à venir.

Alors que cette nouvelle procédure budgétaire requiert la coopération pour se rapprocher du compromis final, les positions de chacun sont plus que jamais divergentes – M. le rapporteur spécial nous les a rappelées –, ce qui fait peser une incertitude sur l’adoption du budget.

Certes, le Parlement européen est prêt à accepter une hausse très limitée du budget 2011 pour tenir compte du climat d’austérité. Ainsi, pour la première fois depuis vingt ans, il n’envisage pas de dépasser les plafonds prévus dans les rubriques de dépenses.

Mais, en contrepartie, le Parlement européen veut avoir des assurances sur le financement futur des politiques européennes. Concrètement, il cherche à obtenir une double avancée : d’une part, une révision du cadre financier actuel afin de tenir compte des nouvelles compétences européennes introduites par le traité de Lisbonne ; d’autre part, l’ouverture par le Conseil d’un débat sur la réforme des ressources propres susceptibles d’alimenter le budget européen, sur la base de la communication que la Commission a présentée le 19 octobre dernier sur le réexamen du cadre financier.

Notre collègue Denis Badré l’a précisé tout à l’heure, nous avons eu, grâce notamment au président Larcher et au président Arthuis, un échange avec M. Schäuble, le ministre fédéral allemand.

En effet, le Parlement européen critique depuis plusieurs années la part prépondérante que représentent les contributions nationales dans le financement de l’Union européenne, qu’il estime inadaptée. Permettez-moi toutefois de rappeler que le Parlement européen n’est pas compétent en matière de ressources propres.

La Commission a proposé l’introduction de nouvelles ressources propres appelées à remplacer progressivement les contributions nationales, en particulier une taxation européenne du secteur financier, des recettes tirées par l’Union européenne de mises aux enchères dans le cadre du système d’échanges de quotas d’émissions de gaz à effet de serre, une redevance européenne liée au transport aérien, une TVA européenne, une taxe européenne sur l’énergie et un impôt européen sur les sociétés.

Comme les échanges que nous avons eus avec M. Schäuble le laissent augurer, il faudra encore beaucoup de temps avant d’avoir un projet concret sur la table.

Ces pistes de travail évoquent naturellement le thème d’un impôt européen, qui a pour principale caractéristique de faire l’unanimité contre lui dans les capitales des grands États membres, notamment Londres, Berlin et Paris, où une telle idée est jugée « parfaitement inopportune ».

Il est donc fort peu probable que la position des États membres sur ce point évolue. Vous me contredirez si nécessaire, monsieur le secrétaire d’État.

À l’évidence, les positions en présence paraissent pour l’instant irréductibles et suscitent bien des inquiétudes, à un double niveau.

À court terme, que se passera-t-il si le budget 2011 n’est pas adopté avant la fin de l’année ? Le recours aux douzièmes provisoires, fondés sur le budget 2010, se traduirait par une diminution réelle des crédits alloués aux politiques européennes. J’ajoute que le Service européen pour l’action extérieure, le SEAE, ne serait pas financé.

À moyen et long termes, nous ne voyons pas encore de terrain de compromis possible pour les futures perspectives financières, alors que des questions comme la politique agricole commune, la politique de cohésion ou encore la ristourne britannique sont abordées de façon souvent passionnelle, dans un contexte marqué par l’impossibilité, compte tenu des contraintes budgétaires nationales, d’accroître la taille du budget européen.

Sur tous ces sujets, monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous apporter des précisions ?

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion