Séance en hémicycle du 2 novembre 2010 à 22h00

Résumé de la séance

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  • PAC
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La séance

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La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt-deux heures, sous la présidence de Mme Catherine Tasca.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

M. le président du Sénat a reçu de M. Jean-Claude Etienne une lettre par laquelle il remet son mandat de sénateur de la Marne, à compter de ce soir, mardi 2 novembre 2010, à minuit, dans la mesure où ce mandat est incompatible avec la qualité de membre du Conseil économique, social et environnemental.

Acte est donné de cette décision, qui prendra effet ce soir, à minuit.

M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales a fait connaître à M. le président du Sénat que, en application de l’article L.O. 320 du code électoral, Mme Mireille Oudit remplacera, à compter du mercredi 3 novembre 2010, à zéro heure, en qualité de sénatrice de la Marne, M. Jean-Claude Etienne.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Par courrier en date du 2 novembre 2010, M. Jean Pierre Bel, président du groupe socialiste, a retiré de l’ordre du jour de l’espace réservé à son groupe le 16 novembre 2010 l’examen de la proposition de loi relative à l’aide active à mourir.

Il demande, en remplacement, l’inscription à l’ordre du jour de la proposition de résolution n° 674 (2009-2010), présentée en application de l’article 34-1 de la Constitution, relative aux enfants franco-japonais privés de liens avec leur parent français en cas de divorce ou de séparation, déposée le 13 juillet 2010.

Cette demande a été communiquée à M. le Premier ministre, en application de l’article 4 de la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution et de l’article 50 ter de notre règlement.

Cette proposition de résolution ne pourra être inscrite, au plus tôt, que quarante-huit heures après cette demande.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

M. le président a été informé, par lettre en date du 2 novembre 2010, par le président du Conseil constitutionnel que celui-ci a été saisi d’une demande d’examen de la conformité à la Constitution par plus de soixante députés et soixante sénateurs de la loi portant réforme des retraites.

Acte est donné de cette communication.

Le texte de ces saisines du Conseil constitutionnel est disponible au bureau de la distribution.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

L’ordre du jour appelle le débat sur la participation de la France au budget de l’Union européenne.

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Jacques Blanc applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Denis Badré

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, dorénavant examinée en amont de la discussion budgétaire, la contribution française au budget communautaire conserve la forme d’un prélèvement sur les recettes de l’État voté chaque année lors de la discussion du projet de loi de finances.

L’article 46 du projet de loi de finances pour 2011 évalue ainsi ce prélèvement à 18, 235 milliards d’euros, c'est-à-dire un montant assez proche de celui qui avait été voté pour 2010, puisqu’il n’enregistre une hausse que de 82 millions d’euros, soit de 0, 5 %.

Pour le situer tout de suite plus globalement, je précise que ce prélèvement représente environ 6 % de nos recettes fiscales et un sixième du budget européen, lequel, rappelons-le, est de l’ordre de notre déficit. Cette remarque, intéressante à plus d’un titre, a déjà été formulée et signifie que le budget européen n’est donc pas si important que certains le soutiennent ou que le déficit est trop élevé.

En l’état actuel du système budgétaire européen, nous devons nous limiter à voter ou refuser ce prélèvement. Nous n’avons à discuter ni de son montant, dont le calcul découle des traités, ni de l’usage qui en sera fait, aux mains du Parlement et du Conseil européens, qui, par codécision, adopteront les dépenses correspondantes. Je reviendrai sur ce point.

Mes chers collègues, pour vous inviter à adopter ce prélèvement le moment venu, autrement dit lors de l’examen de l’article 46 du projet de loi de finances pour 2011, j’ajoute simplement qu’un refus ouvrirait une crise européenne dont l’Union n’a certainement pas besoin. De surcroît, une crise ouverte par la France ne servirait ni nos intérêts ni notre image en Europe.

Je vais, bien sûr, évoquer tout de même ce qui se joue derrière ce prélèvement, même si ce n’est pas vraiment le lieu. Au-delà de son montant, son utilisation nous intéresse également. Je souhaite aussi vous donner notre sentiment, monsieur le secrétaire d’État, à propos des négociations en cours sur le budget européen et autour de ce budget, deux points d’importance au moins égale. Ce faisant nous pensons bien être toujours dans notre rôle de membres du Parlement national.

L’Europe, nous le disons souvent, c’est « nous » !

« Nous », ce sont les Européens, unis par un intérêt commun supérieur autour duquel la Commission bâtit son avant-projet, que les codécideurs – Parlement et Conseil européens – sont chargés de prendre en compte.

« Nous », ce sont aussi les Français, qui s’expriment par votre voix au Conseil européen, pour faire prendre en compte l’intérêt national à côté de l’intérêt commun.

« Nous », c’est donc bien alors aussi le Parlement national, appelé à dialoguer avec vous à la veille de nouvelles discussions communautaires.

Au demeurant, si le traité de Lisbonne a consacré le rôle et la responsabilité des Parlements nationaux au regard de la construction européenne, ce n’est pas parce que les membres de ceux-ci seraient plus proches des citoyens que les députés européens, même si telle est la vérité. À l’évidence, la question de la subsidiarité, donc de la répartition et de l’équilibre des compétences entre l’Union et ses États membres, concerne autant les Parlements nationaux que le Parlement européen. Ce fait a été reconnu dès le lendemain de l’adoption du traité de Lisbonne.

Mais il doit être également clair que, aujourd’hui, lorsque l’Union européenne se penche sur les questions de défense – et il faut qu’elle le fasse –, ce sont bien toujours les Parlements nationaux qui demeurent compétents et contrôlent des actions qui restent celles des États. Il en va de même chaque fois qu’il y a mutualisation d’actions, lorsqu’il s’agit des budgets nationaux, de leur coordination, voire de leur « surveillance », ou encore lorsqu’il s’agit de garantir les dettes souveraines des États. Nous avons pu le constater au printemps : ce sont bien des lois de finances rectificatives nationales qui ont permis à l’Europe de soutenir la Grèce, puis de créer le Fonds européen de stabilisation financière ! C’est donc en se sentant totalement impliqués que les Parlements nationaux suivent les travaux engagés pour voir dans quelles conditions le fonds susvisé peut être pérennisé et s’il est possible de mettre en place un dispositif durable de lutte contre les crises.

La question de la solidarité financière a toujours été au cœur des débats européens. Elle était même affichée comme l’un des trois principes de la PAC, la politique agricole commune. Il n’est pas surprenant qu’elle soit centrale maintenant que nous disposons d’une monnaie unique. En revanche, il est étonnant qu’il ait fallu attendre quinze ans pour revenir sur ce sujet depuis l’adoption du traité de Maastricht ! Alors, la solidarité est bien sûr de mise, mais à condition que ce soit pour partager les exigences de façon constructive, non pour abriter durablement ceux qui seraient tentés de s’en affranchir.

C’est dans ce contexte animé que je propose de faire le point sur la négociation du budget pour 2011.

Elle constitue le premier exercice de mise en œuvre de la nouvelle procédure prévue par le traité de Lisbonne, qui a introduit trois grandes innovations : suppression de la distinction entre dépenses obligatoires et non obligatoires, point important pour la PAC ; suppression des deux lectures du budget par le Parlement et le Conseil au profit d’une seule par chacune des institutions ; création d’un comité de conciliation, chargé d’élaborer un projet commun en cas de désaccord entre le Conseil et le Parlement. Nous avons déjà eu un échange sur ce point, mardi dernier, monsieur le secrétaire d’État, lors de notre débat préalable au Conseil européen des 28 et 29 octobre derniers.

Le prélèvement de 18, 235 milliards d’euros a été déterminé au printemps, sur la base de l’avant-projet de budget de la Commission. Celui-ci fixait les crédits d’engagement à 142, 57 milliards d’euros, en augmentation raisonnable de 0, 8 % par rapport à 2010, et les crédits de paiement à 130 milliards d’euros, en progression beaucoup moins raisonnable de 5, 8 %.

Le projet révisé par le Conseil, le 12 août, se voulait plus rigoureux, ramenant la hausse de 0, 8 % à 0, 2 % pour les crédits d’engagement et de 5, 8 % à 2, 9 % pour les crédits de paiement, les mêmes 2, 9 % qui font aujourd’hui l’actualité et furent au centre des discussions de vendredi dernier au Conseil.

Contrairement aux années précédentes où la position du Conseil était adoptée par consensus, le compromis préparé par la présidence belge a été arrêté à une très courte majorité qualifiée, sept États – Royaume-Uni, Autriche, Pays-Bas, Danemark, Finlande, Suède, République tchèque – réunissant 88 voix votant contre, la minorité de blocage étant de 91, la France, pour sa part, souhaitant avec l’Allemagne qu’une issue puisse être trouvée sans pour autant méconnaître les motivations des sept États minoritaires.

Le Parlement européen, intervenant à son tour le 20 octobre, a souhaité revenir à des propositions proches de l’avant-projet de la Commission, en particulier au regard des ouvertures de crédits de paiement. Cette position, plutôt satisfaisante, n’était cependant pas complètement attendue. Un vrai consensus, assez naturel, devrait donc pouvoir se dégager à partir de l’idée simple selon laquelle le budget de l’Union doit participer aux efforts nationaux d’assainissement des finances publiques de chaque État.

Oui, sans doute ! Toutefois il convient de prendre en considération le fait que, en contrepartie d’une hausse ainsi limitée, le Parlement européen exige du Conseil l’ouverture d’une procédure de négociation, dès l’année prochaine, sur la réforme des ressources propres. On retrouve ainsi posé le problème de fond du budget européen, celui de sa structure.

Comme je l’ai déjà indiqué un certain nombre de fois à cette tribune en présentant, en ma qualité de rapporteur spécial, les budgets successifs de l’Union européenne ces dernières années, le budget européen voit ses dépenses arrêtées par codécision du Conseil et du Parlement européens, tandis que 85 % environ de ses recettes proviennent des Parlements nationaux, au travers de leurs contributions. Dans ces conditions, comment mettre en œuvre, en toute clarté, le principe du consentement à l’impôt, base de toute vie démocratique, avec un budget dont les recettes et les dépenses sont fixées par des autorités politiques différentes ?

Une telle situation pousse très naturellement les États – c’est bien fâcheux – à adopter une attitude assez peu communautaire : comme ils cotisent, ils veulent s’assurer d’« en avoir pour leur argent », si j’ose dire. Mme Thatcher l’affirmait déjà voilà quelques années.

Une telle attitude fait disparaître l’intérêt commun derrière les intérêts nationaux parmi lesquels seuls sont pris en considération ceux qui sont localisables dans tel ou tel pays. C’est l’Europe en miettes, l’Europe du « chacun pour soi ». C’est la négation de l’Union européenne.

J’insiste de nouveau en cet instant sur la faiblesse de telles analyses. En effet, à qui profite l’investissement réalisé dans un pays avec les moyens des autres ? Où doit-il être comptabilisé ? Dans le pays où il est effectué ou dans les États originaires des fonds ?

À qui profitent les investissements réalisés au niveau des stations de réseaux transeuropéens – dans une gare ou un aéroport –, par construction appelés à être largement utilisés par d’autres que les nationaux de l’étape ?

La PAC n’a-t-elle pas été créée non seulement pour des agriculteurs dont on connaît le pays d’installation, mais aussi pour l’ensemble des consommateurs européens ? On ne le rappelle jamais assez !

Debut de section - PermalienPhoto de Denis Badré

Pourquoi classer par pertes et profits des acquis, comme la libre circulation ou l’ouverture des États, certes non localisables, qui sont sans prix mais non sans intérêt ?

Lorsque l’on fait le bilan de la construction européenne, enfin, faut-il vraiment citer seulement pour mémoire les valeurs d’intérêt évidemment général qui restent sa finalité : la liberté et la paix, l’État de droit, la démocratie et les droits de l’homme ? Chaque pays ne devrait-il pas en comptabiliser au moins une petite partie lorsqu’il calcule son « retour sur investissement européen » ? Évidemment, je plaisante, mais c’est afin de mieux montrer les limites des analyses fondées sur ces formules détestables de « retours nets ».

Eu égard à la priorité qui doit être donnée aux dépenses inspirées par la stratégie Europe 2020, le débat sur la réforme des ressources propres devrait interférer avec la discussion générale qui devrait maintenant être engagée très rapidement sur les perspectives budgétaires 2014-2020.

D’ailleurs, ce n’est pas forcément une mauvaise chose, à condition de ne pas charger excessivement la barque en visant trop d’objectifs à la fois et de conserver un grand souci de cohérence, à condition aussi d’en revenir toujours à l’essentiel, aux principes.

Parmi les pistes envisagées par la communication du 19 octobre de la Commission sur le réexamen du budget de l’Union figurent une taxe sur les transactions financières, un impôt sur les sociétés, l’utilisation de nouvelles recettes liées aux politiques de lutte contre les changements climatiques, une TVA européenne, sachant que la TVA est le seul impôt dont les bases sont aujourd’hui harmonisées et que, si cette idée était retenue, il resterait à déterminer la fraction de cet impôt qui serait affectée à l’Union européenne.

Sur l’ensemble de la question de l’impôt européen, Alain Lamassoure et les membres de la commission des budgets qu’il préside au Parlement européen ont déjà beaucoup travaillé. Ils l’ont fait avec le souci constant de nous associer à leurs réflexions. Nous ne partons donc pas de rien, sachant qu’en aucun cas l’Europe ne doit apparaître à la source d’impôts supplémentaires.

Le ministre fédéral des finances allemand, Wolfgang Schäuble, nous a une nouvelle fois mis en garde tout à l’heure. Nous devons réfléchir à l’impôt européen avec toute la sagesse voulue et en prenant tout le recul nécessaire pour éviter de le rendre contre-productif.

Debut de section - PermalienPhoto de Denis Badré

Le vrai sujet de fond, à cet égard, est celui de la répartition de l’imposition entre les États et l’Union. Si impôt européen il y a, il faudra moins d’impôts nationaux. Cette répartition est forcément liée à celle des compétences entre les États et l’Union.

On en revient à la subsidiarité, autre sujet central avec la solidarité, sur lequel nous n’avons fait qu’une petite partie du chemin, car il reste beaucoup à faire.

Debut de section - PermalienPhoto de Denis Badré

On en revient toujours à la question de l’organisation du dialogue – n’est-ce pas, monsieur le président Bizet ? –, d’une part, entre les Parlements nationaux, et, d’autre part, entre le Parlement européen et les Parlements nationaux.

Avec le souci de ne pas créer de nouvelles institutions, la COSAC, la Conférence des organes spécialisés dans les affaires communautaires et européennes des Parlements de l’Union européenne, s’est longuement penchée sur ce vrai sujet la semaine dernière, vous en avez certainement le souvenir.

Je formulerai maintenant quelques remarques sur le montant du prélèvement.

Nous pouvons déjà nous attendre à ce qu’il dérive d’ici à l’exécution 2011. Des ouvertures nouvelles en crédit de paiement seront intervenues, comme c’est toujours le cas, la vie continue… Je le disais, le prélèvement affiché dans l’article 46 a été calculé au printemps, sur la base de l’avant-projet du budget de la Commission, et surtout, sur une estimation de ce que pourra être la part de produit national brut de la France dans la répartition des PNB de l’ensemble des États.

Tout cela est appelé à évoluer, comme toujours, d’année en année.

Ainsi, en 2007, le prélèvement inscrit en loi de finances initiale avait été surestimé de plus de 1, 5 milliard d’euros, près de 10 % de son montant. Ce n’est pas négligeable.

En 2008, est apparue, au contraire, une sous-estimation, de 300 millions d’euros. En 2009, il s’agissait de nouveau d’une sous-estimation, de plus d’un milliard d’euros. Et en 2010, le prélèvement a été surestimé de 264 millions d’euros.

Tout cela pour dire que l’estimation du prélèvement mériterait d’être moins mouvante et moins opaque. Il y a sans doute ici aussi, monsieur le secrétaire d’État, un chantier à ouvrir pour que les États acceptent de meilleure grâce d’apporter leur contribution et ainsi de miser vraiment sur l’Europe.

Autorisez-moi, mes chers collègues, à tomber, en passant seulement et pour très peu de temps, dans le défaut des analyses en retours nets que je stigmatisais à l’instant. Puisque tout le monde utilise cette démarche, je suis obligé de le faire à mon tour, ne serait-ce que pour nous situer. Tant que le budget européen est ce qu’il est, nous sommes malheureusement condamnés à tomber dans ce travers.

La France devrait demeurer en 2011 le deuxième contributeur au budget communautaire, derrière l’Allemagne, sa part semblant, enfin, se stabiliser, après avoir subi une crue liée au nouveau mode de calcul du chèque britannique. Je rappelle, au passage, que ce sujet n’est pas marginal, puisque notre participation est tout de même de l’ordre du milliard, pour financer un chèque d’environ 5 milliards d’euros.

Notre pays remplace l’Espagne au rang de premier pays bénéficiaire, en recevant près de 13 % des dépenses de l’Union, cette situation tenant essentiellement au poids de la politique agricole commune.

Mes chers collègues, j’attire toutefois votre attention sur le fait que, si la France reste le premier bénéficiaire de la PAC en valeur absolue, elle n’apparaît qu’au cinquième rang si l’on considère les retours par habitant, lesquels se situent à moins de la moitié de ceux qui sont reçus par l’Irlande.

Il n’est sans doute pas inutile de rappeler cette réalité. Elle permet de relativiser un certain nombre de débats et de ne pas toujours nous installer dans la situation de celui qui est montré du doigt comme le vilain petit canard.

Debut de section - PermalienPhoto de Denis Badré

De même, si la France est aujourd’hui le troisième contributeur net au budget communautaire en volume, elle n’en est que le huitième en pourcentage du revenu national brut. Sachons faire dire aux chiffres ce qu’ils signifient vraiment et ne nous laissons pas entraîner dans de mauvaises comparaisons.

Je ferai une autre observation : alors que se pose la question du calibrage du budget européen, il est indispensable de procéder à un examen méticuleux des politiques communautaires.

L’Europe doit dépenser mieux. Nous avons besoin d’un budget communautaire aussi ambitieux que rigoureux, à la hauteur des enjeux de stabilisation conjoncturelle, de compétitivité, de recherche et de formation, de cohésion intérieure et de rayonnement extérieur.

Par exemple, la réflexion très pratique que nous avons engagée sur les relations entre les politiques européennes et nationales de recherche, entre notre BCRD national et le PCRD européen, doit être approfondie.

Vaut-il mieux apporter à la recherche un euro de plus directement au niveau national, au travers du budget français, ou par le biais du budget européen et notre contribution à celui-ci ? Voilà encore une vraie question.

Il convient surtout de renforcer la mise en œuvre vigilante du principe de subsidiarité, au regard duquel devraient être systématiquement examinés le budget, le fonctionnement et les politiques de l’Union européenne.

Je cite, enfin, le travail réalisé l’année dernière, au nom de nos commissions des finances et des affaires européennes, par votre serviteur, sur la multiplication des agences européennes. En partant de cette question particulière, la résolution adoptée par le Sénat le 13 novembre 2009 plaidait pour une amélioration de l’efficacité de la dépense publique européenne.

Vous savez, monsieur le secrétaire d’État, qu’en plein accord avec vous je n’abandonne pas cette réflexion puisque, avec un mandat du Gouvernement, cette fois, je vais aller visiter l’Agence des droits fondamentaux de Vienne, qui dispose d’un budget de 20 millions d’euros, sans que l’on voie complètement jusqu’ici ce qu’elle apporte à côté du Conseil de l’Europe, de son Comité des ministres et de son Assemblée parlementaire, de son Commissaire et de sa Cour européenne des droits de l’homme.

Là aussi, si l’on dispose vraiment de 20 millions d’euros – ce qui reste à prouver –, seront-ils mieux utilisés au travers de la création ex nihilo d’un nouvel organisme, ou par l’abondement des moyens affectés à celui qui existe déjà pour faire la même chose ?

J’ajouterai un mot sur les contributions subies par la France à la suite de refus d’apurements communautaires ou d’amendes. M. le président de la commission des finances le dit toujours, on ne sera jamais assez vigilant pour les éviter.

Debut de section - PermalienPhoto de Denis Badré

Monsieur le secrétaire d’État, je me suis attaché à montrer combien notre Parlement national se sentait concerné par l’ensemble des sujets qui sous-tendent l’actuelle négociation budgétaire européenne. C’est aussi notre affaire, en plus d’être celle du Parlement européen et du Conseil.

Nous sommes concernés sur les débats ouverts ou à ouvrir sur les ressources propres et l’impôt européen, sur les perspectives financières 2014-2020, sur les montants et la structure des budgets à y inscrire, sur le devenir du Fonds européen de stabilisation financière et, plus généralement, sur tout ce qui touche à la définition et à la construction de solidarités financières durables, hors desquelles l’Europe risque de se chercher longtemps.

L’agenda est chargé. Attachée qu’elle est à la construction européenne, notre Assemblée entend assumer ses responsabilités européennes, désormais consacrées par le traité de Lisbonne. Le président Bizet le soulignera certainement.

Pour conclure, mes chers collègues, je vous recommanderai, le moment venu, lorsque l’article 46 du projet de loi de finances sera soumis à votre vote, de bien vouloir l’adopter.

Très bien ! et applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

La parole est à M. le président de la commission des affaires européennes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, 2010 restera sans doute dans les annales comme une année particulièrement mouvementée, mais qui aura vu la construction européenne accomplir en quelques mois, en matière économique, des progrès plus rapides que depuis plusieurs années.

Elle a, en effet, commencé avec la crise grecque, qui, risquant de dégénérer en crise systémique, a suscité de fortes inquiétudes sur la stabilité de la zone euro. L’Europe s’est fait très peur. Fidèles à l’héritage de Jean Monnet, les dirigeants européens, contraints par l’urgence, se sont finalement ressaisis et, après moult tergiversations, ont fait prévaloir la solidarité entre les États membres.

Cette crise a paradoxalement créé un contexte favorable à la réforme de la gouvernance économique de l’Europe, dont les lacunes ont été mises en évidence de façon flagrante. Elle aura permis de renforcer la surveillance budgétaire et macroéconomique des États membres et de mieux coordonner leurs politiques économiques.

Aussi devons-nous nous féliciter de l’accord auquel le Conseil européen des 28 et 29 octobre derniers est parvenu. Ses conclusions, brèves, influencées par la déclaration franco-allemande de Deauville du 18 octobre, procèdent à une réforme ambitieuse de la gouvernance économique en Europe.

Le Conseil européen fait sien le rapport du groupe de travail du président Van Rompuy sur ce sujet. L’automaticité des sanctions sera subordonnée à la maîtrise politique de la procédure pour déficit excessif par les États membres.

Le Conseil européen a entériné le principe d’une modification limitée du traité devant intervenir à la mi-2013, au plus tard, afin d’établir un mécanisme permanent de gestion de crise pour préserver la stabilité financière de la zone euro, l’existence du Fonds européen de stabilisation financière institué en mai dernier étant limitée à trois ans.

La clause de non-renflouement des États membres contenue dans le traité ne sera pas modifiée, cette précision ayant été apportée afin de tenir compte des contraintes constitutionnelles allemandes. En revanche, la question des sanctions politiques, c’est-à-dire la suspension des droits de vote de l’État membre qui violerait gravement le pacte de stabilité et de croissance, a été écartée.

L’année 2010 marque également le début des négociations en vue des prochaines perspectives financières pour l’après-2013. Ne nous le cachons pas, ces négociations seront extrêmement difficiles.

Les débats sur le projet de budget de l’Union européenne pour 2011, le premier à être soumis à la nouvelle procédure résultant du traité de Lisbonne, augurent déjà des difficultés à venir.

Alors que cette nouvelle procédure budgétaire requiert la coopération pour se rapprocher du compromis final, les positions de chacun sont plus que jamais divergentes – M. le rapporteur spécial nous les a rappelées –, ce qui fait peser une incertitude sur l’adoption du budget.

Certes, le Parlement européen est prêt à accepter une hausse très limitée du budget 2011 pour tenir compte du climat d’austérité. Ainsi, pour la première fois depuis vingt ans, il n’envisage pas de dépasser les plafonds prévus dans les rubriques de dépenses.

Mais, en contrepartie, le Parlement européen veut avoir des assurances sur le financement futur des politiques européennes. Concrètement, il cherche à obtenir une double avancée : d’une part, une révision du cadre financier actuel afin de tenir compte des nouvelles compétences européennes introduites par le traité de Lisbonne ; d’autre part, l’ouverture par le Conseil d’un débat sur la réforme des ressources propres susceptibles d’alimenter le budget européen, sur la base de la communication que la Commission a présentée le 19 octobre dernier sur le réexamen du cadre financier.

Notre collègue Denis Badré l’a précisé tout à l’heure, nous avons eu, grâce notamment au président Larcher et au président Arthuis, un échange avec M. Schäuble, le ministre fédéral allemand.

En effet, le Parlement européen critique depuis plusieurs années la part prépondérante que représentent les contributions nationales dans le financement de l’Union européenne, qu’il estime inadaptée. Permettez-moi toutefois de rappeler que le Parlement européen n’est pas compétent en matière de ressources propres.

La Commission a proposé l’introduction de nouvelles ressources propres appelées à remplacer progressivement les contributions nationales, en particulier une taxation européenne du secteur financier, des recettes tirées par l’Union européenne de mises aux enchères dans le cadre du système d’échanges de quotas d’émissions de gaz à effet de serre, une redevance européenne liée au transport aérien, une TVA européenne, une taxe européenne sur l’énergie et un impôt européen sur les sociétés.

Comme les échanges que nous avons eus avec M. Schäuble le laissent augurer, il faudra encore beaucoup de temps avant d’avoir un projet concret sur la table.

Ces pistes de travail évoquent naturellement le thème d’un impôt européen, qui a pour principale caractéristique de faire l’unanimité contre lui dans les capitales des grands États membres, notamment Londres, Berlin et Paris, où une telle idée est jugée « parfaitement inopportune ».

Il est donc fort peu probable que la position des États membres sur ce point évolue. Vous me contredirez si nécessaire, monsieur le secrétaire d’État.

À l’évidence, les positions en présence paraissent pour l’instant irréductibles et suscitent bien des inquiétudes, à un double niveau.

À court terme, que se passera-t-il si le budget 2011 n’est pas adopté avant la fin de l’année ? Le recours aux douzièmes provisoires, fondés sur le budget 2010, se traduirait par une diminution réelle des crédits alloués aux politiques européennes. J’ajoute que le Service européen pour l’action extérieure, le SEAE, ne serait pas financé.

À moyen et long termes, nous ne voyons pas encore de terrain de compromis possible pour les futures perspectives financières, alors que des questions comme la politique agricole commune, la politique de cohésion ou encore la ristourne britannique sont abordées de façon souvent passionnelle, dans un contexte marqué par l’impossibilité, compte tenu des contraintes budgétaires nationales, d’accroître la taille du budget européen.

Sur tous ces sujets, monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous apporter des précisions ?

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Sutour

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat qui nous réunit ce soir intervient dans des circonstances particulières, au lendemain d’un Conseil européen qui, sous couvert d’une « nouvelle gouvernance économique », entérine de fait une politique d’austérité à courte vue pour l’Europe et attentatoire aux principes fondateurs de la légitimité du projet européen.

Comme nous l’avions redouté, les États membres, sous l’impulsion de la France et de l’Allemagne, ont approuvé le durcissement du respect des conditions du pacte de stabilité. Une telle priorité n’a pas de sens, surtout si les sanctions viennent peser sur des pays déjà surendettés. À un mécanisme coercitif, nous aurions préféré un mécanisme préventif fondé sur la responsabilité, la solidarité et les choix collectifs, en cohérence avec l’idée même du projet européen. Quelle est donc cette Europe qui retire des droits de vote ou des fonds structurels à des pays en difficulté ?

Sous le prétexte de contraintes budgétaires nationales renforcées, onze États membres, sous la houlette de la Grande-Bretagne, ont négocié le refus non seulement d’une augmentation du budget pour 2011, mais de toute modification future du plafond du cadre financier.

Comme nous l’avions souligné non seulement au mois de juin, mais également la semaine dernière lors du débat préalable au Conseil européen, on a mis la charrue avant les bœufs en faisant des sanctions le préalable à l’élaboration d’une gouvernance économique commune. Une modification du traité pour ces seules sanctions n’a pas de sens si le pacte de stabilité n’est pas réformé en profondeur. Nous regrettons ainsi une vision extrêmement réductrice de ce que pourrait être une véritable gouvernance économique commune, porteuse de croissance et d’emploi pour les Européens.

En définitive, le budget européen 2011 est non pas un budget de crise, mais un budget en crise. À quelques mois de l’ouverture des négociations sur le futur cadre financier de l’Union, la seule perspective que proposent les États membres est de déshabiller Pierre pour habiller Paul.

Pourtant, les politiques d’austérité généralisées pour lesquelles ont opté la majorité des États membres de l’Union ne devraient pas paralyser tout débat sur le budget européen annuel, ni, aujourd’hui, sur les travaux préliminaires de révision du cadre financier. Ou alors, c’est que les États membres ont perdu toute foi en l’Union et en ses capacités à soutenir leurs actions.

À l’opposé de la vision du Conseil européen, trois paramètres sont aujourd’hui à prendre en compte pour l’élaboration de ce nouveau cadre financier.

Le premier est l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, qui offre des compétences renforcées, notamment en matière de politique énergétique commune et d’asile.

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Sutour

En effet, monsieur le sénateur de la Lozère !

Ce sont bien les États membres qui en ont décidé ainsi. Cela signifie qu’ils étaient prêts à envisager une augmentation des moyens financiers.

Le deuxième paramètre est le lancement de la stratégie 2020, qui nécessite de lourds investissements. Ne croyons pas que, comme pour la stratégie de Lisbonne, les États membres pourront eux-mêmes financer l’intégralité de ces nouveaux objectifs. L’échelon européen est indispensable si l’on veut disposer de politiques de frappe en matière climatique, environnementale, industrielle, de recherche et d’innovation. Je pense que nous serons d'accord sur ce point, mes chers collègues.

Le troisième paramètre est le niveau de la dette publique en Europe, à cause duquel les États membres se déclarent dans l’impossibilité d’augmenter leur contribution au budget européen.

Monsieur le ministre, vous avez vous-même affirmé que l’augmentation de la contribution française dans le cadre des prochaines perspectives financières n’était « pas viable ». Et la position commune franco-allemande adoptée au mois d’août dernier s’oppose, en substance, à l’augmentation du budget européen et à l’éventualité de taxes à l’échelle de l’Union pour combler le manque de financements.

Alors, que comptez-vous faire ? Que comptez-vous proposer ? Nous prenons acte de ce constat, mais nous estimons que vous ne pouvez pas vous en tenir à une telle déclaration, à nos yeux inacceptable.

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Sutour

Nous sommes tous d’accord pour dire qu’il faudra nécessairement dépenser mieux, sans pour autant condamner certaines politiques. Mais il faut aujourd’hui envisager sérieusement de nouvelles ressources propres.

Même s’il s’agit d’un sujet que nous abordons depuis longtemps dans notre hémicycle, le nouveau pouvoir du Parlement européen en la matière n’est pas étranger à la pression nouvelle exercée aujourd’hui sur la Commission et les États membres pour aborder enfin, véritablement, la question des ressources propres.

Les États membres ne doivent pas non plus se tromper de débat ou, plutôt, ignorer la réalité. Ce qu’il faut envisager, ce n’est pas de gérer les politiques avec ce dont on dispose. Il faut être beaucoup plus ambitieux que cela, en programmant les besoins croissants des États membres en matière de politique de soutien.

On ne peut pas, d’un côté, paraître ambitieux – je pense à la volonté manifestée d’avoir une véritable stratégie industrielle européenne – et, de l’autre, opposer une fin de non-recevoir à un accroissement des moyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Sutour

S’il n’est pas acceptable de réduire les crédits européens, il faudra prévoir de nouvelles ressources propres communautaires, lorsqu’on sait que le budget est alimenté à 85 % par les contributions des États membres.

À mon sens, il est important d’avoir un débat sur ces ressources qui soit désolidarisé du reste de la réflexion. Nous aurions bien sûr préféré qu’un tel débat ait été considéré comme un préalable par la Commission. Néanmoins, nous nous réjouissons que le document de réflexion aujourd’hui publié force les États membres à aborder ces nouvelles perspectives et à prendre position sur celles-ci.

En tant que parlementaires nationaux, nous pouvons toujours débattre sur les ressources propres, et même nous entendre. Nous sommes déjà tous convaincus de la nécessité d’en trouver de nouvelles.

M. le président de la commission des finances s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Sutour

Mais c’est bien les États membres, à commencer par le gouvernement français, qu’il faut convaincre. Si ces États membres continuent à camper sur leurs positions, les prochains budgets européens seront en danger.

Nous sommes plutôt satisfaits des nouvelles propositions de la Commission européenne.

Celle-ci nous rejoint sur de nombreuses options de financement que nous défendons déjà depuis de nombreux mois : l’affectation au budget européen d’une part des recettes taxe sur les transactions financières ; l’affectation au budget européen d’une partie des recettes des enchères des quotas d’émission de gaz à effet de serre ; une taxe bancaire qui aurait la même finalité ; l’émission d’Eurobonds, qui permettrait le financement, via la Banque européenne d’investissement, des infrastructures européennes en matière d’énergie ou de transport ; enfin, une taxe européenne sur les bénéfices des sociétés.

En bref, c’est tout ce à quoi se refusent aujourd’hui une majorité d’États membres, en particulier la France, qui souhaiteraient voir verser directement au budget national ce type de recettes potentielles.

J’attire l’attention sur le fait que, contrairement à la pratique de plus en plus fréquente dans les négociations de trouver un compromis permettant de faire accepter des décisions en reculant simplement leur date d’entrée en vigueur, il n’est politiquement et même financièrement pas envisageable de prévoir un tel report dans la situation des finances européennes actuelles si on veut financer des politiques de sortie de crise, en particulier la stratégie 2020.

Le Parlement européen ne s’est pas trompé, lui, en faisant porter principalement son débat sur les recettes, sur lesquelles il a désormais un droit de regard.

Résoudre en amont la question des ressources propres est désormais incontournable pour élaborer les politiques de demain et financer les projets existants.

En témoigne le débat autour de la politique agricole commune, la PAC, et de la politique de cohésion territoriale.

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Sutour

Aujourd'hui, le risque est grand de voir ces deux rares politiques distributives de l’Union constituer les variables d’ajustement de ces prochaines négociations.

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Sutour

La politique de cohésion territoriale, à laquelle nous sommes très attachés, ne doit pas être sacrifiée sur l’autel d’un pseudo-rationalisme budgétaire. Sa valeur ajoutée au niveau européen est incontestable, du point de vue tant du développement territorial de chaque région que de la cohésion entre territoires.

Voilà un an, la Commission européenne avait tenté, dans un document non officiel, de démanteler cette politique au profit des seules régions les plus pauvres d’Europe. Si cette position radicale semble désormais avoir été abandonnée, nous devons rester vigilants, car les débats ne font que commencer.

Soulignons qu’à cet égard la position des nouveaux États membres sera déterminante. Ils se présentent comme favorables au maintien de l’objectif 2, en pensant que s’ils défendent seulement l’objectif 1, beaucoup d’États préféreront nationaliser la politique de cohésion. Mais s’ils doivent faire un choix, ils favoriseront probablement l’objectif 1 ! Le dialogue avec eux est donc primordial.

D’ailleurs, dans une résolution votée le 7 octobre dernier, le Parlement européen a rappelé la nécessité d’avoir une politique de cohésion « forte et bien financée », bénéficiant à l’ensemble des régions d’Europe pour plus d’efficacité et de synergies économiques entre elles.

Par conséquent, monsieur le ministre, il est essentiel que notre gouvernement soit ambitieux en la matière, d’autant plus qu’il pourrait être tentant de fondre la politique de cohésion dans la stratégie Europe 2020 et d’en faire un instrument de financement de cette stratégie. Et cela, en tant que sénateurs – c’est, je crois, un sentiment partagé sur l’ensemble des travées de la Haute Assemblée –, nous ne pourrons pas l’accepter, même si nous devrons peut-être le subir.

D’ailleurs, la dernière communication de la Commission européenne sur le sujet est ambiguë.

Certes, il est nécessaire que les deux politiques soient cohérentes. L’économie de la connaissance et l’innovation doivent être au cœur de nos investissements dans les territoires. De ce point de vue, la proposition de la Commission de mettre en place des « contrats de partenariat pour le développement et l’investissement » entre la Commission, les États membres et les partenaires au niveau local et régional est une idée que nous trouvons intéressante.

Cependant, si la stratégie 2020 devient l’objectif sous-jacent de la politique de cohésion, est-elle vraiment le meilleur instrument pour l’atteindre ? Que restera-t-il de l’objectif de redistribution des richesses et de cohésion territoriale ? La Commission propose ainsi de réserver une partie du budget des fonds de cohésion aux États membres qui respecteraient les objectifs de la stratégie 2020. Elle parle ainsi de « concurrence qualitative » !

Au-delà du jargon, j’aimerais souligner les dangers d’une telle proposition et combien il est essentiel de garder une stratégie fondée sur la solidarité entre États membres et entre régions et sur les besoins spécifiques de nos territoires.

Depuis des années, la politique de cohésion est un pilier du processus d’intégration européenne ; elle la rend concrète pour les citoyens et permet d’améliorer leur perception de l’Union européenne. Elle ne doit pas être le vecteur d’une concurrence nouvelle entre États membres ! Au-delà des stratégies strictement comptables, il ne faut pas oublier que la politique de cohésion territoriale est le symbole d’une certaine idée de l’Europe et qu’elle revêt ainsi un enjeu démocratique majeur.

Enfin, nous attendons dans les prochaines semaines les premières propositions de réforme de la Commission européenne sur la politique agricole commune. Aujourd'hui, en l’état – j’insiste sur les termes « aujourd'hui » et « en l’état » –, il ne semble pas que l’enveloppe globale de la PAC soit remise en question par la Commission, mais l’insistance de certains pays nous inquiète.

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Sutour

Cependant, des incertitudes lourdes de conséquences demeurent. Elles concernent la répartition des aides, le verdissement de la PAC, les nouvelles conditionnalités, ainsi que les mesures de marché et de lutte contre la volatilité des prix des denrées alimentaires.

En 2009, la crise agricole actuelle s’est traduite par une chute de plus de 30 % des revenus des agriculteurs français.

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Sutour

Et bien davantage dans certaines régions, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Sutour

M. Simon Sutour. … n’est-ce pas, mon cher collègue Roland Courteau ? Nous savons ce que cela signifie en Languedoc-Roussillon, en particulier pour la viticulture.

Mme Bernadette Bourzai s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Sutour

Une telle chute des revenus a montré combien les dernières réformes de la PAC visant à démanteler les outils de régulation de marché ont été hasardeuses.

La fin des quotas laitiers en est le symbole. Aujourd’hui, la Commission européenne comme la France prétendent vouloir instaurer « un filet de sécurité » pour les agriculteurs. Mais qu’en est-il concrètement ? À cet égard, le papier de position franco-allemand ne peut pas nous rassurer, et je le regrette.

Pour notre part, nos propositions sont claires. Nous demandons la réintroduction de mesures de gestion des marchés, la coordination des objectifs de production, un plafonnement des aides ou encore des mécanismes de stockage privé et public.

Nous proposons également une remise à plat de l’architecture de la PAC avec des aides réparties en fonction de l’emploi créé et de la formation, de la qualité des productions, du service rendu à l’écologie et à la gestion des territoires, de la compensation des handicaps naturels.

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Sutour

En définitive, nous avons la vision d’une politique agricole commune ambitieuse et renouvelée, axée sur l’emploi, l’environnement et l’alimentation.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le vote sur la participation de la France au budget de l’Union européenne pour plus de 18 milliards d’euros intervient dans le contexte dense du sommet de Deauville – qui marquera, je l’espère, une nouvelle ère dans les relations entre l’Union et la Russie – et du Conseil européen de jeudi et vendredi derniers, qui a pris d'importantes décisions.

Parmi elles, l’instauration d'un « fonds permanent de stabilité financière » dont la première ébauche a été improvisée dans l’urgence au printemps dernier du fait de la crise européenne. Ce fut décisif car l’enjeu était sans doute plus que la stabilité de la zone euro, peut-être sa survie.

Il ne faudrait pas laisser croire aux citoyens et aux gouvernements de la zone euro, comme aux prêteurs sur les marchés financiers, que tout endettement est dorénavant permis, puisqu’il y aurait un payeur en dernier ressort.

Il semble que la clause interdisant le renflouement d'un État restera dans le traité européen. La non-assistance est le principe, le sauvetage l’exception. Mais comment, dans la pratique, opérer ce sauvetage ? À quelles conditions, avec quelles ressources ? Monsieur le secrétaire d’État, ne craignez-vous pas qu’une nouvelle révision du traité ne conduise à ouvrir la boîte de Pandore ?

S’agissant des sanctions financières à l'encontre d'un État excessivement déficitaire, la France a obtenu qu’elles ne soient pas automatiquement déclenchées, comme le proposait la Commission, appuyée par Jean-Claude Trichet. L’étendue des sanctions a-t-elle été discutée au Conseil européen ?

L’Europe a su faire face et réagir à la crise financière et économique, parfois dans l'improvisation et de manière imparfaite, mais elle a évité la faillite de son système bancaire. Après le temps de l'urgence, vient donc celui de la reconstruction. Les avancées sur la surveillance des politiques économiques nationales et la coordination des budgets nationaux sont autant de nouveaux chapitres de la « gouvernance économique » qui pourront être écrits dans les mois à venir.

Toutefois, l’Europe ne doit pas seulement surveiller et sanctionner ; elle doit aussi relancer et promouvoir ! Or, l’Europe piétine sur une stratégie de croissance. La stratégie de Lisbonne a été globalement décevante. La nouvelle stratégie Europe 2020 propose des objectifs communs, recentrés et clairement évalués. Mais, soyons réalistes, elle ressemble plus à un catalogue de bonnes intentions…

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Même s'il est prévu de donner un rôle moteur au Conseil européen, la stratégie Europe 2020 continue de reposer essentiellement sur les actions des États membres.

Quant à la question capitale des financements, elle est éludée.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Il est nécessaire, dans le cadre d'une stratégie de croissance, d’avoir une politique ambitieuse d'investissement public. Or, le budget européen, qui repose sur des contributions nationales, donc limité, n’est pas susceptible de financer à lui seul les grands projets d'avenir envisagés. Il n’est qu'à voir les exemples des projets ITER et Galileo, qui connaissent de considérables difficultés de financement.

Certains estiment qu’il faudrait porter le budget européen à 2 % voire 3 % du PNB communautaire. Je serais tenté de me rallier à cette opinion, d’autant que le traité de Lisbonne a considérablement étendu le rôle et les missions de l’Union. Mais il est vrai que, dans le contexte de déficit actuel, ce n'est pas envisageable.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

On a parlé à un moment d'un « grand emprunt européen ». Cette idée soulève évidemment des interrogations et des espoirs mais est-elle d'actualité ?

Reste donc à dépenser mieux. Il y a là incontestablement des marges de manœuvre car le budget européen laisse aujourd'hui le sentiment d'un saupoudrage de moyens sans réelle adéquation avec les besoins, d’un gaspillage dans des procédures reconduites mécaniquement et souvent complexes, coûteuses et inefficaces.

Les négociations à venir sur les perspectives financières de l’après-2013 doivent être l’occasion de repenser complètement la structure du budget européen.

En matière de dépenses, il nous faut appliquer le critère de la valeur ajoutée que propose la Commission, c’est-à-dire déterminer quand un euro dépensé au niveau européen est plus utile qu’un euro dépensé à l’échelon national. Cela devrait être une interrogation constante. Il y a tellement de redondances entre budgets européen et nationaux !

Il faut tendre à une mutualisation des efforts nationaux sur de grands projets dans les domaines de la recherche, de l’innovation, de l'énergie, des transports et de la défense. C’est le seul moyen d'atteindre une masse critique, gage d'efficacité et donc de croissance et d'emplois. Les réformes proposées en la matière ne vont pas, hélas ! aussi loin.

Cette exigence de clarification sur les dépenses s’applique bien entendu au volet des recettes. Le système actuel exacerbe les égoïsmes budgétaires nationaux, amenant chacun à faire le détestable calcul coût-bénéfice de sa participation. Ces concurrences étriquées entre États nous affaiblissent et nous dispersent face à la compétition exacerbée qui nous oppose aux géants de demain. Il est temps de donner à l’Europe des recettes claires et stables, en retrouvant l’esprit des pères fondateurs et de leurs émules, qui croyaient en une Europe politique.

La Commission a proposé plusieurs pistes : taxe sur les transactions financières, impôt sur les sociétés, taxe énergétique, TVA européenne. Quelle piste privilégie la France ? Pour ma part, j'ai toujours été favorable à la mise en place d’un véritable impôt citoyen à l'échelle européenne mais je conçois qu’elle soit aujourd'hui difficile en raison, notamment, du contexte de crise.

La réflexion sur les recettes devra prendre en compte la multiplicité des défis qui se présentent à l'Europe. Celle-ci veut apparaître comme un véritable acteur global. À terme, les chantiers que sont la lutte contre le changement climatique, la sécurisation des approvisionnements énergétiques ou encore le renforcement de sa compétitivité économique nécessiteront immanquablement une très nette montée en puissance du budget communautaire.

L'année 2011 sera, à n'en pas douter, une année importante. Nous comptons sur vous, monsieur le secrétaire d’État, pour être particulièrement vigilant afin que la PAC ne fasse pas les frais de la réforme à venir.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

À ceux qui pensent que l'agriculture appartient au passé et que l’Union doit se concentrer sur autre chose, nous répondons que la PAC, c’est la souveraineté alimentaire, la préservation de nos territoires, mais que cette politique est aussi, à ce jour, la politique communautaire qui a le mieux rempli ses objectifs avec les fonds structurels.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

L’année 2013 devra être l’année de la refondation de la PAC, en aucun cas celle de son démantèlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Notre participation au budget européen nous permet de proposer une réflexion sur sa structure et son ampleur et de peser sur les choix politiques de l’Union. Je rejoins Pierre Messmer qui estimait que « les esprits et les cœurs [des Européens] ne seront gagnés, mobilisés que par des projets concrets et ambitieux ».

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

M. Aymeri de Montesquiou. J’espère que cet esprit de solidarité inspirera le prochain budget, et nous permettra de penser que l’Union européenne a un avenir.

Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, messieurs les présidents de commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l’intérêt d’un débat est toujours de permettre l’expression de ce que l’on appelle aujourd’hui des « sensibilités différentes ». Peut-être mon propos en exprimera-t-il une qui s’éloigne sensiblement des opinions précédemment exposées.

Nous sommes appelés à nous prononcer, comme chaque année, sur le montant du prélèvement opéré sur les recettes du budget de l'État au titre de la participation de la France au budget de l'Union européenne.

Nous le ferons, comme tous les ans, avec une certaine marge d’incertitude – comme l’a signalé notre excellent rapporteur – puisque le montant de ce « prélèvement européen » est seulement une évaluation de ce que sera la contribution française, et pour cause. Le budget 2011 de l’Union est en effet en cours de discussion, entre la proposition initiale, ambitieuse, de la Commission, la contre-proposition plus raisonnable du Conseil, et l'intervention du Parlement européen, avant que Conseil et Parlement parviennent à un compromis d’ici à quelques semaines. J’ajoute que les nouvelles règles du traité de Lisbonne s’appliquent pour la première fois cette année, ajoutant à l’incertitude. Le Parlement et le Conseil sont désormais sur un pied d’égalité.

Enfin, la négociation du budget annuel se trouve imbriquée dans un chantier plus vaste, celui de la réforme d’ensemble du système budgétaire communautaire, chantier qui sera lui-même immédiatement suivi par l'ouverture des négociations sur les montants du cadre financier pluriannuel post-2013.

Faute d'accord sur le budget, la période de conciliation se déroule de la fin octobre à la fin novembre afin d’aboutir à un compromis… j’espère que cela ne sera pas un fiasco ! Les débats risquent donc d'être particulièrement vifs, en particulier entre le Parlement et le Conseil.

Ce qui est certain, c’est que la préparation du budget pour 2011 a révélé un accroissement des dissensions sur le niveau global des dépenses notamment au sein des vingt-sept États membres. La position du Conseil des ministres du mois d’août dernier repose non pas sur une unanimité traditionnelle – notre rapporteur l’a relevé tout à l’heure –, mais sur un compromis forcément fragile. On peut noter – pour s’en réjouir – la position commune de la France et de l’Allemagne : elle a permis qu’une majorité se dégage sur la position du Conseil, limitant à 2, 9 % la hausse des paiements par rapport à l’année précédente. Sept États membres traditionnellement défenseurs du « juste retour » des montants qu’ils investissent dans le budget européen ont voté contre la proposition du Conseil, qui, selon eux, ne va pas assez loin dans les réductions.

La position du Parlement européen est quant à elle différente, dans la mesure où le projet de budget prévoit 4 milliards d’euros de crédits de paiement de plus par rapport au Conseil et une hausse de 6, 2 % des paiements par rapport à 2010. Cette position, évidemment décalée par rapport à la réalité économique, s’est parfois accompagnée de quelques déclarations pour le moins tonitruantes.

Ainsi s’affirme le nouveau pouvoir du Parlement européen, qui est désormais en mesure de refuser le budget. C’est un peu grisant, mais cela aura des conséquences très directes. Privée de budget 2011, l’Union se financerait par le système des douzièmes provisoires : on reviendrait ainsi aux crédits décidés en 2010, très inférieurs à ceux qui ont été proposés par le Conseil. Concrètement, ce choix impliquerait par exemple le quasi-abandon du service diplomatique de l’Union européenne. Cela aussi a été signalé par le président de la commission. Et je ne parle pas des fonds de cohésion, dont on a parlé à très juste titre, et des fonds agricoles. Autant éviter l'impasse !

Il faut évidemment que le Parlement européen prenne en compte les difficultés des États en matière budgétaire. Les efforts doivent être partagés équitablement par tout le monde. Il n’est pas admissible et il ne serait pas admissible que l’on donne le sentiment de dépenser à Bruxelles alors que les États se serrent la ceinture. Le contexte économique rend l’exigence de discipline budgétaire encore plus impérative que les années précédentes.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

À cet égard, le dernier Conseil européen a estimé qu’ « il est essentiel que le budget 2011 tienne compte des efforts d’assainissement déployés par les États membres ».

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Cela nous paraît une évidence, mais encore fallait-il le dire !

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

L’objectif de la France dans cette négociation doit être clair : limiter la hausse globale du budget de l’Union et rechercher les possibilités d’économies dans chaque rubrique, en veillant à ce que l'essentiel des coupes ne porte pas sur les dépenses de la PAC. Monsieur le secrétaire d’État, confirmez-vous que nous avons obtenu satisfaction sur ces points ?

Mais au-delà, c’est déjà le sujet autrement plus délicat des prochaines perspectives financières pour l’après-2013 qui se profile. Et le dialogue franco-allemand sera évidemment crucial pour forger un compromis inévitablement douloureux.

Pourquoi douloureux ? Parce que l’écart risque d’être plus grand que jamais, pour les États comme la France et l’Allemagne, entre le souhaitable et le possible, entre l’appel à une plus grande efficacité du budget communautaire pour investir dans la recherche et l’innovation, pour déployer une réelle politique étrangère, pour combattre la piraterie, pour réinsérer les Roms, pour soutenir la relance ou pour stabiliser l’euro et la nécessité pour chacun de limiter sa contribution nationale.

Pour notre pays, l’enjeu est de taille. Il faut absolument s’impliquer activement sur deux sujets clés du prochain cadre financier pluriannuel. Je pense au rabais britannique, dont la fin est souhaitable, et à la politique agricole commune, qu’il importe de pérenniser.

Disons-le tout net : le rabais britannique qui date de 1984 n’a absolument plus aucune pertinence aujourd’hui. Je vous rappelle, mes chers collègues, que le principal financeur de ce rabais est la France puisque nous assurons presque un tiers de son montant. Cela représentait, en 2009, une dépense de 1, 4 milliard d’euros sur un total de 5, 6 milliards d’euros. J’espère que les prochaines perspectives financières marqueront la disparition de cette anomalie.

Monsieur le secrétaire d'État, s’il ne fallait retenir, pour la France, qu’un sujet à défendre à l’occasion des négociations sur le prochain cadre financier pluriannuel – je veux ajouter ma petite musique à celle qui a déjà été jouée par de nombreux orateurs avant moi –, ce serait celui de l’avenir de la PAC.

Comme le Président de la République l’a dit et affirmé, nous sommes viscéralement attachés à cette politique, qui n’a rien perdu de sa pertinence, bien au contraire !

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Il n’est pas question pour la France d’abandonner cette politique. Il faut au contraire continuer à se battre pour obtenir les aides dont nos agriculteurs ont besoin. Nous avons des intérêts communs avec l’Allemagne et la position franco-allemande du 14 septembre dernier est un document majeur sur lequel nous devons nous appuyer. Il faut renouveler une PAC forte au-delà de 2013, adaptée au nouveau contexte mondial et répondant mieux aux attentes et aux besoins des citoyens européens. Les agriculteurs ont besoin de stabilité et de visibilité pour investir. La PAC est un élément fondamental de notre engagement européen, et elle doit être préservée. C’est pour ces raisons que nous devons disposer de ressources à la hauteur de nos ambitions.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

En ce qui concerne notre contribution au budget européen, je tiens à préciser certaines choses. En 2011, le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne est évalué à 18, 2 milliards d’euros, soit 7, 2 % des recettes fiscales nettes françaises.

D’abord, il faut rappeler, M. le rapporteur spécial de la commission des finances l’a très bien souligné tout à l’heure, avec toutes les atténuations nécessaires, que la France figure parmi les tout premiers contributeurs au budget de l’Union européenne. Ensuite, le solde net déficitaire de la France, qui s’élève en 2009 à près de 5 milliards d’euros par an ne va cesser de croître jusqu’à la fin des actuelles perspectives financières, c’est-à-dire environ jusqu’en 2013. La contribution française devrait ainsi connaître une progression moyenne de 600 millions d’euros par an, pour atteindre un solde net déficitaire de près de 7, 3 milliards d’euros en 2013.

Comme vous l’avez rappelé, ce prélèvement est inclus dans la norme dite « zéro valeur », c’est-à-dire qu’il faut financer sur les autres budgets ces 500 millions d’euros de plus chaque année, dont les 300 millions d’euros pour l’année 2011.

Cette détérioration du solde net français est inéluctable et ne doit pas être ignorée à l’heure où la crise plombe gravement nos comptes publics. L’esprit européen de solidarité ne doit pas nous exonérer de cette lucidité.

Cela exige une grande rigueur de notre part, mais aussi de la part de la Commission de Bruxelles. Il serait nécessaire que les efforts de réduction des dépenses auxquels nous, les États, nous soumettons soient également partagés par les institutions européennes. Personne ne comprendrait qu’il n’en soit pas ainsi.

La contribution de la France au budget européen nous rappelle une réalité qu’il ne faut pas nous cacher : la construction européenne a un coût dont la collectivité nationale doit prendre toute la mesure. C’est le prix à payer pour que l’Europe reste un espace commun d’avenir et de développement. C’est le prix que nous devons payer pour que les grands projets technologiques de l’avenir voient le jour. Je pense à Galileo, aux réseaux transeuropéens de transport ou à ITER, dont nous avons parlé tout à l’heure. Il est vrai que ces projets sont en train de prendre un retard inquiétant. Je lisais il y a peu de temps dans la presse que Galileo risquait d’être devancé par un projet chinois. Cela nous donne la mesure de la difficulté. C’est également le prix à payer pour que nos politiques communes – agricole, industrielle ou énergétique – soient pérennisées. Mais ce prix à payer doit être équitablement partagé et chacun doit prendre sa juste part de l’effort.

Dans ce contexte, il est nécessaire d’engager la réflexion sur les ressources propres. Je dirai ici, sans doute brièvement et brutalement, que nous devons éviter de faire dériver ce débat – c’est pour moi une position définitive – vers la création d’un impôt européen. Ressources propres, peut-être, mais pas d’impôt européen : personne ne le comprendrait et aucun de nos concitoyens ne l’admettrait.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Je tenais à profiter de ce débat pour l’affirmer.

Un budget alimenté par les États, mes chers collègues, n’est-ce pas le moyen le plus sûr d’éviter les dérapages, à condition que les choses soient claires et que l’on se garde précisément des anomalies comme le chèque britannique ou la litanie des rabais en tout genre. Le système actuel, certes, est opaque et inéquitable. Sur ce point, le consensus est général en Europe.

Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, au-delà de la contribution française au budget de l’Union européenne, je suis convaincu que nous devons mettre tout en œuvre pour aborder la prochaine négociation du cadre financier pluriannuel de l’Union, à partir du printemps 2011, avec une extrême détermination.

L’exercice est très difficile dans une Europe à vingt-sept, touchée par la crise ; mais il est tout simplement vital, à la fois compte tenu de l’état de nos finances publiques et pour la poursuite de l’adhésion des Français à l’idéal européen.

Dans ce cadre, la consolidation du moteur franco-allemand de l’Union est une absolue nécessité. Ne nous voilons pas la face : en matière de finances communautaires comme en matière de gouvernance économique, il y aura un compromis franco-allemand ou il n’y aura rien. Essayons, monsieur le secrétaire d'État, de ne pas l’oublier !

MM. Jacques Blanc, Jacques Mézard et Aymeri de Montesquiou applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Billout

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la participation française au budget de l’Union européenne proposée s’élève pour 2011 à 18, 2 milliards d’euros, soit 7, 2 % des recettes fiscales nettes de la France. Ce prélèvement est loin d’être négligeable et il devra continuer d’augmenter dans les années à venir.

D’un montant atteignant péniblement les 141 milliards d’euros, le budget communautaire, pour sa part, reste cependant très insuffisant au regard des richesses créées dans l’espace européen et ne paraît pas en mesure de faire face aux défis sociaux, économiques et environnementaux qui se posent à l’Union.

Concernant les recettes, qui ont été évoquées par l’orateur précédent, la part des ressources propres traditionnelles et de la TVA ne cesse de diminuer au profit de la contribution des États selon le revenu national brut. En effet, alors que les traités fondateurs prévoyaient la possibilité d’asseoir le budget européen sur la base de ressources propres et non sur des contributions prélevées sur les budgets nationaux, cette dernière ressource représente presque les trois quarts des participations des États membres au budget communautaire.

Malgré les grands discours et les propositions de débat réitérés sur une réforme des ressources propres, il semble qu’il n’y ait aucune réelle volonté de la part des institutions européennes pour trouver de nouvelles ressources budgétaires.

Pourtant, le Parlement européen, en contrepartie d’une hausse limitée du budget de 2011, a exigé du Conseil européen « l’ouverture d’un débat institutionnel dès l’année prochaine sur la réforme des ressources propres, notamment sur la création de nouvelles sources de financement ». Nous ne pouvons qu’approuver l’ouverture d’un tel débat.

Dans sa communication sur le réexamen du budget communautaire, reprise dans son rapport, notre collègue Denis Badré indique que « la Commission européenne suggère de réduire les contributions des États membres en abandonnant la ressource propre liée à la TVA et de la remplacer progressivement par une ou plusieurs nouvelles ressources propres ». Parmi les pistes envisagées figure, notamment, la taxation des transactions financières.

M. le président de la commission des finances s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Billout

Maintes fois évoquée, particulièrement par le gouvernement autrichien, la taxation des transactions financières constitue une piste particulièrement intéressante tout comme celle d’une taxe bancaire, car il s’agit de secteurs économiques qui, aujourd'hui, ne souffrent pas d’un excès de prélèvements. Elle reste cependant à être concrétisée par les instances européennes. La France, selon moi, s’honorerait à jouer un rôle moteur en ce domaine.

Concernant le projet de budget général de l’Union, il est, comme tous les budgets des États membres, soumis à un seul mot d’ordre, l’austérité, et assorti de mesures particulièrement coercitives qui pèseront sur les budgets nationaux des pays constituant l’Union, et donc directement sur les populations pourtant déjà très malmenées.

Ainsi, avec des crédits quasiment stables, la rubrique « croissance durable », incluant les actions en matière d’emploi, révèle qu’aucune stratégie n’est réellement mise en œuvre pour sortir de la crise. Comme toujours, les dirigeants européens préfèrent abandonner les outils publics et laisser le marché régler les questions d’emploi et de dynamisme économique.

Le développement de l’emploi et la sauvegarde des droits sociaux devraient être une priorité de l’Union pour 2011 et pour les années qui viendront. Les crédits attribués au financement des systèmes de protection sociale, de lutte contre les délocalisations et le dumping social, fiscal et environnemental devraient être adaptés aux réels besoins. Malheureusement, le budget alloué à l’Agenda pour la politique sociale de l’Union est en diminution de plus de 10 %.

S’agissant des dépenses en faveur de la politique de cohésion, il semble qu’elles soient remises en question, la Commission européenne recommandant de mieux soutenir les grandes priorités communes à toute l’Europe au lieu de se concentrer sur la réduction des disparités entre régions. Nous regrettons ces orientations. La politique de cohésion, bien au contraire, devrait être, selon nous, au cœur de toutes les actions européennes.

Les politiques en matière de liberté, sécurité et justice verront, pour leur part, leurs crédits d’engagement croître de 12, 8 % et leurs crédits de paiement de 15, 4 %.

Comme chaque année, les crédits de cette rubrique augmentent de manière spectaculaire. À défaut d’engager de véritables actions de coopération et d’intégration des populations migrantes, les politiques sécuritaires semblent être confortées. J’en veux d’ailleurs pour preuve l’augmentation de 22 % des crédits attribués au Fonds européen pour les frontières extérieures ainsi que l’augmentation de 29 % des crédits alloués au Fonds européen pour le retour.

Ces augmentations, ajoutées au peu de cas accordé au budget octroyé aux actions extérieures, démontrent une fois de plus l’absence de volonté de l’Union pour s’imposer sur la scène internationale comme un acteur important.

Pourtant, les priorités devraient se situer dans le respect des droits des migrants et de leur dignité. La réaction de la Commission européenne contre la situation faite aux populations Roms en France doit être saluée. Mais les éléments du budget semblent en contradiction avec le discours tenu. Nous le regrettons profondément.

Je dirai un mot sur l’avenir de la politique agricole commune.

Dans le budget communautaire de 2011, les crédits proposés pour les dépenses relatives aux marchés agricoles et aux aides directes sont en recul de 73 millions d’euros. Pourtant, la volatilité des marchés, l’instabilité des prix et la survenue de crises, comme celle du lait il y a quelques mois encore, démontrent la nécessité de réguler les marchés pour mettre fin à la spéculation et à la baisse des prix.

Dans l’optique de la réforme de la PAC, les rapports se multiplient. Nombre d’entre eux prônent des logiques libérales de dérégulation et de productivisme alors qu’il est urgent d’engager une véritable politique de prix rémunérateurs pour les agriculteurs et favorisant le maintien d’exploitations à dimension humaine.

En définitive, cette année encore, le budget communautaire ne semble pas en phase avec la réalité que vivent les Européens, qui manifestent par millions dans les rues en France, mais aussi en Grèce, en Espagne ou en Pologne.

L’Union européenne, avec ce budget, ne s’est toujours pas dotée des moyens lui permettant de financer les politiques solidaires ambitieuses dont nous aurions pourtant besoin.

Les membres du groupe communiste républicain et citoyen et des sénateurs du parti de gauche contestent les orientations de ce projet de budget communautaire ainsi que le montant et la destination de la contribution française, et appellent de leurs vœux la construction d’une autre Europe, fondée sur le progrès social.

M. André Vantomme applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Pozzo di Borgo

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la semaine dernière, le débat préalable au Conseil européen a permis au Sénat de mesurer l’ampleur des changements nécessaires pour tirer les leçons de la crise.

Tout en saluant les propositions franco-allemandes visant à renforcer la discipline et les sanctions, j’ai insisté sur le fait qu’il serait vain de vouloir instaurer une véritable gouvernance européenne sans réunir les conditions de la croissance.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que la croissance européenne ne dispose pas de la vigueur de la croissance des pays émergents ou, tout simplement, de celle des pays africains.

J’identifiais deux urgences, qui ne sont bien sûr pas les seules à devoir être traitées. La première est la convergence économique des États membres et, tout particulièrement, le rattrapage de la France par rapport à l’Allemagne. La seconde urgence est la recherche scientifique, puisqu’on sait aujourd’hui que le savoir est le moteur de la croissance.

Une semaine plus tard, aujourd’hui, nous débattons de la participation de la France au budget de l’Union européenne. Il s’agit en fait d’un seul et même débat : quel est l’avenir économique de l’Union et quels moyens sommes-nous prêts à mobiliser pour préparer cet avenir ?

Entre-temps, le Conseil européen s’est réuni jeudi et vendredi derniers. À cette occasion, les chefs d’État et de gouvernement ont souligné qu’il est essentiel que le budget de l’Union européenne tienne compte des efforts d’assainissement des États membres pour réduire leurs déficits et leur dette.

Comme le rapporteur spécial, je me félicite de la volonté de l’Union européenne de s’associer aux efforts de redressement des finances publiques nationales.

Mais je ne peux pas, un jour, défendre le volontarisme et, la semaine suivante, me faire le chantre de la rigueur. Aujourd’hui, je veux donc redire que le savoir est le principal moteur de l’économie et qu’il serait dangereux de l’ignorer.

Monsieur le président de la commission des finances, en ne finançant pas assez la recherche publique, en n’encourageant pas assez la recherche privée, la France et l’Europe s’affaiblissent.

La semaine dernière, j’illustrais l’importance de la recherche en prenant l’exemple de l’exploration spatiale. Ses retombées militaires, économiques, technologiques et scientifiques sont immenses et elle apporte des bénéfices concrets aux citoyens de l’Europe et du monde entier.

Les dépenses de recherche et développement sont inférieures à 2 % en Europe, alors qu’elles atteignent 2, 6 % aux États-Unis et 3, 4 % au Japon. Avec la stratégie Europe 2020, nous nous sommes engagés collectivement à investir 3 % du produit intérieur brut européen en recherche et développement en 2020.

Pour y arriver, il faut investir plus dans la recherche publique et encourager plus efficacement la recherche privée.

Au niveau national, nous y veillerons lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2011, puisque l’enseignement supérieur et la recherche restera la priorité budgétaire du Gouvernement.

À l’échelle européenne, il faut fournir le même effort : priorité à la recherche, d’une part, amélioration de l’efficacité de la dépense publique, d’autre part.

Je rejoins en ce sens la préoccupation du rapporteur spécial M. Denis Badré devant le phénomène européen qu’il appelle l’« agenciarisation ». En 2009, les agences européennes ont reçu plus de 560 millions d’euros de subventions et leurs effectifs, ayant doublé en cinq ans, s’établissaient à plus de 4 800 agents. Leur travail est-il évalué ? Ce serait la moindre des choses ! En outre, pour ne prendre qu’un exemple, quelle nécessité y a-t-il à créer l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne à Vienne, alors que le Conseil de l’Europe existe déjà ?

Aujourd’hui, nous confions plus de compétences à l’Union européenne, plus de responsabilités. Mais nous lui demandons aussi de faire un effort de rigueur budgétaire.

Nous avons besoin d’investir bien plus dans la recherche, mais nous ne voulons pas abandonner les politiques communes comme la PAC et nous refusons de réduire la politique européenne de cohésion, qui permet le rattrapage des nouveaux États membres.

Nous ne voulons pas augmenter nos contributions à l’Union européenne et nous ne voulons pas accroître ses ressources propres.

En somme, nous demandons plus d’Europe avec autant de ressources !

Dans l’immédiat, il faut donc rechercher des marges d’économies… et elles existent ! J’ai évoqué les agences. Il faut améliorer l’efficacité de la dépense publique européenne. Le sujet étant vaste, je me contenterai de rappeler que, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2007, je m’interrogeais sur le rôle et l’efficacité du Forum pour l’avenir de la démocratie. Quatre ans après, ce forum existe toujours et je m’interroge toujours !

Les exemples de gaspillages sont malheureusement nombreux.

À plus long terme, au-delà de la contrainte budgétaire, il faudra aborder une question de fond : le niveau adéquat des ressources propres de l’Union européenne.

Ce n’est pas une question idéologique ou de pères fondateurs, c’est une question d’efficacité. Il faut réfléchir au meilleur échelon pour agir en nous posant une question simple : où un euro de dépense publique est-il le mieux investi ? Au vu de cet examen, il faut donner à chaque échelon, national et communautaire, les moyens de ses ambitions.

Telles sont, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les quelques généralités dont je voulais vous faire part.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et sur certaines travées du RDSE, ainsi qu’au banc des commissions.

Debut de section - Permalien
Pierre Lellouche, secrétaire d'État chargé des affaires européennes

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, une semaine après notre débat préalable au Conseil européen et en amont de la discussion budgétaire, j’ai l’honneur, ce soir, de soumettre à l’examen de votre Haute Assemblée l’article 46 du projet de loi de finances pour 2011, évaluant le montant du prélèvement sur recettes qui sera versé par la France au budget de l’Union européenne pour 2011.

Ce sera pour moi l’occasion d’insister, dans un contexte marqué par la volonté forte du Gouvernement de revenir à l’équilibre de nos finances publiques, sur l’effort substantiel que représente, pour la France, le versement de cette participation, et d’évoquer avec vous les grands enjeux du débat qui est appelé à s’ouvrir, dès le printemps prochain, sur le budget européen post-2013.

Si vous me le permettez, je profiterai également de cette intervention pour évoquer les conclusions du Conseil européen des 28 et 29 octobre relatives à la gouvernance économique européenne, ainsi qu’à la préparation du budget européen post-2013.

Le renforcement des disciplines pesant sur les dépenses publiques nationales et la maîtrise des dépenses publiques européennes sont en effet deux sujets intimement liés. D’ailleurs, tous les orateurs qui m’ont précédé ont fort justement mis en avant ce lien. Le Conseil européen, dans ses conclusions, n’a d’ailleurs pas manqué de souligner que « parallèlement au renforcement de la discipline budgétaire au sein de l’Union européenne, il est essentiel que le budget de l’Union européenne et le prochain cadre financier pluriannuel tiennent compte des efforts d’assainissement déployés par les États membres pour ramener le déficit et la dette à un niveau plus viable ».

Je précise que le Conseil européen a souhaité revenir plus en détail sur cette question dans sa session de décembre, notamment en examinant comment le volet « dépenses » du budget européen peut contribuer au processus plus général d’assainissement des finances publiques.

Permettez-moi donc, mesdames, messieurs les sénateurs, avant de procéder à l’examen du prélèvement sur recettes, de tirer les principales leçons du Conseil européen en matière de mise en place d’une « gouvernance économique européenne ».

J’en ai retenu trois.

Première leçon, comme je l’avais annoncé devant votre Haute Assemblée il y a une semaine lors du débat préalable au Conseil européen, le couple franco-allemand a joué un rôle absolument fondamental dans l’organisation des débats du Conseil européen et dans l’orientation de ses conclusions.

Cela est parfaitement conforme à la position qu’il a adoptée depuis le début de la crise de l’euro. Je crois même que les événements qui se sont déroulés autour de cette affaire monétaire marquent un tournant très clair.

Un tel résultat n’était ni nécessairement simple à obtenir ni écrit d’avance, comme l’ont illustré les déclarations très virulentes, voire inacceptables, de certains, y compris de membres de la Commission. Je pense notamment aux déclarations visant directement des chefs d’État élus – la Chancelière allemande, le Président de la République française –, évoquant même un « diktat » franco-allemand et les pires catastrophes, alors que les deux dirigeants ne cherchaient, en révisant le traité, qu’à pérenniser notre zone monétaire commune.

Or, que constate-t-on à l’issue des débats de la semaine dernière ?

La déclaration franco-allemande de Deauville a bien été le point de convergence des débats des Vingt-Sept, non pas parce qu’il s’agissait d’une déclaration commune de la France et de l’Allemagne qui aurait, par principe, vocation à s’imposer à tous, mais parce que cette proposition – je veux le redire ici très solennellement – était vraiment dans l’intérêt de tous. C’est, en définitive, ce qu’ont parfaitement compris tous les chefs d’État et de gouvernement.

Le principe d’une révision du traité, que le Conseil européen souhaite limitée – monsieur Aymeri de Montesquiou, il est question non pas d’ouvrir la boîte de Pandore, mais de réviser le texte à deux endroits précis par une procédure accélérée –, pour « établir un mécanisme permanent de gestion de crise pour préserver la stabilité financière de la zone euro » est désormais acquis. Ce n’était pourtant pas évident dimanche dernier…

Cette pérennisation du mécanisme de gestion des crises est un résultat tout à fait fondamental et le Conseil européen a également fixé les grandes orientations de travail pour y parvenir.

Le Président du Conseil européen est chargé d’engager les consultations, dans la perspective du Conseil européen de décembre, au cours duquel les chefs d’État et de gouvernement prendront la décision finale sur les grandes lignes de ce mécanisme et sur la modification du traité.

La modification du traité, qui doit pouvoir être ratifiée « pour la mi-2013 au plus tard », ne doit pas toucher à l’article 125 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, la fameuse clause de non-renflouement.

Enfin, la question de la contribution du secteur privé – même si elle n’a pas été évoquée ce soir, elle est extrêmement importante et intéressante –, et du Fonds monétaire international, à ce mécanisme sera examinée très attentivement.

En effet, il n’est pas complètement absurde que ceux qui ont spéculé sur les dettes souveraines et pratiquement causé la faillite d’un État participent au mécanisme de renflouement et de caution collective. C’est donc un débat qui, je le crois, doit être ouvert devant nos opinions publiques.

Par ailleurs, la France et l’Allemagne ont également obtenu que la question des sanctions politiques, qui était au cœur de la déclaration de Deauville, figure explicitement dans les conclusions de ce Conseil européen et fasse l’objet d’un examen ad hoc. Là encore, ce n’était pas gagné d’avance.

M. Sutour a critiqué les sanctions financières et politiques. Mais, par définition, sans sanctions, il n’y a pas de discipline commune. Je serais donc intéressé de connaître les solutions alternatives qui pourraient exister dans ce domaine…

Toujours est-il que le Président du Conseil européen est chargé, en consultation avec les États membres, d’examiner – c’était bien le sens de la proposition franco-allemande – « la question du droit des membres de la zone euro de participer à la prise de décisions dans le cas des procédures en rapport avec l’UEM en cas de menace permanente pour la stabilité de la zone euro ».

Cette question des sanctions politiques n’est donc absolument pas écartée, monsieur le président Bizet. La France et l’Allemagne ont bien obtenu, ensemble, que ce débat soit ouvert et que cela soit inscrit noir sur blanc dans les conclusions du Conseil européen.

Vous avez néanmoins raison de noter que de nombreux États opposent une certaine résistance sur ce point. La plupart d’entre eux souhaiteraient continuer à bénéficier du fonds de garantie, mais ne veulent pas entendre parler de la discipline qui doit accompagner ce dispositif. Tout le travail consiste donc à trouver le juste équilibre entre la pérennisation du dispositif et la mise en œuvre de mécanismes de discipline commune.

Deuxième leçon, le Conseil européen « fait sien » le rapport du groupe de travail sur la gouvernance économique, piloté par le président Herman Van Rompuy. Sa mise en œuvre constituera, toujours selon les conclusions du Conseil européen, « une avancée importante dans la consolidation du pilier économique de I’UEM en renforçant la discipline budgétaire, en élargissant la surveillance économique et en approfondissant la coordination ».

Cette reconnaissance par les vingt-sept chefs d’État et de gouvernement de l’importance, et de la pertinence, des travaux conduits par la task force de M. Van Rompuy est essentielle.

Comme l’a dit le président Bizet, elle ouvre la voie à plusieurs innovations importantes : une meilleure coordination au niveau européen des politiques macroéconomiques ; une meilleure coordination des politiques budgétaires à travers la mise en place, dès 2011, du « semestre européen » ; enfin, le renforcement du volet préventif et correctif du pacte de stabilité et de croissance dans un sens conforme aux positions franco-allemandes.

Je rappelle en effet que le grand apport de la déclaration de Deauville, et du rapport du groupe Van Rompuy, est, par opposition aux propositions initiales de la Commission, de remettre le Conseil au cœur du processus de sanctions sans affaiblir l’efficacité de celles-ci.

Ce mécanisme – je réponds à M. Aymeri de Montesquiou qui s’interrogeait sur ce point – garantira à tous les États membres de la zone euro que l’appréciation de leur situation restera fondamentalement politique, tout en élargissant de façon très sérieuse les disciplines qui leur seront appliquées.

Les chefs d’État et de gouvernement ont fixé par ailleurs un calendrier ambitieux pour l’adoption du nouveau dispositif, en appelant à une « approche rapide » et à un accord entre le Conseil et le Parlement européen sur les aspects législatifs « d’ici à l’été 2011 ».

Troisième leçon, la question de la réforme des retraites, toujours elle, est bien au cœur de la nouvelle gouvernance économique européenne.

Je vous avais dit, la semaine dernière, à quel point l’adoption de la réforme des retraites par le parlement français était un enjeu fondamental pour la pérennité de notre modèle social, pour la maîtrise de nos finances publiques mais aussi pour la restauration de notre compétitivité et pour la cohérence de nos engagements européens.

Je vous avais également indiqué que cette question de la réforme des retraites ne s’arrêtait pas à nos frontières et que nombre de nos partenaires s’étaient déjà engagés dans ce processus, consubstantiel à la survie de leur économie et de leurs emplois.

M. Schäuble a été aujourd'hui reçu au Sénat. Une délégation de députés du Bundestag l’a été à l’Assemblée nationale. Vous savez que l’âge de la cessation du travail en Allemagne a été repoussé à soixante-sept ans.

Ce sujet, dont l’impact sur l’évolution des finances publiques nationales est fondamental, a effectivement été évoqué par le Conseil européen à travers les travaux de la task force de M. Van Rompuy.

In fine, le Conseil européen « invite le Conseil à accélérer les travaux sur la manière dont l’incidence de la réforme des retraites est prise en considération dans la mise en œuvre du pacte de stabilité et de croissance, et à lui faire rapport en décembre ». C’est la demande d’un certain nombre de pays, en particulier de la Pologne.

Mesdames, messieurs les sénateurs, c’est donc dans ce contexte de mise en place d’une « gouvernance économique » européenne que se situe notre débat sur l’article 46 du projet de loi de finances qui est soumis ce soir à votre approbation et qui concerne le montant de notre prélèvement effectué sur les recettes de l’État au titre de la participation de la France au budget de l’Union européenne.

Vous connaissez les données chiffrées, elles ont été rappelées par M. Badré, notamment : en 2011, le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne est évalué à 18, 2 milliards d’euros, soit 7, 2 % des recettes fiscales nettes françaises. Ce chiffre est plus élevé que celui que vous avez cité tout à l’heure, monsieur Badré.

Comme l’an passé, les ressources propres dites « traditionnelles » – droits de douane et cotisations sucre –, estimées à 1, 4 milliard d’euros, sont exclues du périmètre du prélèvement sur recettes, conformément à la recommandation de la Cour des comptes.

La participation française au budget de l’Union européenne représente donc un effort de solidarité substantiel, notamment à l’égard des nouveaux États membres qui bénéficient pleinement des dépenses de cohésion, fonds structurels et fonds de cohésion.

Cet effort est d’autant plus important qu’il doit être mesuré à l’aune des trois éléments suivants.

Premièrement, il faut rappeler que la France figure désormais – hélas ! – parmi les tout premiers contributeurs au budget de l’Union européenne. Notre pays était, en 2008, le troisième contributeur net, et, en 2009, le deuxième contributeur net après l’Allemagne, le président de la commission des finances le sait parfaitement.

Deuxièmement, le solde net déficitaire de la France, qui s’élevait à près de 5 milliards d’euros par an en 2009, ne va cesser de croître jusqu’à la fin des actuelles perspectives financières, c’est-à-dire jusqu’en 2013. La contribution française devrait connaître une progression moyenne de 600 millions d’euros par an, pour atteindre un solde net déficitaire de près de 7, 3 milliards d’euros en 2013 ! Comme la règle de progression dite du « zéro valeur » s’applique, un transfert de 600 millions d’euros en Europe, ce sont 600 millions d’euros en moins d’investissement en France même.

Troisièmement, l’application de cette règle de progression est donc difficile et se traduira par un véritable sacrifice pour nous, Français.

Je crois donc de mon devoir de ne pas masquer cette réalité et, à travers vous, de dire la vérité aux Français : la solidarité que nous affichons légitimement vis-à-vis de nos partenaires européens a un véritable coût, dont la collectivité nationale doit bien prendre toute la mesure.

Pour le Gouvernement, c’est cependant un prix nécessaire que nous acceptons de payer pour que la France, s’appuyant sur l’Europe, soit au rendez-vous du XXIe siècle, pour qu’elle soit un véritable « multiplicateur de puissance », au service d’un espace commun de valeurs, de démocratie et d’un modèle social unique au monde et pour qu’avec nos partenaires nous bâtissions des grands projets pour l’avenir. Je pense ici – d’autres orateurs avant moi ont mentionné ces projets – à Galileo, aux réseaux transeuropéens de transport ou à ITER, et à l’espace, cher à M. Pozzo di Borgo.

La discussion ouverte tout à l’heure par M. Badré sur la fausseté de ce discours sur les retours nets est fondée, mais il faut quand même garder toujours à l’esprit le fait que nous consentons à l’Europe élargie des transferts extrêmement importants, que nous ne faisions pas il y a quelques années.

Enfin, c’est le prix nécessaire pour que nous nous donnions les moyens de nos politiques communes. Plusieurs d’entre vous ont rappelé à quel point nous étions « viscéralement attachés » – je reprends l’expression d’un des orateurs – à la politique agricole commune. C’est notamment le cas dans cette assemblée.

Tel est donc l’objectif de cette contribution française. Encore faut-il en tracer les limites de bon sens, et si vous le permettez, celles-ci m’amèneront à formuler trois remarques.

Première remarque : il est nécessaire que les efforts de réduction des dépenses auxquels nous, les États, nous soumettons soient également partagés par les institutions européennes.

Debut de section - Permalien
Pierre Lellouche, secrétaire d'État

M. Gouteyron l’a justement dit tout à l’heure, il est en effet quelque peu curieux que la Commission qui, d’une main, entend flétrir, par des sanctions automatiques, les États qui ne sont pas suffisamment rigoureux sur le plan budgétaire leur propose, de l’autre main, un budget européen pour 2011 en augmentation – excusez du peu – de 6 % en crédits de paiement !

Debut de section - Permalien
Pierre Lellouche, secrétaire d'État

La même remarque vaut pour le Parlement européen qui, lui, souhaitait carrément une augmentation de 7 %.

C’est la raison pour laquelle le Conseil a refusé très fermement cette augmentation et, après avoir longuement réfléchi sur le sujet, a consenti à une augmentation tout de même importante de 2, 9 % des crédits de paiement en août dernier, sur la base de laquelle est calculé le prélèvement sur recettes qui vous est présenté ce jour.

À l’issue du Conseil européen, une lettre signée par douze chefs d’État et de gouvernement – dont la France, l’Allemagne, la Grande-Bretagne, l’Italie, l’Autriche, les Pays-Bas ou encore la Suède – et adressée au président du Conseil européen et à la présidence belge a très clairement rappelé qu’il n’était pas question d’aller, dans un contexte européen de maîtrise des finances publiques, au-delà de l’augmentation déjà substantielle de 2, 9 % consentie par le Conseil.

Aussi, je ne doute pas que, dans ce contexte, le Parlement européen, tenté par les mêmes excès, la même envie de dépenser, saura faire preuve de sagesse et, dans le cadre de la procédure de conciliation avec le Conseil, qui s’est engagée la semaine dernière, saura prendre pleinement en compte les réalités budgétaires européennes, qui s’imposent à tous les États membres, et, par-delà, aux 500 millions de citoyens européens.

La semaine dernière, lors du débat préalable à la tenue du Conseil européen, j’ai eu l’occasion de préciser que, pour la première fois cette année, le Conseil et le Parlement faisaient l’expérience des nouvelles dispositions du traité de Lisbonne et d’une procédure budgétaire désormais limitée à une lecture par chacune des institutions. Nous verrons, monsieur le président Arthuis, comment les choses se passeront.

Selon cette procédure nouvelle, et pour répondre à la question du président Bizet, les articles 314 et 315 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne sont clairs : en cas de rejet du budget, la Commission serait appelée à présenter un nouveau projet. Dans l’attente, l’Union fonctionnerait sur la base des douzièmes provisoires, c’est-à-dire l’équivalent d’un douzième du budget ouvert l’année précédente. Ce système des douzièmes provisoires permettrait d’assurer a minima la continuité des institutions, mais, chacun l’imagine bien, un certain nombre d’engagements nouveaux seraient compromis.

Toutefois, je veux le redire, nous ne sommes pas dans une situation de blocage pour l’instant : le Conseil et le Parlement ont, comme le traité le prévoit, adopté chacun une position. Ces positions sont, comme on pouvait s’y attendre, divergentes ; mais c’est le cas, vous le savez, au début de toutes les négociations sur le budget annuel. C’est le rôle de la conciliation que de définir des compromis mutuellement acceptables.

Permettez-moi d’ajouter, pour terminer sur cette première question de la maîtrise des dépenses, que cet impératif s’impose naturellement à toutes les institutions européennes, y compris aux très nombreuses agences dont l’Union s’est dotée. À cet égard, je me félicite du travail que vous allez engager, monsieur Badré, à la demande du Premier ministre sur l’Agence des droits fondamentaux à Vienne, que j’ai eu l’occasion d’examiner attentivement. Je pense que vous trouverez là certains enseignements qui seront probablement valables dans d’autres structures du même genre.

Deuxième remarque de bon sens, mesdames, messieurs les sénateurs : quand l’argent européen est effectivement disponible, qu’il a donc été transféré par les États, notamment par la France, afin que soit menée une politique sociale urgente, par exemple, nous serions en droit d’attendre que cet argent soit utilement et efficacement dépensé. Or c’est très exactement l’inverse qui se passe sur l’un des dossiers évoqués ce soir par M. Billout, c’est-à-dire le dossier des Roms, qui concerne tout de même 11 millions de personnes, dont 9 millions de citoyens européens.

En effet, dans ce dossier, la France a été injustement accusée, menacée, vilipendée, quelquefois dans des termes parfaitement insultants, inacceptables, pour la politique pourtant totalement conforme au droit européen qu’elle a engagée l’été dernier, à savoir faire respecter en France le droit d’occupation des sols et les conditions de séjour, elles-mêmes prévues par la directive de 2004.

Or, je veux le dire, pour m’être investi dans ce dossier depuis un an et demi et pour m’être rendu trois fois à Bucarest, nous avons, les premiers, appelé l’attention de nos partenaires sur l’existence, au sein de l’Europe au sens large, y compris parmi les candidats à l’adhésion, d’un véritable scandale, d’un « quart monde » de 11 millions d’individus, dont personne ne s’occupait et qui, pourtant, je le répète, pour 9 millions d’entre eux, sont citoyens de l’Union européenne.

Cette situation est le produit d’un échec patent des politiques d’intégration des Roms dans leurs pays d’origine, et d’une carence non pas du Parlement européen, qui a évoqué le sujet, mais au moins de la Commission, qui connaissait bien ce problème, notamment lors des études de préadhésion de ces pays et au moment des élargissements de 2004 et surtout de 2007. Elle n’a pas suffisamment pris la mesure de cet enjeu ni envisagé les mesures qui s’imposaient.

Or que constate-t-on ? Que c’est le procès de la France qui a finalement été instruit, et non celui des pays d’origine, comme si le problème des Roms était celui de la France et non celui de la Roumanie ou de la Bulgarie. Pourtant, ce sont dans ces pays que l’argent a été transféré, que cet argent disponible n’a pas été dépensé au profit des minorités roms !

Faut-il rappeler, en effet, que, sur près de 20 milliards d’euros transférés, dont va bénéficier, à titre d’exemple, la Roumanie sur la période 2007-2013, seuls 85 millions d’euros ont été programmés à destination des populations roms ?

George Soros, le célèbre financier américain, qui a créé à Budapest une fondation concernant les Roms, a déclaré devant moi, à Mme Reding, lors du sommet européen sur les Roms qui s’est tenu au mois d’avril 2010, qu’il donnait plus d’argent aux Roms que l’Union européenne, et sur ses deniers personnels. Je dis là qu’il y a scandale !

Mieux encore, alors même qu’on instruit le procès de la France, certains pays d’origine, loin d’assumer la moindre responsabilité vis-à-vis de leurs propres citoyens, préfèrent considérer cette question de l’intégration des Roms comme un « problème paneuropéen », dont il reviendrait à tous les États membres – sous-entendu à tous les autres – de prendre leur part.

Cela reviendrait à faire « payer deux fois » la France : une première fois au titre des fonds structurels, des fonds de cohésion, qui sont transférés d’Ouest en Est en Europe, et une seconde fois au titre de l’argent que l’État français, mais aussi nos collectivités locales, de droite comme de gauche, vont devoir verser pour mener à bien le travail d’insertion que les pays d’origine ne mènent pas à l’égard de leurs propres citoyens.

Dans ce contexte, je peux me permettre de parler de « carence », voire de « scandale », au regard de l’ampleur des sacrifices financiers que nous consentons.

Au-delà des mots tout à fait regrettables qui ont parfois été employés, la polémique de cet été aura peut-être, du moins peut-on l’espérer, une vertu : elle a démontré qu’il est temps, comme la France le demande depuis des mois, de s’intéresser aux véritables enjeux de fond que sont, d’une part, l’intégration sociale de ces malheureuses populations dans les pays dont elles sont citoyens à part entière – qui est le seul moyen d’améliorer effectivement leurs conditions de vie – et, d’autre part, la lutte contre les trafics d’êtres humains dont ces populations, en particulier les femmes et les enfants, sont les victimes.

C’est donc pour mettre les points sur les « i » et rappeler les États d’origine à leurs responsabilités premières que la France a pris l’initiative lors de la réunion ministérielle du Conseil de l’Europe, mercredi dernier, de faire adopter une déclaration, non sans mal d’ailleurs. En effet, comme vous le savez peut-être, mesdames, messieurs les sénateurs, le délégué roumain a préféré considérer que cette responsabilité n’était que passagère et que, pendant la période des quatre mois prévue par la directive de 2004, les citoyens roumains résidant légalement dans un autre pays de l’Union étaient sous la responsabilité de celui-ci. Il s’agit là d’une conception assez intéressante de l’article 2 du traité !

Ainsi, le gouvernement roumain estime n’être responsable de sa population Rom que huit mois de l’année, les quatre mois restants étant aux frais d’un autre État membre. J’insiste sur ce point, car c’est ce genre d’attitude qui peut être à l’origine de véritables crises en l’Europe. Nous n’en avons en tout cas pas fini avec cette affaire.

Troisième remarque : nous devons faire connaître clairement nos priorités dans la grande négociation qui se prépare sur le « cadre financier » européen, et qui prendra, à partir de 2014, la suite des actuelles perspectives financières 2007-2013. Beaucoup de choses ont été dites sur cette question par les orateurs précédents, et le Gouvernement les approuve totalement.

Vous le savez, les grandes manœuvres ont commencé avec la présentation par la Commission, le 19 octobre, de sa communication sur le réexamen du budget de l’Union. Ce document est la traduction de la « clause de réexamen », inscrite dans les conclusions du Conseil européen de décembre 2005.

Cet exercice, constamment repoussé, ne constitue cependant plus un réexamen à mi-parcours du cadre financier actuel. Il engage la réflexion sur les prochaines perspectives financières dans l’attente des propositions législatives de la Commission, le « paquet chiffré », annoncées pour juin 2011.

Les autorités françaises examinent attentivement cette communication, dont il ressort, en première approche, quelques grandes caractéristiques.

D’abord, ce document est, comme nous nous y attendions, assez court et essentiellement qualitatif. Tout le volet chiffré est renvoyé à l’été prochain.

Ensuite, les formulations employées dans ce document restent, pour l’essentiel, assez prudentes, notamment sur le volet « dépenses ». Il faut cependant prendre garde : derrière l’habileté de certaines formulations, on devine, ou l’on perçoit, que la PAC est la seule politique faisant l’objet d’une indication tendanciellement négative. Sur ce point, je partage les inquiétudes exprimées par certains d’entre vous. De même, aucune indication claire n’est donnée sur la limitation du budget de l’Union européenne.

Enfin, sur le volet « ressources », la communication est très fournie. De nombreuses nouveautés sont proposées, sur lesquelles nous devons prendre le temps de l’expertise : accroissement de la flexibilité au sein du budget, allongement de la durée de vie du cadre financier – dix ans –, recours accru à des instruments financiers novateurs, introduction de nouvelles ressources propres en remplacement de la ressource TVA et d’une partie de la ressource RNB.

Deux autres étapes jalonnent le parcours qui nous conduit au Conseil européen de décembre : le 10 novembre, la Commission publiera son cinquième rapport sur la politique de cohésion, et, le 17 novembre, elle rendra également publique une communication très attendue sur l’avenir de la PAC.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je n’ignore ni les dilemmes, ni les espoirs, ni les contradictions mis en lumière par certains d’entre vous ce soir – politique agricole commune contre recherche, ressources propres, impôt européen, limitation du budget. Ces contradictions existent dans notre pays, mais également, je tiens à vous rassurer, chez tous nos partenaires.

Dans ces conditions, il est d’autant plus nécessaire pour le Gouvernement, en liaison avec la représentation nationale, d’essayer de garder un cap clair et ferme. J’ai d’ores et déjà fait passer au commissaire européen en charge du budget, M. Janusz Lewandowski, quatre grands messages, lorsque je l’ai reçu à Paris le 31 août dernier.

Premier message : le budget européen doit rester stable au cours des prochaines années. Non, monsieur Billout, il n’est pas question de l’augmenter, et d’ailleurs avec quelles ressources ? Compte tenu de la hausse sensible et régulière de sa contribution brute et de la dégradation parallèle de son retour net, la France sera extrêmement vigilante sur ce point qui est, je crois, partagé par l’ensemble des États membres.

Deuxième message : il est indispensable de maintenir une PAC forte. C’est le message que j’ai entendu ce soir ici même. Je peux vous assurer de la fermeté du Gouvernement dans ce domaine. Il n’est pas question d’accepter une évolution à la baisse du budget de la PAC, celle-ci représentant encore près de trois quarts des retours de la France au titre du budget européen.

On peut encore adapter et améliorer la PAC, même si, comme vous le savez, celle-ci fait partie des politiques européennes qui ont été le plus réformées depuis leur création. En revanche, il ne faut pas l’affaiblir, surtout au moment où la sécurité alimentaire et la sécurité sanitaire sont des enjeux cruciaux partout dans le monde.

Je veux dire à MM. Gouteyron et Sutour combien nous sommes attachés à cette affaire de la PAC. Par ailleurs, et je m’adresse notamment à MM. Bizet et Badré, nous avons besoin de conserver une part de fonds structurels, parce qu’ils assurent la visibilité de l’Europe auprès de nos concitoyens. À cet égard, je vous renvoie à la lecture des rapports parlementaires portant sur ces sujets.

Troisième message : la stabilité du budget européen est parfaitement compatible avec une action européenne ambitieuse. La mise en œuvre des politiques communes obéit à des procédures parfois lourdes et inefficaces qui ne satisfont pas les publics visés. Il est impératif d’améliorer ces politiques et de les adapter à un monde en profonde transformation : plutôt que de dépenser plus, il faut, comme l’a dit notamment M. Sutour, dépenser mieux. C’est particulièrement clair dans le secteur de la recherche et de l’innovation. C’est également le cas pour la politique de cohésion. Sur ce sujet, vous avez tous à l’esprit le rapport de Pierre Lequiller, président de la commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale.

Quatrième et dernier message : s’agissant des ressources, nous devons regarder les choses en face. Le financement du budget européen est devenu illisible, inefficace et injuste. Les rabais – certains sont permanents, d’autres non – prolifèrent : chèque britannique, rabais TVA, « rabais sur le chèque britannique », rabais RNB. Savez-vous que la France est, mesdames, messieurs les sénateurs, la première contributrice à la correction britannique, dont elle acquitte près de 25 % ? Cela représentait, en 2009, une dépense de 1, 4 milliard d’euros sur un total de 5, 6 milliards d’euros.

Comme vous l’avez souligné justement, monsieur Gouteyron, le rabais britannique, qui date de 1984, n’a absolument plus aucune pertinence aujourd’hui. Cette situation n’est plus acceptable. Si le prochain cadre financier doit être l’occasion de se pencher, naturellement, sur le volet « dépenses », personne ne comprendrait qu’il ne soit pas aussi l’occasion d’examiner le volet « ressources ».

La France sera, dans ce cadre, naturellement disponible pour une réflexion d’ensemble sur le financement des dépenses de l’Union. Oui, monsieur Sutour, elle sera prête à discuter de financements nouveaux, des ressources propres. Mais soyons clairs : cette réflexion sur les ressources ne doit conduire ni à une hausse des dépenses ni à la création d’un impôt européen, qui impliquerait de transférer à l’Union européenne une compétence propre sur la fixation de l’assiette et du taux d’une nouvelle ressource. Ce n’est pas le moment de créer un impôt nouveau ou de changer la nature du système de financement de l’Europe. Aucun État membre n’est, du reste, prêt à l’accepter. À cet égard, les déclarations de la chancelière allemande aujourd'hui même font écho à la position de la France sur ces questions.

Sur tous ces sujets, messieurs Gouteyron et Bizet, nous pouvons nous attendre à ce que la négociation soit complexe, difficile, et probablement longue. Souvenons-nous que, lors de la préparation des actuelles perspectives financières 2007-2013, les manœuvres avaient commencé dès 2003, c’est-à-dire quatre ans avant, avec l’envoi à la Commission de la « lettre des Six », dont la France était signataire, réclamant le plafonnement du budget européen à 1 % du PNB européen. Les négociations ne s’étaient achevées qu’en décembre 2005.

Mais, dans ce chantier de longue haleine qui vient de s’ouvrir, vous avez raison de souligner, monsieur Gouteyron, que la France et l’Allemagne sont appelées à jouer, sur ce sujet comme sur tous les autres, un rôle moteur. L’Agenda franco-allemand 2020, adopté en février 2010 par le Président de la République et par la Chancelière, prévoit d’ailleurs que « la France et l’Allemagne préparent ensemble les négociations du prochain cadre financier pluriannuel européen, en veillant notamment à ce qu’il soit cohérent avec les contraintes qui pèsent sur les budgets nationaux et que les charges soient équitablement réparties ».

Pour conclure, tels sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les quelques éléments que je souhaitais vous présenter, en réponse à vos interventions, sur les résultats du Conseil européen des 28 et 29 octobre et sur le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne pour l’année 2011.

Sur cette base, le Gouvernement a l’honneur de demander à la Haute Assemblée de bien vouloir approuver l’article 46 du projet de loi de finances.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – M. Yves Pozzo di Borgo applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

La parole est à M. le président de la commission des finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Je tiens à remercier la conférence des présidents et le Gouvernement, tout particulièrement M. le secrétaire d'État, ainsi que vous-mêmes, mes chers collègues, d’avoir accepté que le débat sur la participation de la France au budget de l’Union européenne ait lieu par anticipation dans le cadre d’une semaine de contrôle réservée au Sénat.

Ainsi, nous allons pouvoir réduire le temps que nous consacrions habituellement à cette question au cours de la discussion budgétaire, un mercredi matin, avant le vote sur l’article d’équilibre. Le vote sur l’article 46 interviendra bien évidemment non pas ce soir, mais juste avant que nous nous prononcions sur l’article d’équilibre. Mais nous pourrons considérer que la discussion a eu lieu ; soyez-en remerciés. C’est notre contribution à l’innovation et à la réforme du travail parlementaire !

Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Nous en avons terminé avec le débat sur la participation de la France au budget de l’Union européenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 3 novembre 2010, à quatorze heures trente et le soir :

1. Débat sur les prélèvements obligatoires et l’endettement et projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 (66, 2010-2011).

Rapport de M. Philippe Marini, fait au nom de la commission des finances (78, 2010-2011).

Texte de la commission (n° 79, 2010-2011).

Avis de M. Alain Vasselle, fait au nom de la commission des affaires sociales (69, 2010-2011).

2. Débat sur les effectifs de la fonction publique.

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée à vingt-trois heures cinquante-cinq.