Intervention de Jacques Mézard

Réunion du 30 mai 2013 à 9h30
Modernisation de l'action publique territoriale et affirmation des métropoles — Discussion d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Jacques MézardJacques Mézard :

Remis le 5 mars 2009, le rapport Balladur avait pour titre : Il est temps de décider. Nous sommes à la mi-2013, une alternance s’est produite et, si une chose me paraît claire, c’est que citoyens et élus locaux sont encore plus qu’hier plongés dans un abîme d’incompréhension et d’indifférence toujours plus grand face à la complexité de notre organisation territoriale, une organisation dont personne ne peut sérieusement soutenir qu’elle est devenue plus performante et rationnelle ces dernières années.

Existe-t-il une vision d’ensemble de la modernisation de l’action publique territoriale ? J’en doute.

Moderniser, cela doit signifier rendre les institutions plus efficaces au meilleur coût pour les contribuables tout en assurant, comme le disait le président de la commission des lois, Jean-Pierre Sueur, une meilleure solidarité entre les territoires. Il faut donc plus de simplicité et une compréhension facilitée pour nos concitoyens.

Est-ce le cas quand on commence par s’abstenir de définir un cadre global d’action avant de décliner ensuite les différents volets ? C’est bien de consulter toutes les associations d’élus, mais les ministres successifs le font depuis longtemps et l’on connaît, depuis tout aussi longtemps, les positions respectables mais figées de ces associations. Madame la ministre, s’il s’agit d’un projet de loi, au Gouvernement d’assumer ses responsabilités comme le firent, en 1982, Pierre Mauroy, Premier ministre, et Gaston Deferre, ministre de l’intérieur et de la décentralisation !

Comment peut-on avancer rationnellement et avec bon sens quand, un jour, un texte est examiné qui traite des ressources financières, que, plusieurs années plus tard, vient en discussion un autre texte traitant cette fois des transferts de compétences entre l’État et les collectivités et qu’un autre texte, après ou avant, est relatif aux compétences de chaque strate territoriale ou à la définition de ces strates ?

On arrive même à cette absurdité que, sur le même objet, trois textes différents peuvent être en navette entre le Sénat et l’Assemblée nationale, comme c’est le cas en ce moment.

Je prendrai un autre exemple : le fameux « binôme », successeur du non moins illustre « conseiller territorial », exige un redécoupage cantonal qui sera le plus souvent déconnecté des intercommunalités, dont la carte n’a pas été suffisamment rationalisée.

Il est très difficile, certes, de modifier l’organisation territoriale. Difficile, car il s’agit d’un meccano très complexe dont les pièces sont indissociables : définition et structure des collectivités locales, répartition et harmonisation de leurs compétences et, fondamentalement, ressources financières.

Les articles de la Constitution relatifs aux collectivités seraient-ils gravés définitivement dans le marbre ?

Considérons que c’est le cas en l’état, puisque, à supposer qu’il existe un projet, réunir une majorité de trois cinquièmes est un exercice plus que délicat. Il faut donc impérativement s’inscrire dans l’interdiction de la tutelle d’une collectivité sur une autre, dans l’existence constitutionnelle des communes, des départements et des régions, dans la notion de libre administration et, telle qu’elle figure dans le cinquième paragraphe de l’article 72 de la Constitution, dans celle de concours de plusieurs collectivités pour l’exercice d’une compétence. Quant à la fin de ce paragraphe, quelque peu floue, est à l’origine de l’exégèse sur la définition du « chef de file », résultante d’une formulation transactionnelle qui aurait plu au défunt président Edgar Faure.

Les quatre principes dégagés par le Président de la République peuvent nous convenir : clarté entre l’État et les collectivités et entre les collectivités elles-mêmes dans l’exercice de leurs compétences, confiance entre les partenaires de l’action publique, cohérence pour conforter la logique des blocs de compétence et démocratie.

Le problème, c’est la déclinaison de ces excellents principes. Qu’attendons-nous, nous ? Un ciselage de la décentralisation ! Il est encore des morceaux de compétence partagés entre certains services de l’État et les collectivités. Il convient de finir le travail et donc d’achever certains transferts. En sens inverse, la question des services départementaux d’incendie et de secours, les SDIS, mérite aussi d’être réexaminée. Il faut également avancer sur la question de la compensation du coût des transferts de compétences.

Nous voulons, nous, une simplification dans tous les domaines. Les états généraux ont mis en évidence la question des normes : trop de lois, de règlements, de contraintes administratives, de blocages, d’enterrement de projets, et, au bout du compte, la lassitude des élus.

S’agissant de l’architecture territoriale, comment les citoyens et même nombre d’élus peuvent-ils aujourd’hui s’y retrouver entre communes, intercommunalités, syndicats mixtes, sociétés d’économie mixte, sociétés publiques locales, cantons, arrondissements, pays, départements, régions ?

Au nom de la démocratie et de la pseudo-concertation, on veut multiplier les schémas, les conférences, les comités de pilotage, les hauts conseils, dans tous les domaines. Le comble, d’ailleurs, serait l’instauration d’un haut conseil des territoires : que deviendrait notre Sénat ?

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